Un touche-à-tout génial. Idrissa Alphonse Traoré, plus connu sous son sobriquet de Asso, réunit en lui Leonardo da Vinci et Michel Ange, deux génies qui ont marqué de leurs empreintes la renaissance et, d’une manière générale, l’art et la pensée universelle. Il y a même en lui un tantinet de Picasso.
Si la peinture et les arts plastiques constituent le cœur du métier de cet autodidacte iconoclaste, à la trajectoire tout aussi atypique et doté d’une curiosité insatiable, la palette de ses compétences est très large: teinture (batik), graphisme, informatique (PAO) , enduit, stuff (décoration de plafond à base de plâtre avec filasse et colle), sérigraphie, mosaïque (décoration avec les carreaux, le cassé 2/2) «cèn cèn bari», une technique créée au Mali.
Et le fixage sous vitre, une autre technique qui lui permet, par exemple, de reproduire sur des miroirs des versets et sourates du Coran d’une beauté esthétique à vous couper le souffle. Sans compter le modelage et le recyclage. Pour la petite histoire, il peut recycler des pneus usagés et en faire un gradin pour terrain de football.
Chacun de ces domaines de compétence peut lui servir de métier et lui faire gagner décemment sa vie. Mais, toujours habité par la soif d’apprendre et la boulimie d’innovation, Asso préfère toujours aller voir ailleurs. Dieu l’a gratifié d’un don: il lui suffit de regarder faire pour acquérir aussitôt le savoir-faire.
«A Kati, il n’y a pas de parti politique n’ayant pas eu recours à mes compétences, comme peut en témoigner le portrait géant de Soumaïla qui trônait devant la représentation locale de l’URD dans la ville-garnison au moment de la campagne pour la dernière présidentielle» confie Asso, sans forfanterie mais avec une légitime fierté.
A son tableau de chasse figurent en bonne place trois expositions en France. Des expositions qui ont remporté un franc succès, à l’image de celle organisée à Touars à la chapelle Jeanne d’Arc. Les expositions d’Asso sont essentiellement en Bogolan (pagnes, boubous, tapis et tableau). En la matière, les couleurs naturelles et l’art de leur dosage n’ont aucun secret pour lui, qu’il s’agisse du ngalama, du mpeku, du tchankara, du niama, du nèrè fara, du bouana ou du zoroblen.
Les motifs de décoration ne sont autres choses que des idéogrammes: dogon, tamasheq, mais surtout bamanan. Pour Idrissa Alphonse Traoré, ils sont de puissants vecteurs de communication, qui permettent de véhiculer plein de messages. Deux rencontres avec feu Youssouf Tata Cissé, alors chercheur au CNRS, l’ont renforcé dans sa passion.
Les idéogrammes bamanan sont au nombre de 266, dont Ma Tè Sé kè Ngalayé (personne ne sera Dieu), Oun Houm, Latômôni Sera (l’heure du Tri a sonné), Tignè Tigi (le détenteur de la vérité), Dji (l’eau), Tassouma (le feu), Yèlènin (la montée), Mort et Résurrection, Bi Yé Goloba Yé, Sorolen Sô, Fourou (le mariage). Au demeurant, Asso compte organiser bientôt une exposition sur le «Bogolan et les Idéogrammes Bamanan».
C’est par nécessité qu’Asso est devenu artiste-plasticien infographiste. Au départ était le lycée Askia Mohamed. Mais, à cause des difficultés financières, il abandonna vite les études secondaires et se retrouva malgré lui dans le monde des ONG.
Il y apprendra, entre autres, la méthode GRAPP (Groupe de Recherche et d’Appui pour l’Autopromotion Paysanne). Il contracta le virus des arts plastiques auprès du vieux Alpha Yaya Diarra, alors professeur des Arts et Métiers à l’Institut National des Arts (INA), qui l’a encadré de 1993 jusqu’à sa mort, il y a deux ans.
De son feu père Vincent Traoré, dont le stade municipal de Kati porte le nom, Asso a hérité de la manie de bien articuler ses mots, histoire de se faire bien comprendre. Et surtout de la droiture.
L’ambition d’Asso, c’est de créer une école d’art à Kati, dont 75% des pensionnaires seront des filles qui n’ont jamais été à l’école ou qui n’ont jamais franchi le seuil de la 6ème année, les 20% restants étant naturellement constitués de garçons. Sacré Asso !
Yaya Sidibé