L’association de femmes Nyeleni, perpétue depuis 40 ans l’art de la confection de tapis en laine de mouton à Ségou au Mali.
A 240 km de Bamako, au cœur du quartier de Médine, dans la ville de Ségou, dans le vaste atelier de l’association Nyeleni, Kadia Diakité, toute souriante, capte avec son téléphone l’œuvre de plusieurs mois d’efforts : la photo d’un tapis artisanal soigneusement tissé à partir de la laine de mouton. Fruit de plusieurs mois de travail inlassable, le tapis, qui mesure 1,5 m, sera cédé à un acquéreur pour 300 000 F CFA.
Pour réaliser cette œuvre, il faut d’abord le tri délicat et soigneux des laines, qui se fait en harmonisant tout en les teintes. Ce travail, collectif et collégial se fait en plusieurs étapes : de l’état brut au cardage, en passant par le filage jusqu’au tissage qui est la confection proprement dit du tapis.
“Les laines arrivent de Konna et de Mopti. On y trouve du rouge, du blanc, du noir… Je fais le tri qui est le début du processus. Cela nous permet d’utiliser les laines blanches pour des tapis en blanc et ainsi de suite. Et nous appliquons aussi de la teinture pour changer la couleur de la laine. Ensuite, les autres femmes font le reste du travail pour le transformer en fil. Chacune est payée en fonction de l’effort fourni”, explique Kadia Diakité.
Manque de moyens et de sang neuf
Formées par des missionnaires, les Sœurs Blanches en 1968, ce regroupement de femmes a fini par se constituer en association avec l’appui et l’accompagnement des Sœurs Blanches. Ainsi, a vu le jour, en 1982, la tapisserie Nyeleni. Dans la mythologie locale, Nyeleni symbolise la femme brave, travailleuse. Aujourd’hui, cette association de femmes dont la plupart est sexagénaire, est basée uniquement à Ségou.
Depuis une quarantaine d’années, la clientèle s’agrandit mais la réelle difficulté est de la satisfaire. Malgré une forte demande, l’atelier de tapisserie se trouve confronté à des défis liés à son personnel exclusivement féminin qui prend de l’âge. Tant la jeunesse ne s’intéresse pas à ce travail au motif qu’il est très peu rentable mais en plus demande beaucoup d’efforts.
Au-delà du déficit en main d’œuvre, “nous avons pris de l’âge et nous continuons malgré tout à venir travailler car le peu que nous gagnons avec ce travail nous permet de gagner de quoi satisfaire nos petits besoins. Le plus dur, à ce jour reste l’approvisionnement en laines. Et cela, depuis la crise du Nord”, confie la présidente de l’association, Thérèse Dougouné.
Ainsi, l’association Nyeleni est à la recherche de jeunes recrues et aussi du soutien de l’Etat pour pérenniser son savoir-faire.
Ici, à Nyeleni, de nombreuses mains participent au travail dans toute la chaîne. En dépit de la forte demande de la clientèle malienne et étrangère, l’association peine à honorer toutes les commandes.
Pour Thérèse Dougouné, la présidente de l’association Nyeleni, “c’est très compliqué d’avoir de la laine. Il ne nous reste qu’une seule personne qui peut nous livrer la laine. Il fait tout son possible pour nous la faire parvenir. Nous en avons même en stock mais avec le sous-effectif, nous n’arrivons plus à faire des recettes nous permettant de le payer”.
Le poids des ans
Les décès, les maladies et le poids des ans ont laissé leurs empreintes. Au départ, 78 femmes artisanes contre à peine une vingtaine aujourd’hui. C’est l’un des réels problèmes auquel est confrontée l’association. Cela se ressent plus au niveau de l’exécution des commandes qui prennent plus de temps que d’habitude.
Afin de préserver l’héritage de cet atelier, les femmes fondent leur espoir sur de jeunes recrues, une ressource de plus en plus rare. “Nos corps sont épuisés. Nous voulons que les jeunes viennent prendre la relève. C’est une activité lucrative. Ici tout est clair, tu es payé en fonction du travail que tu fais. Nous avons même allégé les conditions d’adhésion. Quand un jeune vient et que tu lui demandes de tisser des fils de coton il refuse”, confesse Mariétou Koumaré, artisane.
Ces dames qui ont consacré leur vie à la confection de tapis, associent leur voix à celle de leur porte-parole, pour demander aux jeunes de s’intéresser à leur savoir-faire pour que la tapisserie ne disparaisse et placent leur espoir aux autorités et sollicitent l’intervention de l’Etat.
“Nous aspirons à voir cet espace se transformer en un centre d’apprentissage, destiné aux jeunes déscolarisés et non scolarisés. Un centre dans lequel le précieux héritage de notre artisanat serait transmis à la jeune génération”, espère Mme Diakité.
Georges Attino Coulibaly
Aminata Agaly Yattara
(envoyés spéciaux à Ségou)