Roman: « La Conjuration » Comment s’affranchir du joug !

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Dans le cadre de la promotion de la lecture comme facteur de développement au Mali, nous nous sommes intéressés à un roman intitulé : « La Conjuration ».

 

Daniel Tessougué, auteur du livre
Daniel Tessougué, auteur du livre

Cet ouvrage de 159 pages, édité aux Editions Jamana, est un véritable essai politique écrit par Daniel Amagoïn Tessougué. L’auteur, à travers ces lignes, s’est penché sur les multiples complots qui ont émaillé la vie politique dans plusieurs pays de dictature en Afrique. C’est une façon pour lui de rendre hommage aux combattants de la liberté. La préface faite par Me Amidou Diabaté, ancien ministre de la justice du Mali, en dit long. Ce dernier, dans un style limpide et clair, s’est mis déjà dans la peau du critique littéraire. Dès la page 3, il entame ses propos par ceci : « Une longue amitié et un combat partagé pour la liberté, me valent l’honneur d’être le préfacier de ce livre qui assurément est un roman. Une intrigue, des personnages imaginaires sont crées par l’auteur pour jouer une partition qui malheureusement a été plusieurs fois vécue dans la réalité sous les tropiques. « La conjuration », pour ce qui concerne les faits qui sont rapportés, est la reproduction livresque des multiples complots qui ont émaillé la vie politique dans plusieurs pays de dictature en Afrique. Comme le dit si bien un des héros du roman « On a chanté partout qu’en expliquant au peuple quels sont ses droits élémentaires, je faisais de la subversion ». Combien de militants ont péri sous la torture pour la quête de la liberté ? « La Conjuration » est un hommage qui leur est rendu par l’auteur afin de perpétuer la flamme qui les a animés et dont l’incandescence a permis d’avoir raison en fin de compte de la dictature. Aujourd’hui, la démocratie est conquise. Mais le germe de la dictature n’est pas pour autant détruit. C’est pourquoi le combat auquel Daniel Amagoïn Tessougué appelle la jeunesse à travers son roman est toujours actuel. Intellectuel engagé, Daniel renoue avec le roman noir engagé dans la tradition de Jacques Roumain (« Gouverneur de la rosée ») et de Wolé Soyinka (« Cet homme est mort ») qui chantent l’intellectuel organique au sens marxiste. C’est Tarès, le héros du roman qui nous situe clairement au cœur du débat en s’écriant : « C’est là que se situe le rôle de l’intellectuel africain. Appeler le peuple à la compréhension de la source de ses malheurs, lui montrer qu’il est au début et à la fin du processus de développement et que sa force de frappe, c’est de pouvoir édicter sa volonté aux dirigeants qui tirent leur légitimité de lui. En agissant pas dans son intérêt, les dirigeants deviennent des traîtres à sa cause et il a le droit de les désavouer. Mais pour cela, il faut que chaque intellectuel puisse réellement se forger une nette conscience de son rôle dans sa sphère d’activités. Il faut aussi transcender privilège, honneur et gain au détriment de son peuple. Il faut que la fierté trouve sa source dans le bonheur du peuple ». Il renchérit pour dire qu’à cet égard, le rôle de l’intellectuel demeure ce qui est écrit dans « La conjuration » : « …Retourner parmi les siens, les aider à se débarrasser de toute cette racaille de députés corrompus, de magistrats aux ordres, de généraux lubriques, de ministres népotistes et cupides, des présidents oublieux des aspirations profondes des masses laborieuses… ». Et dans ce combat, la jeunesse a besoin d’être guidée, formée pour qu’elle assume sa part de responsabilité dans l’Afrique d’aujourd’hui, une Afrique habillée avec les oripeaux de la démocratie. Avec « La Conjuration », Daniel va au devant de ce besoin. Voilà que c’est bien dit. C’est ainsi que dès la page 7 de l’ouvrage, Daniel Amagoïn Tessougué campe le décor par ces vers de la Bible : « Ouvre ta bouche pour le muet, pour la cause de tous les délaissés. Ouvre ta bouche, juge avec justice, et défendre le malheureux et l’indigent ». De ce fait, l’auteur commence déjà sa lutte à partir de la page 9 par ceci : « Lutter, lutter, lutter… (car rien n’est acquis) ».

En épluchant le corps de l’ouvrage, on se rend compte qu’il est divisé en sept chapitres et l’épilogue. Au niveau du chapitre premier, c’est l’histoire de Témé, le grand frère de Tarès (l’intellectuel) qui émerveille et bouleverse le lecteur. La page 22 est illustrative : « Son aventure vers la capitale pour accueillir son jeune frère venant d’Europe commençait vraiment mal. Très mal même. La nuit fut longue et douloureuse. La pièce très exiguë était encombrée par d’autres detenus très alertes à distribuer des coups de poings. Décidément, même en prison, l’homme demeure toujours un loup pour son prochain. Témé subit toutes sortes de vexations au cours de la nuit…Dieu, que la terre est vaste, l’avenir rempli d’imprévus. Qui aurait jamais cru que lui Témé, serait un jour enfermé dans une petite piaule presque nu, obligé de se soulager dans une boîte métallique qui répandait une odeur suffocante. Qu’Allah est grand ! Mais si cela aussi était inscrit dans son destin…alors vraiment ce destin… ».

Le chapitre deux commence par les préparatifs du retour de Tarès (il vit en Europe) dans son village natal du nom Insogou. La remarque pertinente qui se dégage à ce niveau, c’est que Tarès eut de vives discussions avec ses camarades de fac au sujet des problèmes de l4afrique. D’ailleurs, certains lui conseille même de ne jamais rentrer pour ne pas vivre dans la misère que ses compatriotes. A la page 38, il est écrit ceci : « …Mais, tu t’en prends systématiquement à l’Afrique seule. Tu accuses uniquement les dirigeants africains. Tu sembles ignorer que les puissances occidentales sont pour beaucoup, sinon exclusivement dans le malheur de nos peuples ». Le chapitre trois commence par la rencontre de Tarès et son grand frère Témé et leur voyage vers leur village natal avec les tracasseries des agents de la police et de la gendarmerie. La page 47 nous illustre davantage : « Ce pays n’est pas votre patrimoine. L’arbitraire a une limite. Vous devriez avoir honte de vivre sur le labeur de ce peuple. Que faites-vous du sens de votre fonction ? Je n’ai cure de votre compréhension ; je sais une chose tous ceux qui ont fait peiner ce peuple le paieront, et cher. J’irai à Bankass, j’en causerai avec le commandant de cercle. S’il le faut, je toucherai le Gouverneur de région. Foi du médecin que je suis ». ( C’est Tarès qui parle)

Le chapitre quatre nous plonge dans la vie pratique de Tarès sitôt son arrivée. Maintenant, il est au cœur du système qu’il veut combattre avec toute son énergie. Malgré les coups bas et les déceptions, Tarès ne désarme pas. Il va jusqu’au bout de ses convictions. A la page 76, il est écrit ceci : « En face de l’aveu du tout puissant Directeur Administratif, il décida en son for intérieur que jamais il ne baissera les bras. Il fallait tout faire pour sortir ce pays de ce système qui magnifie le népotisme, la gabegie, la médiocrité. Les laissés pour compte, jamais, ne doivent ployer l’échine ». Le chapitre cinq commence par la vie paisible de Mayali où les citoyens exultaient. La page 107 nous édifie davantage : « …La sécurité du citoyen à Mayali s’installait peu à peu. Les descentes policières organisées par Kounkotigui, les rafles systématiques des cycles, les contrôles d’identité intempestifs ponctués d’acte de violence s’estompaient… ». Au niveau du chapitre six, nous pouvons lire ceci à la page 123 : « Le complot dit « des garnements de Mayali » faisait grand bruit dans la capitale. L’instance régionale avait, à partir du rapport du député, monté un véritable dossier, gros tissu de mensonges et de flagorneries, avec en annexe les conclusions réciproques du coordinateur régional de la santé et du procureur Kido. Les deux hommes avaient rivalisés de méchanceté, si bien que les têtes des présumés « conjurés » étaient offertes à l’holocauste ». Et à la page 124, ce qui est écrit est pathétique : « Un groupe de jeunes récalcitrants qui veulent renverser le régime. Ambitieux et sans aucune considération pour l’ordre établi, ils veulent déstabiliser le régime. Le tout repose sur la tête de ce docteur (Tarès) de malheur. Le directeur des affaires administratives du ministère de la santé à l’époque nous avait adressé une note confidentielle afin qu’on veille au grain… ». Le chapitre sept commence par les inquiétudes de la vieille Tansi (la mère de Tarès) au sujet de son fils bien aimé. A la page 139, on peut noter ceci : « Quel diable avait piqué Tarès pour s’attaquer au Président ? Voulait-il devenir plus grand que ce qu’il n’était ? ».

En épilogue, l’auteur parle de l’évasion des « conjurés » de la geôle de la Sécurité d’Etat grâce à une âme sensible (un homme en uniforme) que Paul surnomme « l’ange de dieu ». A la page 158, il est écrit que les « conjurés » menèrent désormais une existence d’exilés. Et des années après ces faits, la parole était donnée au peuple. La révolte de Témé fit son effet. Le peuple refusait désormais des diktats. Il décidait de ne plus se laisser spolier de sa liberté.

Les « conjurés » d’hier purent regagner leur pays.

Il est à noter que Daniel Amagoïn Tessougué est né le 10 décembre 1958 à Sangha, dans cette de la République du Mali qu’on désigne sous le nom de pays Dogon. Magistrat de formation, il est titulaire de plusieurs titres universitaires dont un Doctorat en droit privé. Il est aussi l’auteur des « Cantiques du Ginna », Recueil de poèmes publié aux EDIM S.A et « Harmonie retrouvée », Roman publié aux Editions CPE, Abidjan, Côte d’Ivoire.

 

Mamadou Macalou

 

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