"Riworo" : le jour de gloire des bergers

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La fête symbolise des valeurs et vertus ancestrales comme la reconnaissance de l’effort et du mérite, la confiance en soi et l’attachement des jeunes à leur passé et leur ouverture sur l’avenir.

La coutume s’est installée depuis plus d’un demi siècle dans le Gondo, contrée formée de trois communes rurales : Diankabou, Madougou et Dioungani. Sur ce territoire habité par des Peuls et des Dogons, le "Riworo" marque le retour triomphal des jeunes bergers après quatre mois de privations, d’intempéries, de dangers encourus pendant la transhumance pour nourrir les animaux. Pendant toute cette période, en effet, les bergers se nourrissent exclusivement de lait de vache et d’eau.

Leurs retrouvailles avec leurs familles donnent lieu depuis des décennies à une sorte de compétition pour désigner le meilleur berger. Celui-ci accède à ce rang grâce essentiellement à l’embonpoint de son troupeau.

Samedi, le petit village de Dioungani, situé à 57 km au nord de Koro, a vibré au rythme de cette fête traditionnelle à laquelle ont pris part près d’un millier de personnes. Les festivités se sont déroulées en présence du ministre de l’Elevage et de la Pêche, Mme Diallo Madeleine Bâ, des autorités administratives de la région de Mopti, du maire de la commune de Dioungani, Issa Nila Guindo et d’invités de marque parmi lesquels une délégation venue du Burkina Faso, l’ambassadeur du Mali auprès de l’Union européenne, Ibrahim Bocar Bâ, et le président directeur général de la Banque malienne de solidarité, Babaly Bâ.

La fête a été belle. Chants et danses traditionnels peuls, prestations des danseurs dogon, cris de joie des jeunes bergers et beuglement des bœufs, tout était réuni pour électriser le climat sur la place publique de Dioungani. Cette édition du "riworo", médiatisée pour la première fois est dédiée au président de la République, Amadou Toumani Touré.

"C’est la première fois que je vois ça dans notre village. Tout ce beau monde en un seul coup chez nous, c’est du jamais vu", confiait le jeune berger Hama, les yeux hagards devant cette foule incroyable.


49 competiteurs
: Dioungani grouillait littéralement de monde ce jour. Le brouhaha et les clameurs étaient assourdissants. Hommes et femmes, jeunes et vieux sont sortis massivement pour marquer leur adhésion à ce qu’ils considèrent désormais comme un nouveau départ pour le "Riworo".

Organisé par les associations d’éleveurs du cercle de Koro, le "Riworo" ou encore la fête des boeufs fait partie intégrante de la culture peul. Le "Riworo", au-delà de l’aspect festif, symbolise tout un pan de la culture peul, des valeurs et des vertus ancestrales comme la reconnaissance du mérite, la confiance en soi et l’attachement des jeunes à leur passé et leur ouverture sur l’avenir.

"Au fait il s’agit du retour des animaux de la transhumance. C’est une très grande fête durant laquelle on choisit le troupeau le plus gras. Cela fait plus de 60 ans qu’on célèbre cet événement dans le Gondo. L’objectif étant de créer l’émulation entre les jeunes bergers", explique Abdoulaye Barry, alias Allaye Douna, technicien d’agriculture, natif de Dioungani.

La concurrence est, en effet, forte et le défi omniprésent. Rien de tel parfois que l’ironie pour déstabiliser les concurrents. Un des jeunes bergers s’est ainsi proposé d’être le « mari » des autres concurrents pour la prochaine année. Et pour concrétiser cette intention, il leur a distribué des noix de cola en leur lançant à la figure : "mi happi" (je vous ai attachés en fulfuldé, ndlr).

Mais au delà du jeu et de la compétition, le « Riworo » permet de booster la production laitière et d’améliorer les rapports sociaux entre les communautés peule et dogon qui vivent en harmonie dans la contrée.

A l’instar du "Riworo" dans le Gondo, ce trait de la culture peule se manifeste dans d’autres localités. Le "Jaarè" (célébré à Nioro du Sahel), le "Jaaral" (Diafarabé) et le "Deegal" (dans la zone de Youwarou) marquent tous le retour des animaux au village d’origine et constituent des événements culturels phares de quatre aires géographiques réputées pour l’élevage du bétail dans notre pays.

A la différence des trois autres, le "riworo" est logé dans les zones exondées. Très tôt le matin, le village de Dioungani était couvert d’un nuage de poussière. Chacun voulait être témoin de ce moment magique : celui de la désignation du meilleur berger. Le concours met aux prises 49 compétiteurs issus des 11 villages environnants.

Plus de 30 milliards de recettes d’exportation : Le jury composé de neuf membres (Maliens et Burkinabé) a désigné cette année le jeune Boucary Gondou Diamhalla du village de Aldiouma comme meilleur berger de la saison. Il remporte ainsi le grand prix "Amadou Toumani Touré" doté d’un million de Fcfa, plus un "Kufunè Djerti" (un bonnet peul serti d’argent). Le deuxième prix, doté d’une somme de 70.000 Fcfa, plus un vélo et un chapeau est revenu à Hamadou Mikaïlou de Aldiouma, tandis que Djibirilou Hamadou Ousmane de Komni a empoché 50.000 Fcfa, plus un vélo et un chapeau. Les quatrième et cinquième prix de 40 et 30.000 Fcfa, plus deux postes radios sont revenus respectivement à Oumarou Hamidou (Aldiouma) et Baka Ousseini de Tanfadala. Chacun des gagnants a reçu également 3 sacs de tourteaux et 2 sacs de sel.

Notre pays dispose de plus de 8 millions de boeufs, 27 millions de moutons et de chèvres. L’élevage est donc l’une de nos plus grandes richesses, constatera Ibrahim Bocar Bâ. Notre pays est le premier producteur de l’espace UEMOA dans ce secteur qui fournit ainsi à l’économie nationale 11% du produit intérieur brut (PIB), avec plus de 30 milliards Fcfa de recettes d’exportation, et des revenus à 30% de la population.

La région de Mopti concentre, selon les statistiques officielles de la DNSI, le plus important cheptel du pays (22%), devant Sikasso (20%). "Nous devons avoir à l’esprit que dans le Gondo, l’élevage représente le meilleur atout de la lutte contre la pauvreté. Le fort potentiel existant est loin d’avoir été exploité, tant pour ses capacités à contribuer à la sécurité alimentaire du pays, que pour la création de valeurs ajoutées et d’emplois dont il regorge", a estimé l’ambassadeur Ibrahim Boubacar Bâ. L’élevage contemplatif, l’exportation de bétail sur pied avec des pertes de poids en chemin et les énormes importations de produits laitiers (15 à 17 milliards Fcfa par an) sont autant de défis à relever par le secteur, a-t-il signalé.

10.000 doses de vaccins : Le développement de l’industrie de la viande et du lait, l’assurance de la protection sanitaire, les vastes programmes d’aménagement pastoraux, la construction de marchés à bétail, l’investissement dans l’hydraulique pastorale etc, constituent autant d’efforts salués par Ibrahim Bocar Bâ. Celui-ci a profité de l’occasion pour annoncer un nouveau Programme indicatif de coopération Mali-Belgique à deux volets couvrant l’amélioration de la race de boeufs Azawac de Ménaka et celle des zébus maures.

Le ministre de l’Elevage et de la Pêche a remercié les organisateurs, félicité et encouragé les jeunes qui, des mois durant, se sont exclusivement consacrés à l’entretien de leurs troupeaux. Le "riworo", a jugé Mme Diallo Madeleine Bâ magnifie le potentiel du cheptel qui joue un rôle éminent en matière de satisfaction des besoins en produits animaux et de création d’emplois et de richesses pour les populations.

"L’embonpoint excellent des animaux de retour de la transhumance est la preuve tangible de l’amour du berger et aussi de toutes les peines consenties par lui durant des mois au profit de l’entretien adéquat du troupeau. Cependant il conviendra d’organiser des campagnes de constitution de stock de foin et de paille bottelée pour amoindrir, voire annihiler le choc des difficultés alimentaires sur le bétail pendant la saison sèche. Ceci permettra d’assurer une durabilité des productions animales tout le long de l’année", a suggéré le ministre, avant de remettre aux éleveurs, au nom du président de la République, 10.000 doses de vaccins contre le charbon symptomatique et la pasteurellose bovine.

L. DIARRA

 

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