Restitution de biens culturels : Le Mali a la capacité de recevoir tout patrimoine restitué

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Sur la base du rapport sur la restitution des biens culturels africains remis, vendredi dernier, aux autorités publiques françaises par le Pr d’universitaire sénégalais Felwine Sarr et l’historienne française Bénédicte Savoy, le ministère de la Culture du Mali a, déjà, mis en place une commission chargée de réfléchir à la stratégie à adopter pour réclamer nos objets, explique le Dr Salia Malé, directeur par intérim du Musée national. Il a participé, en juin dernier, à Dakar (Sénégal), à un atelier sur la question.

Ce rapport indique que 90 000 objets provenant d’Afrique subsaharienne se trouveraient actuellement dans les collections publiques françaises, dont 70 000 au musée du Quai Branly, à Paris. Les 20.000 autres sont répartis entre d’autres musées, notamment Cherbourg, Le Havre, La Rochelle, Bordeaux, Nantes et Marseille. Ces restitutions pourraient concerner quatre types d’objets. Ceux saisis dans le cadre des agressions militaires, à condition que leur acquisition soit antérieure à l’adoption en 1899 des premières conventions de La Haye codifiant les lois de la guerre et les objets réquisitionnés durant la période coloniale (1885-1960) par des militaires, administrateurs ou leurs descendants. Il y a aussi les objets pris ou achetés de force lors des grandes expéditions scientifiques françaises en Afrique au XXe siècle et les objets acquis illégalement après les indépendances, notamment par le biais de trafics.

La majorité des objets africains se trouvant actuellement dans les collections publiques françaises ont été acquis durant la période coloniale». Bénédicte Savoy et Felwine Sarr proposent de restituer en trois étapes le patrimoine culturel africain présent sur le sol français.

La première étape, qui s’étend de novembre 2018 à novembre 2019, permettra de remettre aux États africains concernés, « des inventaires d’œuvres issues de leur territoire, selon les frontières actuelles et conservées actuellement dans les collections publiques françaises ».

D’après le rapport, des biens culturels du Mali sont concernés, indique Salia Malé. Il s’agit d’un ciwara bamanan des environs de Bougouni, un masque et poitrine postiche dogon, une figure végétale de cauris, un masque satimbé anthropomorphe, un masque iminana de Sangha, un animal sacré du Kono ( boli ou objet rituel bamanan), et un masque sim dogon. Toutes ces œuvres d’art ont été emportées avant 1930. La deuxième étape s’étendra du printemps 2019 à novembre 2022 et qui se découpe en quatre volets distincts, « doit conduire à la mise en ligne en libre accès, ou à la restitution bien ordonnée, d’ici cinq ans, du matériel iconographique, cinématographique et sonore concernant les sociétés africaines». 10 objets de notre pays seront concernés par cette étape, indique le directeur intérimaire du Musée national. Enfin la dernière étape commencera à partir de novembre 2022. Pour les auteurs, le processus de restitution ne doit pas être limité dans le temps. Mais Dr Malé précise que ces objets cités sont des propositions des deux rapporteurs, car la commission mise en place par le ministère de la Culture opinera sur la liste.

Le rapport ne prend pas en compte les objets archéologiques, au grand dam de notre interlocuteur. Pourtant, de nombreux objets issus de pillages ou sortis illicitement constituent des catégories intéressantes. Aujourd’hui, ces biens inaliénables ne peuvent légalement quitter les collections françaises.

Les auteurs proposent donc d’amender le code du patrimoine qui protège les collections des musées français. Ils recommandent d’ajouter un nouvel article au texte existant en ces termes : «un accord bilatéral de coopération culturelle conclu entre l’État français et un État africain peut prévoir la restitution de biens culturels, et notamment d’objets des collections de musées, transférés hors de leur territoire d’origine pendant la période coloniale française ». Pour procéder à ces restitutions sur demande de chaque État africain concerné, le document remis aux autorités françaises préconise la « création de commissions paritaires entre la France et les États africains désireux de recouvrer leurs patrimoines » sous l’égide du ministère de la Culture et du ministère des Affaires étrangères. De nos jours, le Musée national est en mesure de recevoir tous les objets car il possède trois grandes réserves et une quatrième est en construction. Il a déjà reçu des objets restitués comme les fameux Béliers du président Jacques Chirac en 1998 qui y sont exposés actuellement.

Ils sont en parfait état. Ces réserves sont toutes équipées de meilleures conditions de conservation. Mieux, notre pays dispose de quatre musées régionaux à Gao, Bandiagara, Djenné, et Sikasso.

Notre interlocuteur évoque aussi le cas des objets de Neni en pays dogon. Il s’agit de deux statuettes représentant le couple ancestral du village de Neni dans la Commune rurale de Sanga. Ces objets volés ont été retrouvés, saisis et restitués en décembre 2002, grâce à l’intervention de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC).

Les chefs de la pratique rituelle dont ces objets sont le support, après les avoir reconnus, ont été enthousiastes à les accueillir et à les réintégrer dans leur système de représentation. « Ce type de reconnaissance de l’objet est de nature à en faciliter la réappropriation et la resocialisation communautaire au niveau local », a conclu Dr Malé.

Youssouf DOUMBIA

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2 COMMENTAIRES

  1. La restitution des biens culturels est une chose pour nos Etats; leur conservation et gestion efficiente en est une autre.
    La priorité doit être de développer des ressources humaines, matérielles et financières pour une gestion rentable des collections (sur le plan économique, éducatif et de développement culturel).
    Les musées régionaux de Bandiagara et Djenné financés à plus de 400 millions de FCFA et dont les travaux sont finis depuis 2012 restent fermés et tombent en décrépitude parce que ni l’Etat ni les Collectivités n’ont mis les moyens à disposition pour les ouvrir au public. Celui de Sikasso ouvert en 2010 à l’occasion de la biennale artistique est dans un piteux état.
    Ne nous voilons donc pas la face et évitons de tomber dans un suivisme grégaire. La priorité et la primauté doivent être accordées à l’intensification de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Des objets rares substitués et des milliers d’autres illicitement vendus ou volés ressemble bien à un travail de Sisyphe. Dans le contexte actuel du Sahel mutualisons nos efforts pour d’abord arrêter cette hémorragie de nos biens culturels.

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