C’est à Woroni, dans le cercle de Kadiolo (région de Sikasso) que le Mali a célébré cette année la Journée mondiale du tourisme (1er octobre). Un choix judicieux si le département de tutelle parvient à se départir de la démagogie politicienne et des clichés et opter pour une nouvelle vision de développement d’un secteur pourvoyeur d’emplois et de richesses. En effet, depuis au moins 5 ans, le Mali est privé de ses revenus touristiques parce que les dirigeants du secteur ont longtemps tout misé sur le centre (Djenné, Mopti et le Pays Dogon) et le nord (Tombouctou et Gao) en négligeant le reste du pays.
«Promouvoir l’accessibilité universelle en faveur d’un tourisme pour tous» ! Tel était le thème de l’édition 2016 de la Journée mondiale du tourisme célébrée le 1er octobre dernier à Woroni, dans le cercle de Kadiolo (Sikasso).
Ce choix de ce thème doit traduire la volonté de bannir toutes les formes d’exclusion pour un tourisme ouvert à tous et dans l’intérêt de tous les acteurs (visiteurs, promoteurs, communautés riveraines des sites…) afin d’engager une responsabilité collective dans l’aménagement, la gestion et la sauvegarde des sites.
L’exclusion et la discrimination sont les deux maux qui expliquent aujourd’hui la léthargie du secteur touristique malien. Les grands pays de tourisme (France, Grèce, Mexique, Egypte, Kenya, Chine, Brésil, Cuba, Turquie, Maroc…) ne privilégient pas que des offres dédiées aux seuls étrangers, mais consentent aussi des efforts énormes pour attirer les nationaux vers les sites touristiques.
Le Mali est un pays de civilisations avec un glorieux passé historique dont les vestiges sont repartis sur l’ensemble du territoire national. Mais, par manque de vision d’anticipation, nos autorités ont privilégié les vestiges du Centre (Djenné, Mopti, le Pays dogon) et du Nord du Mali (Tombouctou et Gao) comme vitrines de la promotion touristique.
Les politiques de développement et de promotion ont discriminé les autres régions, y compris la capitale dont les trésors touristiques (Woyowayanko, Fosses communes du Jokoro, Fama Muso Kofara, Seléké Jan… Suruntuba qui est une chute d’eau située près d’une grotte peu profonde et qui alimente des vergers à l’ouest de la capitale, précisément à Taliko 5) sont méconnus des Bamakois à plus forte raison des Maliens et des visiteurs étrangers.
Malheureusement, avec l’insécurité et le terrorisme se manifestant par le rapt de touristes Occidentaux, ces régions sont classées «Zone Rouge» depuis plus de cinq ans par les chancelleries occidentales et les Tours Operators. Une situation aggravée par la crise sécuritaire que le Mali traverse depuis janvier 2012 et dont les répercutions sont dramatiques sur les secteurs du tourisme, de l’artisanat et de l’hôtellerie.
Notre pays paye le prix fort pour avoir mis tous ses œufs dans le même panier malgré les énormes et diverses potentialités d’une carte touristique très enviée dans le monde.
Le choix de Woroni pour célébrer la Journée mondiale du tourisme est judicieuse et pertinente si elle découle d’une réelle vision et d’une prise de conscience qu’il faut sortir de l’exclusion et de la discrimination pour multiplier non seulement l’offre touristique sur l’ensemble du territoire, mais aussi et surtout ne plus privilégier un tourisme axé sur les seuls visiteurs venus de l’étranger.
Pour la circonstance, le ministre Nina Wallet Intallou (Artisanat et Tourisme) a manifesté sa volonté de faire de la région de Sikasso «une nouvelle destination touristique phare».
«Le berceau du balafon en a le potentiel, avec des sites remarquables et un riche passé culturel, inestimable. Sikasso sera désormais l’ambassadrice du tourisme malien. Son authenticité, ses circuits inédits et son environnement paisible sont autant d’atouts qui vont contribuer à séduire une clientèle nationale et internationale attirée par la nouveauté et la quiétude», a-t-elle déclaré à Woroni.
Elle a justifié le choix de cette localité, réputée pour ces célèbres et énigmatiques chutes d’eau, par la nécessité de diversifier les pôles d’attractivité touristique de la «destination Mali», à travers la promotion de nouvelles niches éco-touristiques dans les régions du sud, de l’ouest et du centre afin de «restaurer une meilleure répartition géographique des sites touristiques sur l’ensemble de notre territoire».
Toutes les régions regorgent de richesses touristiques à l’image de Sikasso
Les trésors de Sikasso, ce sont les impressionnantes chutes de Woroni intarissables sur les 12 mois de l’année. L’eau coule à flot à partir de montagnes sans que personne ne sache d’où elle vient.
«Woroni est un endroit assez incroyable: alors que l’on évolue dans la savane sèche boisée dans tout le sud du Mali, on tombe bizarrement dans ce coin là sur une forêt humide, vraie jungle, et si l’on veut bien y arriver, aux Chutes de Woroni, dignes d’un décor de film de Tarzan», commente le photographe Lionel Sineux (africornitho.over-blog) qui a visité cette zone en 2011.
Sikasso, c’est aussi le Tara (Tata) plus que jamais menacé par les intempéries et l’urbanisation sauvage), la Fosse Commune, les Tombes de Tiéba et Babemba, le Palais Royal, le Mamelon au cœur de la capitale du Kénédougou, les chutes du Farako, les Grottes de Missikoro…
C’est aussi la Porte du Soudan à Woroni, de la Vache en prière à Zanso, de la Mosquée en pierre de Faco-courou, des Poissons sacrés et de la Fosse commune de Kébéni, du Siège du Prince Siaka Traoré (jeune frère de Tiéba Traoré), du Tata de Sénina et de la Mare sacrée de Katiornimba, etc.
Les régions de Kayes, Koulikoro, Ségou… ainsi que le District de Bamako peuvent revendiquer aussi une telle richesse et diversité touristique.
Un potentiel énorme, diversifié et bien reparti sur le territoire national que les réflexions en cours doivent prendre en compte dans l’élaboration du Plan d’urgence évoqué par Mme Nina Wallet Intallou.
Personne ne peut la contredire quand elle martèle, «le tourisme malien est une vitrine internationale et il appartient au ministère de lui offrir un bel éclairage pour véhiculer une image séduisante et positive de notre pays. Il est aussi de notre responsabilité de promouvoir un échange interculturel entre les Maliens et les visiteurs venus de tous horizons».
Seulement, il faut sortir des discours de circonstance et des agendas politiques pour réfléchir à une vision claire et élaborer une ambitieuse stratégie de développement touristique mettant en relief nos atouts connus et méconnus.
Saisir les opportunités et des canaux de promotion
Des événements comme le sommet Afrique-France nous offrent régulièrement l’opportunité de promouvoir nos valeurs culturelles et nos richesses artistiques, artisanales et touristiques. Pourquoi ne pas par exemple organiser à la veille (1 à 2 semaines avant l’ouverture) du sommet de janvier prochain une «Caravane touristique» avec la presse nationale et internationale pour leur faire découvrir des symboles de la diversité du tourisme malien ? Cela d’autant plus que la communication est le principal outil de promotion touristique pour un pays.
Et en la matière, il ne faut plus se contenter des canaux traditionnels, mais aussi profiter du potentiel extraordinaire des TIC et de la fascinante attraction des réseaux sociaux.
Au niveau international, il faut judicieusement participer (et non faire acte de présence) à toutes les grandes rencontres et aux événements prestigieux en se donnant les moyens de toute la visibilité requise.
Au plan national, il faut repenser les festivals en les adaptant à la nécessité de promouvoir un terroir et ses diversités artistiques, touristiques et artisanales.
L’école doit être désormais un tremplin de la promotion de notre vitrine touristique car il est indispensable, ne serait-ce que pour leur éveil citoyen, que nos enfants puissent connaitre d’abord leur pays dans son ensemble avant de leur offrir des colonies de vacances à l’extérieur.
Pour mieux aimer et défendre un pays, il faut le connaître. Avec le ministère de l’Éducation et celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le Département de l’Artisanat et du Tourisme doit initier un projet visant à faire découvrir les Trésors du Mali aux élèves et étudiants pendant les congés et les grandes vacances.
Certains établissement privés comme le Groupes scolaire «Wa Kamissoko» de Lafiabougou le font déjà pendant les congés de Noël et de Pâques. Les élèves de cet établissement ont ainsi déjà visité Kirina (d’où est originaire le célèbre griot Wa Kamissoko qui a donné son nom au groupe), Koulikoro et le barrage de Sélingué.
Et, enfin, le Département doit encourager les professionnels du secteur à faire des offres de qualité, mais adaptées aux revenus des Maliens, surtout des cadres, pour les attirer vers nos sites touristiques.
Mais, toutes ces stratégies ne porteront jamais les fruits escomptés si les communautés et les collectivités décentralisées ne sont pas impliquées et intéressées en termes de revenus et de ressources fiscales. Le Département doit mettre des techniciens et des experts à la disposition des Collectivités décentralisées afin de les aider à promouvoir et rentabiliser le potentiel touristique de leurs terroirs respectifs.
La relance doit avoir comme devise : Le Mali, ce n’est pas seulement Djenné, le Pays Dogon, Tombouctou ou Gao, mais une richesse touristique diversifiée sur l’ensemble du territoire national !
Moussa Bolly