Classés au patrimoine mondial de l’Unesco, des monuments de la Cité Mystérieuse avaient été détruits par des groupes jihadistes durant l’occupation du Nord du Mali entre avril 2012 et janvier 2013. Avec la fin des travaux de reconstruction, une nouvelle vie commence pour les mausolées de Tombouctou au Mali.
Si la restauration a connu un tel élan cela s’explique par la promptitude avec laquelle la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, a répondu aux cris de détresse des populations et de l’Etat. Pour être témoin de l’œuvre réhabilitée de mains de maîtres, elle s’y est rendue le 18 juillet pour saluer aussi le travail des artisans de la ville.
“Je suis très émue parce que j’ai vu les destructions, j’ai vu combien les communautés locales tenaient à ces mausolées. Cela fait partie de leur histoire, cela fait partie de leur identité. Aujourd’hui, nous sommes très fiers. Cela fait partie de notre travail d’accompagnement à la paix et au développement”, a déclaré Irina Bokova à nos confrères de France 24.
Pour réussir une telle prouesse, il a fallu investir près de 500 000 dollars, soit une petite part d’un projet bien plus vaste de sauvegarde du patrimoine malien. En plus, de la réhabilitation des 14 tombeaux sacrés, il reste la reconstruction du monument Al-Farouk, érigé en symbole de l’indépendance. Sans oublier les travaux de restauration des mosquées, également détruites à Tombouctou par les islamistes en 2012.
C’est un programme de grande envergure qui touchera également les manuscrits de la Grande bibliothèque de Tombouctou, dont selon plusieurs sources, une partie – 350 000 ouvrages – a pu être mise à l’abri à Bamako.
Le mérite revient aux trésors humains vivants
La réalisation de cette œuvre architecturale a été une réalité grâce à la dextérité des maîtres maçons de Tombouctou. Un des artisans, Alassane Hassèye, que nous avions rencontré lors d’un de nos séjours dans la ville sainte avait foi en son temps que le projet arrivera à son terme. La distinction qu’il vient de recevoir à Paris de la part de l’Unesco est le témoignage fort et une reconnaissance de la valeur du travail des corporations de maçons de la ville.
“Nous avons les ressources humaines qu’il faut pour réussir le challenge de la reconstruction authentique des mausolées. Nous défions ainsi ceux qui pensaient pouvoir nous priver de ce qui nous rassemble à Tombouctou, c’est-à-dire les mausolées”, nous avait confié en novembre à la Mission culturelle de Tombouctou le chef maçon.
Fruit de l’étroite collaboration entre maçons de la ville et d’autres architectes modernes, la reconstruction des mausolées a été sans nul doute un franc succès, aux dires des spécialistes. Le maître d’œuvre, Alassane Hassèye, fait partie des corporations de maçons dénommées : Les trésors humains vivants (THV) qui figurent parmi les nombreuses catégories que compte le patrimoine culturel. En effet, ce sont des personnes physiques et morales qui ont des savoirs et des savoir-faire dans des domaines privilégiés qu’ils cherchent à pérenniser et à mettre à la disposition du grand public.
Au Mali, ils sont 7 personnes physiques et morales à être proclamées “trésors humains vivants” par le ministère de la Culture lors de la célébration de la Semaine nationale du patrimoine culturel, en avril 2008. Dans le lot se trouvent les familles Hamane Hou (Quartier de Sankoré) et Koba Hou (Djingareyber) de Tombouctou qui sont des corporations de maçons célèbres pour leurs savoirs et savoir-faire dans le domaine de l’architecture de terre.
Ces deux familles exercent leur art de construction (elles sont maître d’œuvre et architecte) de façon exceptionnelle et avec une obligation de succès, d’un ouvrage à un autre sous peine de trahir le métier. Elles entretiennent d’étroites relations de collaboration et de respect mutuel, se consultent sur les travaux d’intérêt commun, codirigent les travaux (cela de 1833 à nos jours), connaissent et maîtrisent les matériaux de construction de ces grands ouvrages en terre.
Alpha Mahamane Cissé