Dans cet entretien qu’il nous a accordé, Oussou Bocoum exprime ses craintes quant à l’évolution du monde de la musique au Mali. Suivez cet entretien.
Bamako Hebdo : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?
Oussou Bocoum : Je suis Ousmane Bocoum, connu sous l’appellation d’Oussou BOCOUM, PDG de Jamnaty Production, une structure opérant dans la production discographique et dans l’événementiel. Je suis dans ce domaine, il y a de cela un peu plus de vingt ans.
Comment va la production, la musique au Mali ?
De nos jours, force est de reconnaitre que la production va mal, j’allais dire très mal. Vous savez, avec la venue de la nouvelle technologie de l’informatique, seulement à l’aide d’un téléphone portable à carte mémoire ; d’un mp3 et que sais je encore, le téléchargement des musiques ne fait l’ombre d’aucun doute. Conséquence, autrefois, malgré la piraterie classique, les albums se vendaient à l’ordre de 40 à 50 000 exemplaires, mais de nos jours, vous avez de la peine à écouler 1000 exemplaires. Vous conviendrez alors avec moi que cet état de fait n’encourage pas les producteurs qui investissent leur argent pour en tirer bénéfice. J’avoue que si rien n’est fait pour protéger la propriété intellectuelle dont l’œuvre de l’esprit, la production risque de disparaitre totalement.
Concernant la musique en termes de créativité, c’est avec amertume et tristesse que nous assistons impuissant à la perte de nos valeurs musicales qui, jadis faisaient notre fierté partout dans le monde.Il faut souligner qu’avec l’électronique, vous verrez que tout se joue à l’aide d’un clavier synthétiseur ; d’un ordinateur ou autres accessoires numériques. Il est bien évident que la musique perde de sa chaleur humaine et acoustique. Quant à la plupart de nos jeunes artistes chanteurs et musiciens, ils ne fournissent plus d’effort en termes de recherche et de créativité. L’inspiration semble ne plus avoir droit de cité. Pour preuve allumer votre poste radio ou télé pour écouter des chansons de louange ici et là, ou encore de jeu de mots. S’il est vrai que cela va du ressort du griot sur le plan culturel, comme le prétendent certains, force est cependant de reconnaitre que ce type de pratique à n’en point finir ne contribue pas à l’évolution de la production musicale. C’est triste et même malheureux de savoir qu’actuellement ce sont les studios qui font les artistes alors qu’autrefois c’était le contraire. En lieu et place d’une bonne orchestration musicale vous avez plutôt droit à une véritable cacophonie musicale.
Que préconisez-vous pour palier à cela ?
Il n’y a pas de baguette magique, ni de solution miracle. Il faut tout simplement être réaliste et aborder les choses telles qu’elles sont. Sans être pessimiste, je reste cependant sceptique quant à pouvoir reconstituer certaines valeurs qui ne sont plus à l’ordre du jour dans la quête quotidienne des uns et des autres, car nous sommes aujourd’hui préoccupés par le gain facile. Néanmoins, le tout n’est pas perdu, en ce sens qu’il y a encore des hommes et des femmes conscients de cette réalité et soucieux de la sauvegarde et la promotion de nos valeurs culturelles et artistiques. Il faudrait aussi et surtout que les responsables en charge de la culture, de l’art et de l’artisanat, encouragent la créativité pour promouvoir l’excellence et la perfection dans la création et la production en générale.
Pendant que plusieurs de vos homologues producteurs semblent avoir jeté l’éponge, vous êtes resté imperturbable. Qu’est ce qui explique cela ?
C’est la suite logique de l’engagement de chacun de nous. Si certains sont venus à la production pour faire du business, c’est de bonne guerre s’ils abandonnent le secteur pour un autre plus rentable. Maintenant, quant à moi, je suis venu à la production par conviction et par amour pour la musique. Je reste donc engagé à aider les artistes de mon écurie, avec qui je travaille depuis plusieurs années et qui ont du mérite.
Pouvez-vous nous en citer un parmi ceux-ci ?
Volontiers ! Je nommerai en exemple Yoro Diallo. Oui, cet artiste hors paire, qui incontestablement est l’icône de la musique du Wassoulou est une source intarissable en terme d’inspiration. Yoro, est plus qu’un parent pour moi, il a des valeurs inexploitées et un sens aigu d’humanisme pour ceux qui ne le connaissent pas de près. Sauf indiscrétion de ma part, je vous informe que nous sommes actuellement en studio pour le mixage de son prochain album de 14 titres dont la sortie est prévue pour bientôt.
Pourquoi avoir attendu maintenant pour mettre en place une équipe pour encadrer Yoro ?
Bonne question ! Mais comme dit le dicton : “ Vaut mieux tard que jamais “. J’avoue que si cela avait été fait depuis longtemps, Yoro serait actuellement entrain d’exporter sa musique partout dans le monde. Cependant, nous sommes confiants qu’il pourra un jour avec la bénédiction de tous franchir les frontières de l’Afrique pour atterrir sur les plus grandes scènes du monde, Iinch-Allah. Ayant fait ses preuves sur l’échiquier national et sous régional et possédant un incroyable géni créateur sans pareil, nous avions estimé qu’il fallait tenter de conquérir le marché international avec les grandes maisons de disque. Aussi, avions nous jugé opportun de mettre en place un staff en communication et conseil pour mieux orienter la carrière de l’artiste.
Que pensez- vous de l’inscription de Yoro Diallo au concours ” Prix Découverte RFI Musique ” ?
Je crois que nous allons plutôt confiant autant que tous les autres concourants. Cependant, j’estime en mon sens que tout concours reste le plus souvent subjectif. Autrement dit, cette inscription, première du genre dans la carrière de Yoro est un bon signe. Car cela dénote de son ambition à aller de l’avant vers d’autres cieux afin de mieux exporter sa musique.
Et si d’aventure, il n’est pas retenu, ce ne serait pas l’apocalypse. Au contraire, nous allons nous mettre au travail et continuer à frapper à d’autres portes vers les Majors de disque en attendant de postuler une autre fois si Dieu nous accorde une longue vie.
Votre mot de la fin
Je voudrais vous remercier d’avoir fait ce déplacement en ce mois de carême pour venir m’accorder cet entretien. Je voudrais profiter de cette occasion pour exhorter nos artistes à se donner la main afin d’affronter les difficul