En quoi la crise malienne change-t-elle la géopolitique de l’espace G5 Sahel et impose à la région un nouveau partenariat au niveau régional et international dans la lutte contre le terrorisme” est l’objectif de cette publication de 293 pages dont le Pr André Bourgeot a écrit la préface. “La genèse de la crise malienne : Les caractéristiques d’une crise multidimensionnelle (2012-2022)” ; “La crise malienne et la reconfiguration de la géopolitique d’une partie du Sahel : l’avènement du G5 Sahel” ; “La crise malienne dans une approche internationale : Gage de stabilité du Sahel et de protection de l’Europe ?” et “Le Sahel à l’épreuve de la géopolitique mondiale : partenariat ou relation hégémonique ?” sont les quatre parties l’ouvrage. La période étudiée va de 2012 à 2022. L’auteur s’en explique. Pour lui, cet intervalle a vu une grande mobilisation nationale et internationale autour du Mali, avec d’intenses activités politiques, diplomatiques et militaires, le coup d’état du 18 août 2020 contre Ibrahim Boubacar Kéïta.
L’auteur situe les racines de la crise malienne à l’indépendance du pays, en 1960. Il se base sur “Modibo Kéïta, la renaissance malienne”, l’ouvrage de Issa Balla Sangaré. ( L’Harmattan, 2016) qui estime que “l’échec” du président Modibo venait du fait qu’il voulait édifier une société socialiste alors qu’il n’en avait pas les moyens. De cet échec, il annonce le coup d’état de 1968 orchestré par Moussa Traoré du seul fait du marasme économique qui a aspiré le pays. Après 23 ans, Moussa Traoré sera renversé dans un scenario sanglant. Vient ensuite a démocratie de 1992 à nos jours ; une période aussi porteuse de plusieurs ruptures de la légalité. En lame de fond, se trouve l’insécurité née des différentes rebellions dont l’épigone sera l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. L’émergence de nouveaux acteurs locaux et internationaux dans ce sillage devient tout aussi d’actualité et intelligible, écrit l’auteur. (p.38)
Dans l’analyse des facteurs de la crise, l’auteur retient la “gouvernance” et la “faiblesse des institutions” depuis 1991. Il en retient que ” …. le système démocratique malien dans son ensemble s’est révélé défaillant, surtout au niveau de sa mise en œuvre”. (p.46). Il caractérise les différents régimes politiques. Sous Modibo Kéïta, “les activités partisanes étaient très contrôlées” ; Moussa Traoré a “anéanti les partis politiques en instaurant le système de parti unique” ; la démocratie en 1991 correspond à “la liberté d’expression et de création” dont l’illustration sera la “démocratie électoraliste”. Le coup d’état de 2012 est venu mettre un terme à “une démocratie fondée sur des institutions de façade”. (p.48)
Il s’intéresse aussi à la décentralisation, qui n’a pas pris en compte “les régimes fonciers” ( Kassibo, 2007). Cependant, de 1992 à 2012, le pays a connu une “paix relative”, mais une paix qui laissait entrevoir les éléments de la future explosion dont le foyer sera alimenté par les évènements qui vont se produire en Libye et la rébellion de 2012. C’est dans ce prolongement qu’intervient “l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger” ; accord qui se situe dans une suite d’autres accords dont celui de Tamanrasset, le “Pacte national”, “les Accords d’Alger”, “l’Accord d’Alger de 2015”.
La fragilisation du Mali aura des répercussions dans tout le Sahel. Les Etats qui y sont concernés ont vite fait de comprendre que la sécurité tait un phénomène transnational qui imposait des actions vigoureuses et stratégiques ; d’où le G5 Sahel. Il doit faire face au terrorisme qui se nourrit de la violence qui devient “un moyen de pression sur les Etats”.
Les limites du G5 Sahel
Le G5 Sahel n’a jamais pu réunir les ressources nécessaires à son ambition. Si, le 13 avril 2017, le concept d’opérations stratégiques de cette organisation a été approuvé par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, il reste que, à aucun moment, son opérationnalisation n’a pu être réelle. Et l’auteur constate péniblement l’échec de cette organisation car le terrorisme n’a pas été vaincue, l’insécurité se propage au-delà du Sahel. A ces deux facteurs, il ajoute “les ruptures de l’ordre constitutionnel enregistrées en 2021 et 2022 dans trois pays du G5 Sahel (Mali, Tchad, Burkina Faso” et enfin “les tensions diplomatiques entre Paris et Bamako depuis juin 2021”. (p.116-117).
“La crise malienne” est-elle si forte au point de déstabiliser tout le Sahel et par de la celle de l’Europe ? Il y a eu, d’après l’auteur, un intense ballet diplomatique sur le sujet. Dans un premier temps, c’est le président Yayi Boni, président du Bénin et de l’Union africaine et le président Mahamadou Issoufou du Niger qui ont couru à Paris, pour demander l’engagement militaire de la France qui venait de porter à sa tête François Hollande en 2012. Celui-ci, prônant une nouvelle vision dans les rapports entre la France et ses anciennes colonies, indique à ses visiteurs la direction de la CEDEAO, de l’Union africaine et des Nations unies. Mais, c’était juste une indication car en 2013, le président par intérim du Mali, a “dans une lettre adressée au président français, sollicité une aide militaire de la France” (p.134). Cette information est plus précise, car le président Dioncounda Traoré, s’adressant au peuple malien, a déclaré que “en accord avec la CEDEAO, j’ai sollicité et obtenu l’appui aérien de la France dans le cadre de la légalité internationale” (p.134). L’information est de taille car la demande ne portait sur un “appui aérien” et non autre chose. On peut dire que à partir de ce moment tout a basculé dans la géostratégie, car plus qu’un appui aérien, la France va se retrouver au sol dans le cadre de l’opération Serval avec des ambitions d’une grande vertu, à savoir “aider les forces armées maliennes à arrêter la progression des groupes terroristes et à les repousser tout en assurant la sécurité des populations civiles ; aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté ; faciliter la mise en œuvre des décisions internationales en permettant le déploiement rapide de deux missions internationales complémentaires : la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) et la Mission de formation de l’armée malienne par l’Union européenne (EUTM). Alors même que la légalité de cette intervention est des plus douteuses, l’auteur se lance dans une justification tirée de la “théorie du principe de la responsabilité de protéger”, développée par Jean-Baptiste Jeangène Vilmar. Plus qu’une théorie, il s’agit d’une doctrine selon laquelle les Etats s’engagent à protéger les populations des atrocités de masse (génocide, crime contre l’humanité, nettoyage ethnique, crime de guerre) qui s’organise autour d’une double responsabilité : celle principale, de l’Etat territorial et celle de la Communauté internationale”. (p.136). Barkane et Takuba ne seront que les prolongements de cette façon de faire.
Sur le terrain même, les concepts ont montré leur vacuité. De la situation spécifique du Mali, sur l’ensemble de la crise sahélienne, les divergences sont énormes depuis que la France et certains de ses partenaires ont conclu qu’en plus de la force militaire, il faut une dimension politique et diplomatique qui va déboucher sur des “négociations” avec certains terroristes. Il y a de bon terroristes et de mauvais terroristes. Et il y a aussi l’implication de certains dirigeants de pays sahéliens comme Blaise Compaoré du Burkina Faso.
Le commentaire
Sur la forme, cet ouvrage suscite plusieurs interrogations, aussi bien dans la forme que le contenu. L’écriture n’est pas soutenue et on se surprend à lire des énormités qui ne cadrent pas avec un niveau d’analyse de haut niveau. Sur les pages 31 et 32, on lit ceci : “…la passerelle entre djihadisme et crime organisé est devenue très étanche, si bien que la porosité des frontières dans cet espace facilite aux groupes narco-djihadistes, l’entreprise de leurs activités criminelles”. Ce qui est étanche ne peut être poreux.
A la page 103, on peut lire “…. Armées burkinabées”. Au pays des hommes intègres, “burkinabè” est un nom et adjectif invariable, depuis le 16 août 1983 (Journal officiel du Burkina). Et voici ce qu’on lit à la page 152, parlant de l’aide au développent : “Sans revenir sur la pertinence de l’aide, il est important de rappeler que son efficacité doit en principe se juger sur la façon pour un pays de s’en passer d’elle”. Le narcotrafic devient aussi le narco trafique. (p.170) Et plein d’autres barbarismes qu’un éditeur éprouvé n’aurait pas dû laisser passer. L’approche scientifique aussi est déroutante. L’auteur a préféré se rabattre sur une carte du Mali tirée de wikipédia comme on le constate à la page 41. Quid des sources consacrées comme les cartes de l’Institut Géographique du Mali et de l’Institut Géographique National de la France qui sont pourtant accessibles.
Le lecteur peut s’étonner de ce que l’auteur n’a pas tiré les conséquences du changement des termes de la demande du Président Dioncounda à François Hollande. Comment une demande d’appui aérien a pu être convertie en mission globale de sécurité avec l’interdiction pour les troupes maliennes d’entrer à Kidal ? Il est totalement muet sur les conséquences hasardeuses de la visite du Premier ministre Moussa Mara à Kidal en 2014.
Dans les références bibliographiques, on retrouve 74 sites webs pour 32 ouvrages édités. Ici, la surprise est que seulement sept auteurs maliens sont cités, sur la palette des scientifiques nationaux qui ont pourtant publié sur l’ensemble des sujets abordés dans le livre. Il n’a pas consulté les acteurs nationaux, confirmant quelque que part que cette crise est gérée par des parties extérieures. Sur la décentralisation par exemple, il y a au moins une dizaine d’ouvrages scientifiques produits au Mali et à l’extérieur, par de grandes maisons d’édition. Du coup on comprend quelque peu pourquoi dans la compréhension des causes de la rébellion l’auteur a juste effleuré le sujet, en ne touchant pas du tout aux causes historiques. Sinon, il aurait vu qu’à un pas de l’indépendance du Mali, en 1958, qu’une grande partie des têtes enturbannées de Kidal et Tombouctou ont écrit une lettre “à sa majesté Monsieur le Président de La REPUBLIQUE FRANCAISE” pour lui demander un statut à part. “Nos intérêts et nos aspirations ne pourraient dans aucun cas valablement défendues tant que nous sommes attachés à un territoire représenté forcement et gouverné par une majorité noire dont l’ethnique, les intérêts et les aspirations ne sont pas mêmes que les notre”, lit-on dans cette correspondance. Les auteurs ajoutent : “Nous n’étions jamais soumis à aucune autorité d’Afrique Noire ou d’Afrique Nord, C’est nos ancêtres sahariens qui avaient conquis l’Afrique Nord (où ils y avaient fondé Marrakeche) et l’Afrique Noire comme l’histoire écrite l’atteste.”. Dans les troubles qui assaillent le malien, cette “doctrine” est encore une boussole, et pour certains des “bons terroristes” et pour des puissances qui ont de l’influence dans notre pays.
Sur le G5 Sahel lui-même, l’approche linéaire ne permet pas de saisir pourquoi cette organisation n’est devenue qu’un “machin”, justement du fait que dès le départ il s’agissait d’un artefact monté par la France. Et même quand l’auteur cite le retrait du Mali, il n’en tire pas toutes les conséquences, car le boulet de canon venait d’outre-sahel ! C’est pourquoi, le lecteur peut valablement être surpris que “les Accords de Tamanrasset” (1991) et “l’Accord de paix pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal” (2006) qui sont reproduits dans les annexes, n’aient pas fait l’objet d’une investigation poussée, car ces deux documents contiennent les germes de l’insécurité et de la “crise malienne”. Et parce que la problématique n’a pas été bien cernée, le “G5 Sahel” ne pouvait être d’un échec et ce n’est pas un syllogisme universitaire qui peut le valider en tant que “nouvelle dynamique dans la conception de la sécurité collective…” Et l’auteur qui s’en rendu compte a tenté un exercice de rattrapage, sous la forme d’un épilogue qui perçoit à peine en la collaboration militaire entre le Mali et la Russie, une autre dimension d’un partenariat international d’une grande nouveauté ! En cela, la “crise malienne”, en tant que fait social, est bien d’une grande complexité.
Birahim Ag Abdallah
Monsieur Ag ABDALLAH, si les Touaregs prétendent que leurs ancêtres n’ont jamais été sous la domination d’un pouvoir Noir, les Songhoïs aussi peuvent dire qu’aucun Touareg n’a gouverné leurs ancêtres. Le Sénoufo peut dire la même chose du Khassonké et ce dernier peut dire la même chose du Dagon. Cela ne devrait pas nous empêcher d’être une Nation comme les autres.
“… ce dernier peut dire la même chose du Dagon.”
“Dogon”, non “Dagon”.
Ayez, les trolls français, un peu de dignité et arrêtez de squatter les forums africains pour tenter de manipuler les opinions du public.
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