C’est dans un livre anthropologique de 216 pages, paru chez l’Harmattan, que l’Abbé Jean +Somboro lance le débat sur les noms en lien avec Dieu et la conception dogon de Dieu. L’ouvrage s’est davantage intéressé sur la dation ou l’imposition de noms chez les tomons, un sous-groupe ethnique dogon.
Le lancement du livre s’est tenu le samedi 4 mai, au musée national du Mali, en présence de parents, amis et d’éminentes personnalités du monde la culture, notamment, le président de la Cour suprême M. Nouhoum Tapily, le Secrétaire général du ministère de la Culture, M. Andogoly Guindo, Madame le chef du cabinet de la Première dame, le vice-président de Ginna dogon, M. Hamidou Ongoïba, le président du festival culturel Ogobagna Amassagou Dougnon et son équipe au grand complet, des anciens ministres Modibo Kadjoké et David Sagara, l’ancienne Sous-directrice de l’Unesco, Mme Lala Ben Barka. Plusieurs prêtres et religieuses de l’église catholique ont également pris part à l’évènement. Les ressortissants de Ségué à Bamako se sont fortement mobilisés pour la circonstance afin de se faire conter par l’un des leurs et honorer en même temps un fils du terroir tomon. Ainsi par exemple, la troupe de danse des jeunes de Ségué à Bamako dirigée par Louis Tolofoudié, a ouvert le bal de la dédicace à travers une prestation qui aura retenu l’attention et l’haleine de plus d’un.
Le professeur Denis Dougnon, modérateur du débat, en a planté le décor, tout en exprimant sa satisfaction à voir un ouvrage scientifique parlant de cette partie du peuplement dogon sur un sujet peu fouillé.
Pour ce qui est de l’ouvrage préfacé par Pierre Diarra, professeur des Universités, il est question de l’étude des noms dogon qui ont trait à la reconnaissance de l’être suprême : Dieu.
Ces noms sont aussi un moyen de communication et de relation avec Dieu (Amba chez les dogons).
L’auteur lui-même décrit dans son ouvrage que le négro-africain a été pendant longtemps défini comme un “sauvage”, un être sans civilisation, sans intelligence et sans âmes, comparable à une bête de somme et traité comme tel. Si entretemps, on lui a concédé un minimum de faculté spirituelle, c’était pour affirmer qu’il est juste bon pour adorer des fétiches et des idoles ou faux dieux que d’aucuns ont défini comme les pratiques religieuses traditionnelles.
Une telle description correspond-t-elle vraiment à ce qu’il est ? L’ouvrage tente bien d’y apporter des éclairages en se basant sur plusieurs exemples tirés de la société Tomon où tout se rapporte à Dieu, de la naissance à la disparition.
Dans ce livre qui comporte quatre chapitres, l’auteur tente d’expliquer les contextes et situations dans lesquels les noms sont donnés en milieu dogon, il y parle aussi des noms théophores, c’est-à-dire l’évocation de Dieu dans l’identité d’un être. Plus loin, est ouvert le débat sur les noms identitaires chrétiens en lien avec ceux théophores dogons. Il y’a pour lui, un rapprochement établi entre Amba et le Dieu des chrétiens. Comme quoi l’évocation de Dieu relève de l’universel et chaque communauté doit se saisir de ce modèle premier pour vivre en harmonie avec les autres et jamais en conflit, l’homme étant créé à l’image de Dieu.
La publication d’un tel ouvrage a été très appréciée par l’assistance composée également d’étudiants et les échanges ont été productifs.
Après une présentation de l’œuvre par le modérateur et l’auteur, l’assistance a pu partager la profondeur du travail scientifique, l’originalité des récits, la précision des analyses comparatives, etc. Plus généralement, l’assistance a évoqué la nécessité d’un retour aux sources et surtout de la réhabilitation des us et coutumes dans leur authenticité originelle. Ainsi par exemple l’adaptation des religions à nos réalités a été évoquée alors même que l’introduction de celles-ci dans les sociétés africaines a eu comme conséquence implicite la perte de nombreux repères culturels au sein desquels le prénom représente un élément essentiel.
Il faut noter que la cérémonie du lancement du livre a été une initiative de l’Association culturelle Ginna dogon, à travers le festival culturel Ogobagna sous la supervision de la commission technique des cadres CTC, représentée par son président, Sory Ibrahima Telly dit Sana.
Jean Somboro, l’auteur de l’ouvrage, est un prêtre originaire de Ségué, c’est à dire du “Arou” (aire géographique) situé dans le cercle de Bankass. Il est né le 25 octobre 1968 à Bandiagara. Bercé par la vie des missionnaires catholiques et nourri par la vocation de servir la foi comme son père Jean-Marie Somboro, catéchiste, il va poursuivre des études dans les différentes écoles de formation de prêtres au Mali pour être ordonné prêtre en septembre 1995 à Sévaré.
Après avoir servi comme prêtre quelques années dans de nombreuses paroisses, il poursuivra des études pour l’obtention d’un doctorat en Théologie dogmatique à Rome en 2007 et depuis, il enseigne au Grand Séminaire Saint Augustin de Samaya à Bamako. Victime d’un accident de la circulation qui l’a immobilisé dans un fauteuil roulant depuis quelques années, Jean Somboro n’a rien perdu de son attachement à sa communauté, à sa foi religieuse, à son endurance au travail, bref son combat pour une société meilleure.
Ansoubo Benjamin Sangala