Mohamed Lamine Toure, technicien de cinéma malien : “Le cinéma malien est au creux de la vague faute de ressources humaines”

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Présent avec la délégation malienne à Ouagadougou (Burkina Faso), Mohamed Lamine Touré, l’un des meilleurs techniciens cinématographiques au Mali et en Afrique, nous a accordé une interview exclusive dans laquelle, il parle du cinéma malien, les chances des films maliens en compétition dans les différentes catégories du Fespaco, le manque de moyens financiers qui handicape un peu le cinéma malien et ses appels à l’endroit des autorités maliennes pour booster le cinéma au Mali.

Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Mohamed Lamine Touré : Je me nomme Mohamed Lamine Touré, technicien de cinéma et plus précisément directeur photo. Pendant près de 40 ans, j’ai travaillé au niveau du Centre national cinématographique du Mali (CNCM). Aujourd’hui, professionnellement, je ne suis pas à la retraite, mais j’ai fait valoir de mes droits de contrat qui me liait à l’Etat, c’est-à-dire, je l’ai épuisé. Cependant, je suis encore disponible pour le tournage cinématographique. En ce moment, nous sommes là, nous participons à tous les événements cinématographiques et c’est à ce titre que nous sommes ici à la 28e édition de la Fespaco 2023.

Pouvez-vous nous parlez-nous du cinéma malien ?

Si je dois donner un jugement de valeur au cinéma malien, je dirai qu’il est aujourd’hui au creux de la vague. Nous nous sommes couchés sur une oreille pensant qu’avec trois Etalons d’or de Yennenga que nous serions toujours au firmament, mais nous nous trompions. La création artistique a besoin de sang neuf. Malheureusement, c’est ce qui a manqué au cinéma malien. Aujourd’hui, Dieu merci, les moyens de production sont là et il faut s’en féliciter. Le numérique a vraiment vulgarisé le matériel de production, mais ce sont les ressources humaines qui n’ont pas suivi.

Aujourd’hui, les jeunes ont tous les moyens pour se former, ils n’ont plus besoin d’aller dans une école, avec un niveau intellectuel moyen, ils peuvent se former dans le cinéma. Je suis parmi ceux qui sont en train de faire le cinéma malien et africain. Je n’ai pas été dans une école spécialisée, j’ai tout appris sur le tas, il n’avait pas encore d’informatique, j’ai tout appris auprès des grands cinéastes africains qui venaient régulièrement tournée au Mali en les assistant. Nous avons beaucoup appris avec eux et Dieu merci aujourd’hui, l’informatique est venu et nous nous sommes logés dans le moule et nous avons pu bien nous en sortir.

Le cinéma malien est au creux de la vague faute de ressources humaines. Ils parlent du manque de fonds, mais les fonds seuls ne feront pas de film, tant que dernière, il n’a pas de grands artistes capables de faire de bons projets pour nous présenter de bons films, cela ne peut se faire sans les ressources humaines capables et c’est ce qui manque de nos jours. Si demain, il y a du fonds pour le cinéma malien, il faut prendre un pourcentage pour la formation.

Comment vous voyez la chance des films maliens en compétition ?  

Sincèrement, c’est difficile de parler de la chance de nos films parce que je ne connais pas assez les réalisateurs de ces films en compétition. Mais, si j’en juge par la faiblesse des ressources humaines que nous avons aujourd’hui, nous n’avons pas beaucoup de chance surtout que nous sommes en compétition dans les catégories séries, film d’animation et documentaire.

Il faut rappeler que le Mali a cessé d’être en compétition dans le long-métrage. Désormais, j’avoue que ça sera de plus en plus dur parce qu’avant, ils choisissaient les films par zone géographique, c’est-à-dire, ils disaient, région ouest africaine, un film par pays. Aujourd’hui, seuls les meilleurs sont sélectionnés. C’est pour cela que cette année, il y a deux films camerounais et deux films tunisiens en compétition dans cette catégorie. Pas de pays de l’Afrique de l’Ouest, sauf le Sénégal qui aussi depuis fort longtemps avait cessé de venir.

Heureusement que les Sénégalais sont en train de préparer la relève. Peut-être dans quelques années, nous verrons de très bons films sénégalais.

Certains jeunes réalisateurs parlent de manque de financement pour réaliser de bons films. Qu’en pensez-vous ?

Le cinéma ne peut se faire sans argent, c’est une réalité de tous les jours, cela n’a pas commencé aujourd’hui et ce n’est pas demain que cela va finir. Il faut qu’il y ait des fonds pour appuyer les réalisateurs. Aujourd’hui, tous les pays sont en train de mettre un fonds à la disposition de leur cinéma et cela se voit sur la qualité et la quantité de leur production. C’est depuis que le Sénégal a mis de l’argent dans ses productions qu’il est arrivé à sortir avec deux Etalons d’or au bout de trois à quatre éditions.

Aujourd’hui, vous ne pouvez pas regarder les chaines africaines sans voir une série sénégalaise. Cela est dû aux moyens que l’Etat a donnés aux techniciens. Il faut que le Mali mette de l’argent dans le cinéma si nous voulons aller loin. Au Mali, la Loi sur l’industrie cinématographique date de 1999, du temps du président Alpha Oumar Konaré. Tant que nous n’ayons pas d’argent, nous ne ferons pas de grandes choses.

Si vous aviez un message à lancer à l’endroit des autorités maliennes par rapport au cinéma. Lequel serait-il ?

A l’endroit des autorités maliennes, il faudra qu’ils comprennent qu’aujourd’hui en temps de paix, la seule guerre qui vaille, c’est la guerre culturelle. C’est là seulement à ce niveau que nous pouvons nous imposer parce que là personne ne va nous imiter. C’est notre culture, c’est la culture malienne et c’est à travers cela que nous pouvons nous faire voir aux yeux du monde. Les plus grands pays du monde se sont imposés à travers leurs images. Les Etats-Unis, la Chine, l’Inde et le Nigeria avec Nollywood sont en train de s’imposer et de se faire connaitre par le reste du monde.

Propos recueillis, à Ouaga, par

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