Médine Khasso d’hier à aujourd’hui : Le doyen Cheick Sidiya Diombana s’en souvient

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Ce cheminot à la retraite, nominé par l’association des porteurs de pancartes de journée du 26 août 1958 à Dakar, Officier de l’Ordre  national du Mali, se rappelle comme si c’était hier, l’histoire du Khasso, de la conquête de cette ville mythique par l’armée d’El Hadj Omar tall à la conquête coloniale.

Tamba, la capitale du fameux Tamba Bougari était prise de façon inattendue par la redoutable armée des croyants d’El-Hadj Oumar Tall. Cette chute de Tamba retentissant comme une foudre à travers le Soudan, faisait trembler tous les rois et les obligeait à se pencher sur leur propre sort. Car, tenter de résister au Tout-Puissant commandeur des croyants dont le but était de se tailler un vaste empire à leur détriment, aurait été compromettre leur prestige et leur domination, le mieux étant de se soumettre à l’envahisseur toucouleur et d’accepter toutes ses conditions.

C’est ainsi que les populations terrorisées accouraient devant lui pour se soumettre et exécuter ses ordres. Parmi les hauts faits d’arme d’EL-Hadj Oumar Tall, la prise de Tamba était un prodige sans précédent. Très satisfait, de retour à Khouloum au Khasso, il ordonna le saccage de tous les comptoirs français installés à Médine Khasso, comptoirs gérés par des traitants Ouolofs de Saint-Louis du Sénégal. Il envoya également un talibé faire une commission au roi Dioukha Sambala résidant à Médine Khasso. Ce disciple du Saint Homme, cet étrange messager pénétra avec fracas dans la chambre du roi, il appelait le monarque par son nom et soulevait la moustiquaire avec le canon de son fusil en saisissant le roi par le gros orteil pour le réveiller.

Lorsque le talibé s’acquitta de sa mission, son auguste interlocuteur l’interpella en ces termes : « Allez dire à votre apôtre que je lui rendrai visite ce soir même s’il plaît à Dieu qui nous a créés. » Un outrage unique dans son genre à  l’égard d’un chef tel que Dioukha Sambala, un affront si cruel que l’insolent talibé l’eut purgé sur place si la raison du plus fort n’était pas la meilleure.

Ce roi n’était pas homme à se laisser piétiner, prince vertueux, intelligent, possédant, au plus haut degré le sentiment de l’honneur. Cette agression inopinée opérée au préjudice de ses protégés l’a profondément humilié, lui qui après sa soumission et sa conversion en règle au tidianisme, lui qui avait fourni un contingent de guerriers au commandeur des croyants, le pillage de Médine Khasso et l’attitude outrancière du talibé ne pouvait le laisser indifférent. Il considérait désormais cette provocation comme l’aurore d’une lourde domination, or depuis la guerre de Toumbinfara où  les Khassonkés Bambérankés s’étaient affranchis du joug des Malinkés, ils n’avaient plus accepté de courber l’échine devant un conquérant quel qu’il soit.

Ils avaient même exigé et obtenu l’impôt : « Sagalo » pour autoriser l’installation des comptoirs des Français à Médine Khasso.

« Plutôt mourir que souffrir un honteux esclavage » était leur devise. Le roi se rendit donc à Khouloum où le conquérant toucouleur le reçut avec courtoisie. Après les salutations d’usage, le roi lui rendit le bonnet blanc et le chapelet du Tidianiya en lui signifiant son adjuration, relatant les faits dans leur enchaînement : Le saccage de Médine et la conduite intolérable du talibé.

Malgré les propos conciliants du Cheick qui disait n’avoir rien pris aux Khassonkés.

Le Saint homme ne tolérait ni comptoirs des blancs, comptoirs gérés par des traitants ouolofs de Saint-Louis du Sénégal, ni bateau sur le fleuve Sénégal, ni rail  entre Kayes et Bakel, d’où son désaccord avec Dioukha Sambala qui par ces moyens d’échange transforma déjà la capitale de son royaume en une importante foire, le lieu des rendez-vous de colporteurs ouolofs, haoussa, maures, on y trouvait même des marchandises importées de France.

Toute tentative de réconciliation ayant échoué, El-Hadj Oumar Tall occupe successivement les pays Khassonkés : Dialan, Khontéla, Tomora, Fansané, Diakitéla, traverse le fleuve Sénégal au gué de Toundiandioubé près de Diamou ; il envahit le Niatiaga et Sabouciré, la capitale du Logo où il installa son quartier général.

Tous ces pays ainsi conquis étaient obligés de lui prêter main forte contre Médine Khasso qui devient la cible. Devant cette menace d’invasion, le roi Diouka Sambala déclara devant sa cour : « Je voudrais dire au marabout que j’agis selon ma conscience, sachant bien que nous nous battrons tôt ou tard et que le gain d’une bataille dépend de Dieu, le juge suprême, qui pour un geste, règle équitablement les torts des hommes entre eux. Si j’ai failli un seul instant dans les circonstances qui ont provoqué notre rupture, il me vaincra, dans le cas contraire il me laissera en place avec l’aide de Dieu ».

Il accorda ensuite l’implantation d’un fort de défense au commandant français Faidherbe, qui entreprit et finit la construction en vingt jours, du 16 septembre au 5 octobre 1855, marquant ainsi le début de la colonisation du Soudan français (actuel Mali).

Ce qui devait arriver, arriva. Le « Mabo » Ousmane Diawo, sur ordre d’El-Hadj Oumar Tall était à l’aube du 20 avril 1857 à 5h30 du matin, aux portes de Médine Khasso à la  tête de 20 000 talibés bien aguerris.

Le roi avec ses 1000 guerriers Khassonkés, 11 européens, 4 canons et quelques fusils perfectionnés, opposa une résistance légendaire de 3 mois à l’envahisseur Toucouleur, jusqu’à l’arrivée du secours français le 18 juillet 1857.

Médine Khasso étant la capitale du royaume, devient bientôt une des premières villes coloniales, de grandes maisons commerciales vinrent s’y  installer (Maurel et Prom, Peyrissac, Vezia, SCOA) contribuant à l’essor économique de la ville.

Médine, la ville natale de beaucoup d’hommes célèbres dont Feu Maître Lamine Gueye, président de l’Assemblée Nationale du Sénégal, était aussi connue pour une des plus anciennes écoles françaises (école des fils de chefs).

Le fort de Médine Khasso se compose de plusieurs bâtiments éloignés les uns des autres, ceinturés par de hautes murailles.

Un projet de sauvegarde de la ville de Médine Khasso est enfin en cours et des actions seraient menées pour la reconnaissance sur le terrain de tous les éléments culturels (architecture, sites), dont l’histoire fait partie intégrante de celle du Mali.

La proposition d’inscription sur la liste du patrimoine mondial est envisagée dans la perspective précise d’un développement à la fois socioculturel et économique de la région, des environs du fort.

De  30 000 habitants, du temps de sa splendeur passée, cette ville ne compte plus aujourd’hui que près de 700 habitants, pour la plupart cultivateurs, vivant d’une économie de subsistance, avec une infrastructure faible, un dispensaire, une école et quelques artisans traditionnels.

Avant son départ de Koulouba qui attriste et inquiète déjà près de 90% des Maliens, la première région du Mali souhaite vivement que le président ATT pose sa main qui semble bénie et solide comme une étampe, sur notre rail qui couvre 1260 km avec des villages et des villes qui doivent leur existence au train, à notre rail, avec Transrail.

Transrail, depuis 2009, donne espoir aux populations qui ne se sentent plus dépossédées de leurs biens. Qu’il pose sa main sur l’aménagement des parcelles vivrières le long du fleuve Sénégal, sur nos carrières traditionnelles qui utilisent beaucoup de mains-d’œuvre, sur la navigabilité du fleuve Sénégal entre Kayes et Saint-Louis, sur la cimenterie de Diamou afin de bénéficier des immenses ressources minières de la région…                                                                        

 

Bamako, le 29 novembre 2011

Officier de l’Ordre National du Mali, Cheminot à la Retraite,  Nominé par l’Association des Porteurs de Pancartes Journée du 26 Août 1958 à Dakar (République du Sénégal)

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