« Les religions traditionnelles, malgré la percée des religions révélées, ont gardé jalousement leurs adeptes », d’après Dr. Moussa Coulibaly, professeur de sociologie à la FSHSE. Selon lui, avant toute entreprise, tout projet : mariage, achat de parcelle… on consulte souvent le marabout, le géomancien ou le féticheur. Ils sont censés avoir le don de sonder l’avenir et d’attirer la faveur des esprits.
L’historien et l’ethnologue Youssouf Tata Cissé (auteur de La Grande Geste du Mali) a utilisé une formule pour mieux illustrer tout le poids de cette pratique sur l’homme africain en général et sur l’homme malien en particulier. Dans un humour irrésistible dont il avait le secret, il a l’habitude d’affirmer qu’au Mali, « il y a 95 % de musulmans, 5 % de chrétiens et 100 % d’animistes ! ».
Si les consultations se font de façon discrète chez les détenteurs des sciences occultes, les rues des grandes villes et les artères de la capitale renseignent souvent sur la fréquence des consultations des forces occultes. Il n’est pas rare de voir des animaux attachés en pleine rue ou aux abords des carrefours de préférence le matin de bonheur ou vers le crépuscule, ou de voir un cortège d’écorces ou de plantes qui jonchent les trottoirs.
Que retenir de cette situation paradoxale ? C’est difficile de se débarrasser des éléments culturels qui ont accompagné le long des siècles les diverses cérémonies, les rituels et autres aspects de la vie sociale. Il arrive par exemple que pendant les élections municipales, législatives ou présidentielles, que des candidats optent pour telle couleur d’habit, commencent leur campagne par exemple un mardi et non un jeudi. La pratique résiste même aux milieux les plus ouverts sur la science rationnelle.
Des universités jusqu’aux plus petits centres de formation, il arrive que les consignes données par un spécialiste de sciences occultes modifient le comportement de celui qui en est adepte quel que soit son niveau d’études. Pour les culturalistes notamment Ruth Benedict, la culture précède nos choix individuels. Par exemple on n’attend pas l’âge de la majorité pour choisir notre religion. En attendant, il faut conserver certains éléments culturels à travers lesquels on se fait reconnaître.
A la guerre comme à la paix, ils sont utiles. Les seules conséquences perceptibles surtout en milieu urbain restent le fait que des déchets d’un nouveau genre font leur apparition sur nos trottoirs.
Bintou Diawara