“Les Aventures de Tintin’’ Un film qui émerveille la marmaille

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Tintin nage dans les flots de l’Atlantique en direction de deux bandits debout sur le flotteur d’un hydravion. Sa houpe fend les flots, tel un aileron de requin. Steven Spielberg a kidnappé le reporter du Petit Vingtième et l’a mis à la diète des Dents de la mer. C’est le film d’animation américain "Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne" qu’Orange-Mali a fait suivre par les enfants le jeudi 29 décembre 2011 au Babemba.

Le héros bidimensionnel d’Hergé se voit conférer le don du relief ; lui qui ne disposait que de 62 pages pour accomplir des exploits hors du commun peut s’étaler sur l’écran presque deux heures durant. Steven Spielberg a toujours été d’avis que plus, c’est mieux. Son Tintin est plus rapide, plus bruyant, plus malin, plus fort que celui d’Hergé et cette inflation est censée le fairepasser du statut de héros de bande dessinée à celui de personnage de cinéma. C’est raté. On ne voit qu’une étrange silhouette dont la complexion évoque celle d’un jouet de baignoire, perdu dans le tumulte infernal des accidents de voiture, d’avion, de motocyclette – sans parler de cet ingrédient obligatoire d’une superproduction hollywoodienne : la destruction d’une ville entière (mais rassurez-vous, spectateurs occidentaux, elle est située au Maroc).Tintin a perdu cette irréalité translucide qui en fait le plus mystérieux des héros contemporains (qui aime-t-il, à part Milou ? Qu’aime-t-il, à part se promener dans les bois de Moulinsart ? Où et quand est-il né ? On pourrait remplir des pages de questions titanesques sans réponse). Pourtant il n’est pas devenu un être de chair (comme ce fut le cas dans les très désuets Secret de la Toison d’Or et Tintin et les oranges bleues, réalisés il y a un demi-siècle). La technique de la performance capture maintient les personnages du Secret de la Licorne dans les limbes qui vont de la prise de vue à l’animation. Les physionomies des acteurs (Jamie Bell en Tintin, Andy Serkis en capitaine Haddock…) sur lesquels on a placé des capteurs ont disparu sous le travail des graphistes. On dirait presque de vrais êtres humains, mais dans cet intervalle entre la photographie de la chair et sa reconstitution par un ordinateur naît un effet fantastique qui allait mieux à l’univers de Beowulf qu’aux années 1940 dans lesquelles Spielberg a maintenu les aventures du reporter. En revanche, il lui a fait traverser la Manche, aidé en ceci par une équipe de scénaristes britanniques (Stephen Moffatt ; Edgar Wright et Joe Cornish). Si les décors restent relativement neutres (une Europe générique telle que peuvent l’imaginer de jeunes informaticiens américains), l’accent des acteurs (dont la voix n’a pas été masquée) ramène outre-manche. Si bien que c’est pour une livre sterling que Tintin achète, sur un marché aux puces, une maquette de la Licorne. On sait (ou pas) les complications qui s’ensuivent : le pickpocket, les trois maquettes, le secret ancestral transmis à travers les siècles, le trésor. Tout est là, à l’écran, avec en prime, l’épisode du Crabe au pince d’or qui fonde le couple Tintin-Haddock. Les péripéties du scénario, les éléments de décor, certains gags témoignent d’une connaissance admirable des albums d’Hergé. Le rythme hystérique, la surenchère de destructions (une bataille entre grues de chantier que l’on croirait sortie de Transformers) est en revanche le signe d’un certain désarroi. Sous ce vacarme, il n’y a rien : ni nostalgie pour un univers qui reste parfaitement étranger au metteur en scène (car il y a loin des serials hollywoodiens qui ont inspiré Indiana Jones aux fantaisies belges du jeune Hergé) ni envie d’emmener un héros inconnu dans un autre univers. Il ne reste que deux contraintes incompatibles : adapter Tintin, une lubie que Spielberg s’est mise en tête il y a trente ans, et rentabiliser un investissement de 130 millions de dollars.

Rassemblés par Youssouf Coulibaly

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