Sur invitation de l’Ambassade du Mali en France, le ministre des Affaires religieuses et du Culte, Thierno Amadou Oumar Hass Diallo, a participé à une conférence-débats sur le thème : “Le dialogue interreligieux, facteur de cohésion sociale au Mali : quel rôle de la diaspora ?”. C’était le 21 septembre 2019, au siège de l’Unesco, à Paris, devant un parterre de diplomates, de chercheurs et d’hommes de culture. Sans oublier la diaspora malienne venue en grand nombre pour assister à ladite conférence.
Vous êtes une fierté nationale parce que vous souffrez du mal du pays pour le bien au pays, pour faire le bonheur du pays, sous la neige et le soleil, sans compter les tracasseries ; mais vous vivez dans la dignité et le respect de vos propres us et coutumes ; mais aussi, dans le respect des lois et règlements des pays hôtes”, a-t-il félicité la communauté malienne à l’entame de son propos. “Merci encore merci d’être à nos côtés, quand certains pensent que nous ne sommes pas fréquentables, co-habitables. Encore une fois, merci pour ce courage”, a-t-il remercié le reste de l’assistance pour sa présence massive et qualitative à cette conférence-débats, dont il a salué au passage la pertinence et l’originalité de la thématique.
Surmonter le choc civilisationnel
Le thème est important parce que la question religieuse, débouchant sur la laïcité et l’implication de la diaspora, intéresse au plus haut point la société malienne en général et la diaspora en particulier, a argumenté le ministre Thierno Hass Diallo, persuadé que la diaspora est dans un monde qui n’est pas d’habitude le sien parce que dépaysée, chacun venant d’horizons divers avec sa culture religieuse et ses us et coutumes.
Comment faire face à ce choc civilisationnel, telle est l’interrogation qui taraude la diaspora et ses hôtes français et européens, a-t-il balisé comme la charpente existentielle pour la diaspora malienne.
“Si nous parvenons à faire comprendre la nécessité du dialogue interreligieux au sein de la diaspora pour une vraie culture de la tolérance religieuse, on aura gagné le Mali qui n’a pas bougé parce que c’est cette diaspora qui a ses relations et ses correspondants dans la communauté restée sur place au Mali “, a professé le ministre Thierno Hass Diallo. “Si cette diaspora comprend la nécessité du dialogue interreligieux, elle va travailler avec cette communauté d’origine dont elle est issue pour faire comprendre cette nécessité”, a-t-il argumenté davantage en lien avec la thématique du jour sur le rôle de la diaspora dans la cohésion sociale et la paix au Mali.
Jouer l’interface
Le second rôle que la diaspora pourra être amenée à jouer, selon lui, est celui d’être l’interface pour sortir de la lecture qu’il a qualifiée de “prismique du religieux, du musulman lorsque l’on n’est pas musulman, du chrétien lorsque l’on n’est pas chrétien”.
Cette lecture prismique est due au fait que la question de la religion, dans la société française d’aujourd’hui, est celle de “l’islam vu en islamisme et non pas en islam”, parce que l’islamisme, a dénoncé le ministre des Affaires Religieuses et du Culte, “est une doctrine que certains ont utilisée pour faire du mal et qui fait que certains ont une lecture prismique de l’islam à travers des actes posés par des islamistes, qui sont des actes de négation totale de la religion de Mahomet”.
Or, cette lecture biaisée n’est point le reflet de l’islam authentique tel qu’enseigné et légué par Mahomet lui-même, si l’on se réfère à Virgil Gheorghiu, orthodoxe, chrétien et prêtre orientaliste, cité par le ministre des Affaires religieuse et du Culte, qui a clamé 7 fois dans l’ouvrage qu’il a consacré au prophète de l’islam (La vie de Mahomet) : “L’Humanité ne connaîtra d’homme de pardon plus que le prophète de l’islam”.
C’est dire que la religion connue et pratiquée par cet homme ne peut pas être une religion de la haine et de la violence, a-t-il soutenu, estimant qu’Il est bon que cela soit compris. Il est bon qu’il soit également compris que le Christ n’est pas allé à la croix pour le seul peuple chrétien, ni pour le seul peuple juif de Jérusalem, mais pour l’humanité entière, pour le symbole de l’amour universel, a ajouté le ministre Thierno Hass Diallo.
“L’enfant d’autrui est l’enfant de toute mère et la femme, quelle qu’elle soit, est la mère de tout Homme”, a-t-il appuyé, prêchant que c’est cela l’amour universel de la foi chrétienne et la quintessence du message universel du Christ : l’amour envers l’humain, pas seulement envers les chrétiens.
Si ce message est bien perçu et que l’on comprenne que les religions sont faites pour le bonheur des hommes, “vous aurez posé un acte historique qui est celui d’aller à ce débat et à cette lecture juste au sein de la diaspora pour que celle-ci soit un jour porteuse de ces valeurs face aux différentes communautés et face à la société française parmi laquelle elle vit et où elle doit servir d’exemple d’intégration réussie, par son comportement et l’acceptation du droit à la différence”, a souhaité le ministre Thierno Hass Diallo, en s’adressant aux initiateurs de ladite conférence-débats.
Porter son héritage ancestral
En effet, s’est-il félicité, le peuple malien n’a connu que la laïcité et la tolérance religieuse, qui ne sont pas des notions étrangères même si, par les vicissitudes de l’histoire, il nous a été donné d’en apprendre sur la laïcité (à la française), de la nuit de la Saint Barthélemy (1789) à l’Edit de Nantes (1905).
À ce sujet et à titre de rappel, a souligné le ministre Diallo, on est venu informer l’Empereur du Ghana (Wagadou, pour l’appellation autochtone) comme quoi il y a des gens qui refusent de se prosterner devant ses gouverneurs parce que leur religion leur interdit de se prosterner devant un humain.
L’empereur a répondu à ses gouverneurs : “Si c’est leur religion qui leur interdit de se prosterner devant moi et mes gouverneurs, eh bien, qu’il en soit ainsi : ils ont désormais exemptés de se prosterner devant moi et mes gouverneurs”. C’est dire que l’Empire du Ghana a accepté que des citoyens puissent être traités dans le respect de leur identité religieuse, a rappelé le ministre Thierno Hass Diallo avec fierté.
Aussi, pour être contemporain de notre temps, a-t-il révélé, le Département des Affaires religieuses et du Culte est-il venu pour donner une chance à la résilience de l’Etat face à la chose religieuse pour qu’il n’y ait plus d’omerta dans notre pays, au regard de ce qui s’est passé dans le septentrion malien pendant les années d’occupation de cette partie du territoire par les Jihadistes en 2012. On a connu une invention religieuse au nord du Mali où, à un moment donné, a rappelé le ministre des Affaires Religieuses et du Culte avec beaucoup d’amertume, on interdisait aux gens de jouer au football ou de fumer. Les gens étaient fouettés et il y en a qui ont même été lapidés, a-t-il ajouté.
Face à cette situation, le président de la République et chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Kéïta, a dit : “Créons un département qui travaillera à la régulation du champ religieux afin que chaque Malien soit respecté dans son choix religieux, comme le dit la Constitution, dans le respect de son choix confessionnel”.
“Tout être humain, quel qu’il soit, a le droit de vivre sa foi comme telle parce qu’il a le droit à la différence et il a le droit au respect de cette différence”, a martelé le ministre des Affaires religieuses et du Culte. “Soyez les porte-étendards pour un Mali pluriel, uni, d’hommes et de femmes qui se pardonnent pour l’amour et le triomphe de paix”, a conclu le ministre Thierno Hass Diallo.
Seydina Oumar Diarra (MARC)