Le festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) qui s’est tenu du 23 février au 02 mars 2013 a mis en compétition une centaine de films africains (longs métrages, courts métrages, séries, documentaires…). Le Mali était présent à ce rendez- vous biennal du cinéma africain. Même si sa moisson est, une fois encore, maigre.
Le Mali était attendu à cette 23è édition du Fespaco par les observateurs les plus avertis. Pour la simple raison que le pays est le plus titré du Fespaco. Mais cela suffira t-il ? Certainement pas puisque nous ne sommes pas en football ou en basketball. Le cinéma africain progresse depuis et les réalisateurs doivent s’en accommoder.
Le Mali est venu en complétion avec « Toiles d’araignée » (long métrage de Ibrahima Touré), qui est une adaptation du roman du regretté Ibrahima Ly, « Les pêcheurs de sable» (film documentaire d’André Samouté Diarra), « Dankoumba » (une fiction vidéo de Bakary Diallo), deux séries télévisées : « Les rois de Ségou» de Boubacar Sidibé et, enfin, «Les Concessions», une œuvre du Centre national cinématographique du Mali). En dehors de « Toiles d’araignée » d’Ibrahima Touré qui s’est adjugé deux prix : le prix d’Eco Bank, d’une valeur de 2 millions de F Cfa et le prix ‘’Union africaine’’ d’une valeur de 8 millions de F Cfa – le tout couronné d’un trophée- le reste on n’a vu que dalle. Même si noc cinéastes ont eu le mérite d’être en compétition et d’avoir un public important lors la projection de leurs œuvres. Et les critiques furent plutôt positifs à leur égard. Exemple : « Le montage scénique ne connait pas assez de déchets comme nous avons l’habitude de le voir dans les films africains. Même si le film nous a réservé une fin triste. », nous a confié Martial N’Guea, un journaliste critique camerounais.
Mais il convient de souligner le fait que le cinéma malien se cherche encore après les grands noms comme Souleymane Cissé, Cheick Oumar Sissoko et le temps est venu de faire un dépassement de soi pour atteidre d’autres sommets. Le Mali est un pays qui a une histoire glorieuse, ce qui constitue une vraie source d’inspiration pour le cinéma malien. « Avec ce qui se passe actuellement dans le pays, je pense que les cinéastes maliens auront de la matière… », a martelé Olivier Barlet, critique de Cinéma et promoteur de Africiné.
Certains critiques pensent que le cinéma malien à l’instar du cinéma africain n’échappe pas à la théâtralisation du jeu scénique ou des acteurs. C’est là en réalité que résident les goulots d’étranglement. C’est le cas, à titre d’exemple, pour « Les rois de Ségou » de Boubacar Sidibé est un film au jeu scénique théâtralisé même si le réalisateur a essayé de coller à un passé qu’il n’a pas vécu et qu’il voit avec un œil charmé.
La nécessaire autocritique
La présentation du film documentaire (il n’était pas en compétition) abusivement intitulé « les 50 ans du cinéma malien » de Sadio Simaga, n’est ni plus ni moins qu’une médiocrité. Le documentaire qui devait brosser 50 ans de cinéma au Mali ne parle que de la fermeture des salles de cinéma. Et de quelle manière ? Faute d’orthographe dans les légendes, son approximatif, les images donnent le tournis… Bref le travail laisse à désirer. Et madame le réalisateur se montre en train de se mettre en scène elle-même se faire son petit cinéma. A la fin de la projection du documentaire, la déception se lisait sur tous les visages. « Ce film documentaire n’honore pas le Mali, ce n’est pas un travail professionnel…il est tiré par les cheveux », a lancé un journaliste critique burkinabé. Avant d’ajouter : « ce n’est même pas un bon reportage ». « Je pense que le cinéma malien a un grand palmarès. Il ne mérite pas cette présentation… Si on veut avancer on doit travailler », tambourine Djia Mambu, critique congolaise qui vit au Canada.
Le temps n’est-il pas venu pour le Centre national cinématographique du Mali de mieux encadrer ceux qui veulent représenter le Mali dans les festivals internationaux? Rien n’est moins sûr.
En tous les cas, le cinéma malien qui traverse une période charnière de son histoire, doit ‘’sortir de ses gonds’’. I ‘appréciation général après cette édition du Fespaco est à coup sur : Peut mieux faire !
Alhassane H.Maïga, envoyé spécial à Ouaga
Encadré
« Tey » ou Aujourd’hui, lauréat du grand prix Etalon de Yennenga Fespaco 2013
Synopsis du long métrage du réalisateur franco-sénégalais, Alain Gomis
Aujourd’hui est la dernière journée de la vie de Santché. Il sait qu’il va mourir ce soir et accepte avec beaucoup de courage son imminente fin. Il entreprend de parcourir les rues de son passé à Dakar. Tour à tour il visite ainsi la maison de ses parents, son premier amour, ses amis d’enfance, avant de finir par se refugier auprès de sa femme et ses enfants. Cet ultime moments est à la fois plein d’appréhensions mais aussi de joie…
« Toiles d’araignées » d’Ibrahima Touré
La mort dans l’âme
« Toiles d’araignées » narre les dérives autoritaires d’un pouvoir dictatorial et corrompu qui étouffe les libertés individuelles et collectives. Le film est une adaptation du roman de Ibrahima Ly et traite le parcours d’un professeur de mathématique trimballé dans les geôles du pouvoir en place et qui y a vécu les pires moments de sa vie. Il rencontre en prison une jeune fille de 17 ans, Mariama, qui purge une peine pour avoir refusé un mariage forcé. Le film retrace un pan de l’histoire politique du Mali.
Le film se déroule dans un huit-clos magistral. A l’intérieur d’un bagne où des hommes sont livrés à d’autres hommes.
C’est à cause de la distribution de tracts de dénonciation du régime dictatorial et corrompu en place que le prof de mathématiques et militant des Droits de l’Homme sera arrêté et incarcéré dans les pires conditions.
Yoro, un homme à l’âme trempée, au caractère ferme et résolu, va subir l’humiliation dans un bagne mouroir, qui manque de toilettes, de dortoirs, de cuisine ou encore d’infirmerie. Même si ses geôliers font attention à lui, car il a été présenté comme étant un grand intellectuel, il n’était pas épargné par le fouet et les humiliations. Mais Barry est précédé en prison par Mariama, une jeune fille de 17 ans mariée de force à un riche commerçant. Pour avoir refusé son mari qui se trouve être plus âgé que son père, Mariama sera mise dans les mains du commandant. Ce dernier la soumet à la torture avant de la mettre dans les mains d’un juge. Malheureusement, le droit n’est pas dit, et elle est mise sous mandat de dépôt dans la grogne populaire.
C’est l’amour qui a conduit enfin Mariama en prison : elle avait juré d’épouser le jeune Lamine, son copain, parti en ville pour trouver du travail.
A son retour, Mariama était déjà en prison où elle vit les affres carcérales. Fragile à ses débuts, Mariama qui bénéficie de la protection des autres prisonniers sèche ses larmes et présente désormais un regard déterminé. La visite de sa maman ne l’a pas ébranlée, outre mesure.
Ni ses geôliers, encore moins les conditions exécrables de détention n’ont réussi à éteindre la flamme de l’amour qu’elle entretien dans son cœur pour Lamine.
Celui qui est présenté par ses geôliers comme un fou, un barbu qui purge la « perpète » s’occupera bien de Mariama, allant jusqu’à organiser son évasion avec le risque d’y laisser sa vie.
Après une tentative malheureuse de rendre visite à sa douce moitié en prison, Lamine s’est résolu à monter la garde devant la prison jusqu’au jour où un complot ourdi par les prisonniers ouvre la porte du bagne. Elle s’évade de la prison. Mais, dans sa fuite en compagnie de Lamine, un garde appui sur la gâchette. C’est sur cette note de tristesse que prend fin le film.
Mais faudrait-il comprendre une fin tragique pour le personnage principal du film avec le coup de feu tiré dans son dos ? En tous les cas, le réalisateur l’explique par le fait que dans son pays (le Mali), après la révolution des années 90 – 91, qui a renversé la dictature, la jeunesse utilisée comme fer de lance, s’en est sortie bredouille.
Alhassane H. Maïga, envoyé spécial à Ouaga