La 29ᵉ édition du Fespaco a mis à l’honneur des œuvres engagées et marquantes. Deux films maliens, « Fatow » (les Fous) de Fousseny Maiga et « Klema, saison Sèche » de Boubacar Gakou Touré, ont brillé en remportant des prix spéciaux.
La 29ᵉ édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), tenue du 22 février au 1ᵉʳ mars 2025, a été marquée par une célébration du talent et de l’engagement des cinéastes africains. Parmi les œuvres distinguées cette année, deux productions maliennes ont particulièrement brillé en décrochant des prix spéciaux.
Dans l’enceinte de l’hôtel Azalai de Ouagadougou, plusieurs ministres du gouvernement du Faso, des pays invités, ont assisté à la cérémonie de remise.
Le documentaire « Fatow », réalisé par Fousseny Maiga, a remporté le Prix UEMOA de la qualité, assorti d’une enveloppe de 6 millions de F CFA. De son côté, « Saison Sèche » du jeune Boubacar Gakou Touré a été honoré du Prix spécial de l’Assemblée législative de Transition du Burkina Faso, avec une récompense de 7 millions de F CFA.
L’objectif du prix UEMOA est d’appuyer les acteurs du cinéma de l’Union et d’appuyer le développement du cinéma. Pour bénéficier de ce prix, le film devra remplir trois critères : originalité de l’œuvre, promotion de l’intégration et promotion des expressions culturelles. Pour cette édition du Fespaco, « Fatow » a su s’imposer par son audace artistique et son message poignant sur l’importance de la culture dans la société malienne.
Profonde réflexion sur la mémoire collective
Pendant 97 minutes, le documentaire de Fousseny invite à une profonde réflexion sur la mémoire collective et l’évolution de la culture malienne. A travers des scènes saisissantes, des personnages déguisés en fous et en folles arpentent les paysages : collines, fleuves, savane et dunes de sable dans une mise en scène métaphorique du déclin culturel du pays. Le film interroge : comment une nation autrefois rayonnante sur la scène culturelle africaine et internationale, a-t-elle peu à peu relégué la culture au second plan ?
Dans une démarche immersive et engagée, « Fatow » donne également la parole à des figures emblématiques du monde culturel malien : Magma Gabriel Konaté, Adama Traoré, Mamou Daffé, Massamou Welé Diallo, Alioune Ifra Ndiaye, M. Kebé ainsi que le directeur du Musée national du Mali. Tous apparaissent vêtus de tenues traditionnelles, renforçant ainsi l’idée que la culture est un socle fondamental de l’identité nationale.
L’une des grandes forces du film réside dans sa capacité à interpeller les dirigeants sur la place marginale de la culture dans les politiques publiques actuelles. En retraçant l’héritage du premier président du Mali, Modibo Keita, qui considérait la culture comme un pilier essentiel du développement, « Fatow » met en lumière l’érosion progressive de cette vision.
Plus qu’un documentaire, le documentaire long métrage est un cri du cœur, un appel à repenser les politiques culturelles du Mali et à replacer l’art et la mémoire au centre des préoccupations nationales.
« Klema » : une œuvre poignante sur les réalités sociales
De son côté, « Klema » de Boubacar Gakou Touré a séduit le jury par la force de son récit. A l’Office du Niger, le système d’exploitation agricole laisse peu de place à l’élevage. La priorité donnée à l’agriculture est à l’origine d’affrontements violents et mortels entre deux communautés. Dans « Klema, Saison sèche », Boubacar revient avec sa caméra pour tenter de résoudre cette situation conflictuelle. Bref, ce film, qui explore les dynamiques sociales et les défis auxquels sont confrontées les populations, a été récompensé par le Prix spécial de l’Assemblée législative de Transition du Burkina Faso.
En plus de cette distinction, le film a reçu une mention spéciale du jury pour le Prix de l’Excellence en sécurité alimentaire et nutritionnelle, décernée par le Programme alimentaire mondial (PAM). Une reconnaissance qui souligne l’engagement du réalisateur à mettre en lumière des thématiques cruciales pour l’avenir des sociétés africaines.
Cette 29ᵉ édition du FESPACO a été marquée par la remise de 22 prix spéciaux, répartis en trois catégories et attribués par 19 donateurs, pour une valeur totale de 97 millions de F CFA.
Les lauréats, émus et honorés, ont exprimé leur gratitude et souligné l’importance de telles reconnaissances pour la promotion et la pérennisation du septième art au Mali et sur le continent.
Amadou Sidibé