Kurukanfuga : Théâtre de la constitution du Mandérn‘’ Sinankouya entre Coulibaly et Keïta’’

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La beauté du paysage du Manden et l’hospitalité de ses habitants fascinent le voyageur. Mais le chercheur qui veut s’imprégner de la chose culturelle doit vite déchanter. En effet, les vieux dépositaires de la tradition orale se rétractent, s’emmurant dans un mutisme total et n’ouvrent parfois la bouche que contre espèces sonnantes et trébuchantes. Alors photographier la case sacrée ou la place de Kouroukanfouga devient un tabou sévèrement réprimé par les jeunes de Kangaba, le coupable fut-il un étranger. Pour mener à bien cette délicatesse mission, il nous a fallu travailler prudemment, car ici chacun garde en mémoire le risque de lynchage encouru par une équipe de reportage de l’ORTM et la confiscation du cahier de notes de cet autre chercheur de l’ISH.

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Trilogie Koulibaly, Keïta, Konaté

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Leur ancêtre commun nommé Bema Kolé venu de Wandan, grande vallée située à l’Ouest de Kangaba, où les vestiges d’une soixantaine de villages sont encore visibles, s’est installé avec armes et bagages dans le site actuel de Kurukanfuga. Ce nombre impressionnant de villages serait venu de l’empire du Ghana après son éclatement.

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Le village de Dègèla, fief des Koné et à qui appartenait le territoire de Kurukanfuga lui a fait allégeance. Influent et autoritaire, Bemba Kolé, après s’être solidement implanté dans la région, étendit son hégémonie derrière le fleuve dans une contrée nommée  Maramadougou. Ses fils envoyés pour gouverner dans six villages autour de Kangaba village qui devaient devenir le noyau du Mandé.

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Origine de la séparation des Koulibaly, Kéïta et Konaté

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Koulibali était le frère aîné. Il exerçait sur ses cadets un pouvoir sans retenue. C’est à cause de cela et peut-être pour cela que leur père lui préféra son frère immédiat pour lui succéder au trône d’où le nom de Keïta, non Malinké qui veut dire héritier. Ce dernier, conciliateur, pour ne pas effaroucher davantage son grand frère instaura entre eux un climat fait de tolérance, de blagues et de plaisanterie. Le grand frère qui vivait sur la colline s’est vu affabulé du non de Kouloubaly ‘’habitant de la colline’’.

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Konaté : petit frère d’entre les deux n’eût pas d’enfant assez tôt. Croyant fermement qu’il était stérile, on le rebaptise ‘’Konan’’ qui veut dire stérile en manding. Mais quand il épouse en secondes noces une autre femme, celle-ci tombe aussitôt en grossesse. Alors les gens de s’exclamer ‘’il n’est pas stérile’’ ou Konan  tè en manding.

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Du Manden à Ségou : Pérégrination des Koulibaly

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Koulibaly préféra voyager en laissant toutefois un embryon de sa race sur place qui est de nos jours propriétaires de certaines mares du Manden. Un village nommé Koulibalidugu (dans l’actuel Guinée) en est l’illustration. Suivant les contreforts montagneux, il se retrouva dans le Bélédugu et fonda les massassi et la diaspora des Koulibaly de Ségou.

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Pourquoi un Keïta ne doit jamais voir le village de Dougouba sous peine de devenir aveugle ?

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Elevé dans la tradition guerrière, Keïta prenait la tête d’un important détachement et sillonnait l’Est.

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Cette année-là, il surprit le village de Dougouba qu’il n’avait jamais vu auparavant. Il envoya des éclaireurs s’enquérir de l’identité des villageois. Ces derniers l’assurèrent qu’ils ne sont que des talibés voués à la cause de Dieu. Keïta serait venu séjourner à Dougouba. Avant de partir, il y laisse quelques guerriers. Dès qu’il tourne le dos, ses hommes se mirent à martyriser les enfants de Dougouba. Appelé d’urgence, il intima l’ordre à ses guerriers (tous Keïta) de sortir du village et de n’en plus revenir sous peine de devenir aveugles.

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Une autre source révèle que chaque année, le Mandé venait emprunter des parures en or chez les gens de Dougouba pour les fêtes. Cette année là, après les fêtes,  les gens du Manden confièrent les parures à un étranger afin de les restituer aux gens de Dougouba. Ce dernier disparut dans la nature. Furieux les gens de Dougouba interdirent l’accès de leur village aux Keïta sous prétexte de devenir aveugles.

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Certaines sources font remonter l’origine du Manden à Ségou

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Une source révèle que le Manden serait venu de Ségou précisément d’un village appelé Mani, d’où Manikala ou gens venu de Mani. Quand on y ajoute l’histoire du pays du Do et du Buffle, on est obligé de reconnaître que Ségou et Manden sont les ‘’deux poumons d’un même corps’’.

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Il était  une fois dans le pays du do (Ségou vers Kokry), une femme sorcière de son état qu’un mariage raté avait aigri. Elle est revenue dans la maison paternelle vivre avec ses frères. Un devin conseilla à ce village d’immoler sept boeufs pour conjurer les maux et les souffrances. Ses frères volontairement ou involontairement oublièrent de donner leur sœur la part de viande qui lui revenait, celle-ci se fâche et promit de se venger en se nourrissant désormais de la chair des habitants du village.Elle se transformait en buffle, traquait et dévorait tout ceux qui s’aventuraient aux abords d’une mare située à l’orée du village.

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Des chasseurs appelés d’urgence à la rescousse furent tués ou mis en déroute. Sur ces entre faits on fit appel à deux frères chasseurs du Mandé, Traoré de leur état. Damoussa Walani et damuna walanba voyant que ces deux jeunes chasseurs lui vouaient un grand respect alors qu’il ne savaient pas que c’est elle le buffle personnifié, elle leur conseilla de prendre en mariage une fille vilaine et repoussante du village et leur dit qu’elle mettra au monde un enfant qui gouvernera. A cause de leur jeunesse certainement, ils cédèrent la jeune fille, Sogolon, puisque c’est d’elle qu’il s’agit au père de Soundiata. De ce mariage naquit Soundiata.

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La case sacrée de Kangaba

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Vieille de huit à neuf générations environ 900 ans, la case sacrée a été construite par un des nombreux descendants de l’ancêtre commun des Maninka. Le renouvellement de la toiture qui a lieux tous les sept ans à pour but de se rassembler, nous a t- on dit, tous les fils de Kangaba. Gardée jalousement nuit et jour par des jeunes qui se relayent, elle est impeccable même si elle manque de clôture.

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Kurukanfuga : Soundiata avait beaucoup de griefs à formuler quand il quitta malgré lui le domicile paternel. A son retour triomphal, il exigea que tous les corps d’armée et de métier du Manden viennent sur la place sus indiquée. Il était prêt à leur divulguer la raison pour laquelle il s’était recroquevillé : Kuru kan. Kuru : recroqueviller ; kan voix, raison par extension, fuga : clairière. La signification généralement admise : «clairière au sommet de la montagne’’ est battue en brèche par la plupart des traditionalistes de Kangaba. Quoiqu’il en soit, c’est sur cette place située à l’entrée est de Kangaba, reconnaissable par deux pierres placées l’une à côté de l’autre que Soundiata aurait proposé un code consensuel de conduite pour rendre le Manden gouvernable. Ce code exagérément appelé de nos jours constitution est contenue dans une magnifique chanson qui a survécu aux siècles :

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Que ceux qui font la guerre fassent la guerre.
Que ceux qui font l’agriculture fassent l’agriculture.
Que ceux qui font le commerce fassent le commerce.

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Etc.

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Nugu : Les Traoré, premiers habitants du Manden vidaient ce marigot de son contenu pour y pêcher. Tous les ans, des brigands venus d’une lointaine de contrés les dépossédaient de leurs produits de pêche. Les Camara à la recherche d’une terre habitable voulurent cohabiter avec les Traoré. Nous sommes d’accord disent les Traoré, mais nous souhaitons que vous nous protégiez contre nos ennemis, qu’il ait des liens de parenté entre nous et non des liens de mariage. Aujourd’hui encore dans le Manden, ce sont les Traoré qui donnent les filles des Camara en mariage et vice-versa. Quand l’année suivante les brigands voulurent s’attaquer aux Traoré pour leur ravir leurs produits de pêche, les Camara les mirent en déroute et vinrent s’installer définitivement avec les Traoré au bord de ce marigot.

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Kanigamada : Bois sacré situé au nord de Kangaba. Peuplé dit-on de diable il inspire beaucoup de respect et de considération. Un puits plusieurs fois centenaire est creusé en son sein.

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Conclusion :  

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Nostalgique d’un passé à jamais révolu et contraint de faire face aux exigences d’un monde contemporain plus réaliste, le Manden se cherche une voie. Une querelle sourde et tenace existe entre les irréductibles conservateurs et les partisans de l’ouverture. Une vive polémique s’est déclenchée lorsque des bailleurs de fonds voulurent clôturer la case sacrée ce qui a fait fuir les généreux donateurs. Il est temps d’installer une mission culturelle dans le Manden pour que ses sites et monuments soient en position d’être classés patrimoine mondial.

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Source Jamana, Revue culturelle

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