Kangaba : Deux évènements culturels célébrés cette semaine

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La  pose de la toiture du Kamablon ou kaabablon, et l’inauguration du joyau architectural de la légendaire clairière kurukanfouga ou koudoukanfouga. Tels sont les deux événements culturels à l’ordre du jour dans la vieille Cité du Manding ce week-end.
Inscrit au patrimoine mondial immatériel par l’Organisation des Nations Unies, pour la Science et la Culture  (UNESCO) en 2009 lors d’une réunion tenue aux Emirats Arabes Unis, Kangaba rentrait ainsi dans l’histoire. Le Mali était à l’honneur sur cette liste avec la Charte de Kurukanfouga et la réfection de la toiture de Kamablon.
La vielle citée du Mandé était  en liesse. Toute la population de Kangaba et ses villages environnants sont sortis massivement pour accueillir la délégation présidentielle, venue inaugurer le joyau architectural de Kurukanfouga, la légendaire clairière. Le président ATT, vient une fois de plus, revaloriser la culture malienne. Tout peuple qui ignore son passé est un peuple condamné à la servitude. Convaincu qu’aucun pays, aucun peuple ne peut se développer sans sa culture, le Président ATT a fait de Kurukan Fuga une de ses priorités.
Il est utile  de rappeler qu’en 1235, Soundiata Keita le héros mythique a réuni tout les chefs de provinces  du Mandé, composé de 12 rois en plus de lui-même. Tous ont renoncé à leur trône au profit du fils de Sogolon. En contre partie,  il a reconnu à chacune d’elles (les Provinces) une réelle autonomie dans le cadre de l’unité. En quelque sorte, la décentralisation avant l’heure venait d’avoir lieu. C’est là, également que fut adoptée en la circonstance la charte du Kurukanfouga ou la charte du Mandé. Une véritable constitution que même les démocraties dites évoluée reconnaissent  aujourd’hui la pertinence. Même de nos jours, elle  régit implicitement la société malienne .Cette charte est l’une des plus anciennes constitutions au monde même si elle a traversé des siècles sous une forme orale. Elle comporte un préambule et des chapitres prônant la paix notamment la paix sociale dans la diversité, l’inviolabilité de la personne humaine, l’éducation, l’intégrité de la patrie, la sécurité alimentaire, l’abolition de l’esclavage entre autres  Si l’empire a disparu, les termes et les rites associés continuent d’être transmis oralement .
Que  dit  la Charte de Kurukanfouga ?
Une des plus anciennes constitutions d’une Afrique dite barbare, la Charte de Kururkanfuga comporte 44 articles, prénant en compte toutes les réalités socio-éconmomiques et poltiques d’une démocratie classique. Soudiata et compagnons à l’école, bien que ne connaissant pas l’écriture, étaient de véritables intellectuels au service du développement des différents royaumes. C’est ainsi qu’est né l’empire Mandingue avait comme unique Empereur Soundiata Kéïta, fils de Sogolon et de Makan Kofata Kéïta.
Article 1er : La société du grand Mandé est divisée en seize(16) porteurs de carquois, cinq(5) classes de marabouts, quatre (4) de Nyamakalas (hommes de caste, une (1) classe de serfs(esclaves)(MOfé molu).Chacun de ses groupes a une activité et un rôle spécifiques.
Article 2 : Les Niamakalas se doivent de dire la vérité aux chefs, d’être leurs conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l’ordre sur l’ensemble du royaume.
Article3 : Les Morikandas lolu(les cinq (5) classes de marabouts) sont nos maîtres et nos éducateurs en Islam. Tout le monde leur doit respect et considération.
Article 4 : La société est divisée en classe d’âge. A la tête de chacune d’elle est élu un chef. Font partie de la classe d’âge, les personnes (hommes ou femmes née au cours d’une période de trois années consécutives. Les Kangbès (classe internationale entre les jeunes et les vieux) doivent être convié à participer à la prise des grandes décisions concernant la société.
Article 5 : Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. En conséquence, toute tentation d’enlever la vie à son prochain  est punie de la peine de mort.
Article 6 : Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué le Kön gbèn Wolo (un mode de surveillance) pour lutter contre la paresse et l’oisiveté.
Article 7 : Il est institué entre les Mandenkas, le Sanankuya (cousinage à plaisanterie) et le tanamanya (forme de totémisme) .En conséquence, aucun différend né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle .Entre beaux-frères et belles –sœurs, entre  grands parents et petit-fils, la tolérance et chahut doivent être le principe.
Article 8 : La famille Keita est désignée famille régnante sur l’empire.
Article 9 :L’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient à tous. Article 10 :Adressons-nous mutuellement les condoléances.
Article 11 : Quand votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez par chez le voisin.
Article 12 : La succession étant patrilinéaire, ne donnez jamais le pouvoir à un fils tant qu’un seul de ses pères vit. Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu’il possède des liens.
Article 13 :N’offensez jamais les Nyaras.
Article 14 : N’offensez jamais les femmes, nos mères.
Article 15 : Ne portez jamais la main à une femme mariée avant d’avoir fait intervenir son mari.
Article 16 : Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes, doivent être associé à tous nos gouvernements.
Article 17 : Les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme des vérités.
Article 18 : Respectons le droit d’ainesse.
Article 19 : Tout hommes à deux beaux parents : les parents de la fille que l’on n’a pas eu et la parole qu’on a prononcée sans contrainte aucune.
Article 20 : Ne maltraitez pas les esclaves, accordez leur un jour de repos par semaine et faite en sorte qu’ils cessent le travail à des heures raisonnables. On est maitre de l’esclave et non du sac qu’il porte.
Article 21 : Ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses du chef, du voisin, du marabout, du féticheur, de l’ami et de l’associé.
Article 22 : La vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la grandeur.
Article 23 : Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur.
Article 24 : Ne faites jamais du tort aux étrangers.
Article 25 : Le chargé de mission ne risque rien au Mandé.
Article 26 : Le terreau confi ne doit jamais diriger le parc.
Article 27 : L a jeune fille peut être donnée en mariage dès qu’elle est pubère sans détermination d’âge. Le choix de ses parents doit être suivi quelque soit le nombre de candidats.
Article 28 :Le jeune homme peut se marier à partir de 20 ans.
Article 29 : La dot est fixée à 3 bovins : un pour la fille, deux pour son père et sa mère.
Article 30 : Venons en aide à ceux qui en ont besoin.
II.DES BIENS
Article 31 : Il ya cinq façons d’acquérir la propriété : l’achat, la donation, l’échange, le travail et la succession. Toute autre sans témoignages est équivoque.
Article 32 : Tout objet trouvé sans propriétaire connu ne dévient propriété commune qu’au bout de 4 ans.
Article33 : la quatrième mise bas d’une génisse confiée est la propriété du  gardien.
Article 34 : Un bovin doit échanger contre quatre moutons ou quatre chèvres.
Article 35 : Un œuf sur quatre est la propriété du gardien de la poule pondeuse.
Article36 : Assouvir sa faim n’est pas de vol si on n’emporte rien dans son sac ou dans sa poche.
III.DE LA PRESERVATION DE LA NATURE
Article 37 : Fakombé est désigné chef des chasseurs. Il est chargé de préserver la brousse et ses habitants pour le bonheur de tous.
Article 38 : Avant de mettre le feu à la bourse  ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres.
Article 39 : Les animaux domestiques doivent être attachés au moment des cultures, libérés après les récoltes. Le chien, le chat, le canard et la volaille ne sont pas soumis à cette mesure.
IV.DIPOSITIONS FINALES
Article 40 : Respectez la parenté, le mariage et le voisinage.
Article 41 : Tuez l’ennemie, ne l’humiliez pas.
Articles 42 : Dans les grandes  assemblées, contentez vous de vos légitimes représentants et tolérez –vous les uns des autres.
Article 43 : Balla Fassèkè Kouyaté est désigné grand chef des cérémonies et médiateur principal du Mandé. Il est autorisé plaisanter avec toutes les tribus, en priorité la famille royale.
Article 44 : Tous ceux qui enfreindront à ces règles seront punis .Chacun est chargé de l’application stricte de ces articles.
Rassemblés par Boubacar SIDIBE (Stagiaire)

Réfection du toit de la case sacrée de Kangaba
Ça se passe aujourd’hui
Ce vendredi 9 Mars 2012 reste une date historique pour la jeune génération de 20 à 21 ans au plus. Au cours de cet évènement culturel majeur, cette génération sera baptisée par le plus vieux du Mandé.
L a réfection septennale du toit de l’édifice au plan circulaire qui abrite des objets et des mobiliers d’une grande richesse symbolique pour la communauté villageoise est utilisé comme Sénat villageois. Kababulon ou Kamablon «vestibule de la parole» sis en plein cœur du cercle de Kangaba a été construit en 1653, selon les griots du terroir.
Comme à l’accoutumée, les Malinké et les autres populations du Mandé, des régions du sud-ouest du Mali se  rassemblent tout les sept ans pour célébrer la pose de la toiture de chaume sur le Kababulon. La cérémonie  est organisée par le clan Keita, descendant du fondateur  de l’empire du Mali, Soundiata, et par les griots du patronyme Diabaté, lesquelles sont les dépositaires de l’histoire du Kabablon. La réfection du toit est l’occasion par excellence d’évoquer l’histoire et la culture  du Mandé à travers la tradition orale. Elle renforce les liens sociaux, règle les conflits et prédit l’avenir pour les sept (7) à venir. Les  festivités durent normalement cinq (5) jours pendant lesquelles, les jeunes âgés de 20 à 21 ans au plus appelé communément « Karé » c’est-à-dire le groupe de génération, font descendre l’ancienne toiture et poser la nouvelle sous la supervision des anciens de la communauté.  A cette occasion, les anciens transmettent leur savoir lié à la case sacrée, à sa construction, son histoire et sa valeur symbolique à la jeune génération. Après  la pose de la toiture le doyen du village donne un nom à « Karé» :groupe de génération.
Boubacar SIDIBÉ (Stagiaire)

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