Jouée en 2014 sur les berges du Djoliba, Tête d’Or est sur scène à Paris

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Plusieurs comédiens maliens jouent dans cette pièce avec comme acteur principal, Ramsès. Il y a des comédiens comme Hamadoun Kassogué, Diarra Sanogo Bougouniéré, N’Tji Traoré, etc. La pièce est en tournée en France. La première présentation a eu lieu le vendredi 27 mars 2015, au Théâtre de la Tempête à Paris. Après le spectacle, nous avons recueilli les impressions du réalisateur et certains comédiens.

Jean-Claude Fall, metteur en scène :

Jean Claude Fall
Jean Claude Fall

J’ai toujours voulu monter Tête d’Or. C’est la pièce de Paul Claudel que je préfère. Quand il l’a écrite en 1889, il avait 20 ans. Le texte est très fort, très violent. Les archétypes sociétaux et politiques évoqués sont très proches de ceux des pays d’Afrique où les traditions despotiques sont encore très ancrées, où les rapports homme-femme sont d’une autre nature et où le rapport à la mort et à la guerre est très différent. J’étais convaincu que ce texte ne prendrait sa vraie place qu’en Afrique. De plus, la langue et la poétique de Claudel sont proches de celles des Africains lorsqu’ils s’expriment en français. Ramsès, un des acteurs de ce Tête d’Or malien, a même remarqué que  «si vous traduisez la langue bamanan en français, ça donne du Claudel».

Depuis la création du Festival Africolor, j’ai toujours été très proche de la communauté malienne en France. Lors d’un séjour à Bamako, j’ai rencontré la Compagnie BlonBa, c’est ainsi que Tête d’Or est née au Mali en février 2014. Je me suis beaucoup appuyé sur BlonBa pour choisir les comédiens. La plupart en font partie. Aïssata Traoré, elle, jouait au sein d’une troupe universitaire à Bamako. Il m’a semblé évident que c’était elle qui devait incarner la Princesse de la pièce. Lorsque nous avons joué à Bamako, Tête d’Or a été parmi les premiers événements culturels publics autorisés après la longue période d’interruption imposée par  les crises politico-sécuritaires. Au Palais de la Culture, nous avons joué en 3 lieux. Sous une paillotte, dans un petit bois, et le long du Djoliba, c’était magnifique. Avec Djibril Sangaré et BlonBa, nous avions fait un gros travail de sensibilisation auprès des jeunes. Le public est venu très nombreux. La plupart était persuadée que Tête d’Or avait été écrite par un auteur malien pour décrire ce qui venait de se passer au pays. Le théâtre a vraiment une portée politique et citoyenne. Le théâtre fait réfléchir.

Jean-Louis Sagot-Duvauroux, dramaturge :

Jean-Louis Sagot-Duvauroux

J’ai joué un rôle d’accompagnement sur les questions de sens, d’une part parce que j’ai une connaissance du Mali plus ancienne que Jean-Claude Fall, et d’autre part, parce que ma formation théologique m’a permis d’apporter un éclairage supplémentaire à la crise spirituelle du très jeune Claudel qui, lorsqu’il écrit Tête d’Or, était torturé par la tentation de la conversion au catholicisme.

À Bamako, les gens sont venus car c’est la compagnie qui les invitait, ils nous connaissaient, mais ils sont restés parce qu’ils ont aimé le spectacle. Mis à part deux ou trois modifications mineures, par exemple les hyènes ont remplacé les loups, rien n’a été changé, c’est bien la pièce de Claudel qui a été jouée à Bamako, et qui, bien sûr, est jouée ici à Paris. Sans être les initiateurs de ce projet, jouer Tête d’Or devant un public parisien est une véritable étape pour BlonBa. Cela montre les potentialités énormes de la vie artistique malienne.

Aïssata Traoré, comédienne :

Les grosses perles jaunes qui ornent mes cheveux sont des perles traditionnelles de chez moi, je suis Peuhl. Quand j’ai proposé à Jean-Claude Fall de les porter sur scène, il a tout de suite accepté, estimant même que c’était idéal pour le rôle de la Princesse. À Bamako, j’avais le souci que les gens comprennent ce que je disais, donc j’accentuais les gestes pour tous ceux qui ne parlaient pas bien français. À Paris, la pression est plus forte, car le français que les gens parlent ici est un peu différent de celui que nous parlons au Mali. Notre accent peut aussi gêner la compréhension, nous faisons donc un gros effort de diction. C’est une grande expérience de jouer en France.

Ramsès Damarifa, comédien :

Les Français connaissent Claudel, alors qu’au Mali, le public a cru que cette pièce avait été écrite récemment par un auteur malien pour critiquer la situation politique dans le pays. Quand on jouait à Bamako, on m’a souvent appelé pour me dire de faire attention. Ils estimaient que comme je tenais le rôle de Tête d’Or dans lequel les gens reconnaissaient Sanogo, je risquais de m’attirer des ennuis. C’est étonnant, car encore une fois cette pièce a été écrite à la fin du XIXème siècle. Cela prouve juste l’universalité du théâtre.

Hamadoun Kassogué, comédien :

Quand j’ai lu le scénario, je me suis posé des questions. Petit à petit, je me suis rendu compte que cette pièce n’a ni âge ni frontière, j’ai été conquis. Dans le texte, j’ai reconnu toute l’histoire du Mali, surtout celle des dernières années. J’y ai vu les tares de notre société, et comme le théâtre a pour but de soigner les tares, je me suis dit que je devais jouer dans cette pièce. On retrouve dans chaque personnage, un acteur de la vie politique malienne récente. Dans les propos du Roi, on reconnaît tous ceux qui se sont succédé depuis la première République, jusqu’à ATT, et bien sûr, dans ceux de Tête d’Or, on repère Sanogo. C’est incroyable car la pièce a été écrite par un Français, il y a plus d’un siècle. Même les petits qui n’étaient venus dans les jardins du Palais de la Culture que pour jeter un coup au spectacle ont été subjugués, ils sont restés jusqu’au bout. Pendant le spectacle, nous nous déplaçons avec le public dans trois lieux différents. Le deuxième acte est joué en spirale comme dans le théâtre traditionnel malien. C’est assez exceptionnel. Ici, à Paris, le public est étonné. Pour nous, artistes maliens, les spectateurs européens sont surprenants. Ils ne font pas un bruit, ils ne bougent pas, ils ne nous interpellent pas. On se demande pourquoi jouer s’ils ne réagissent pas. C’est tellement différent en Afrique ! Chez nous, les gens donnent leur avis aux personnages, ils n’hésitent pas à monter sur la scène. Le théâtre est un forum où personnages et public échangent, ça nous galvanise nous comédiens, ça donne de la force au spectacle. Ici, les spectateurs attendent la fin pour donner leur avis, en applaudissant ou pas. Pour recréer l’ambiance théâtrale africaine dans les représentations de Tête d’Or, ce sont les personnages eux-mêmes qui ponctuent les répliques d’onomatopées d’approbation ou de désapprobation en langue bamanan. Le public européen en comprend le sens sans comprendre la langue. Ils sont nombreux à nous dire qu’ils aiment beaucoup ça. Nous jouons à Paris jusqu’au 12 avril. Le bouche à oreille est en train de faire son travail, donc nous espérons que nos compatriotes résidant ici viendront vite nous voir en masse.

Françoise WASSERVOGEL

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