L’auteur m’a sollicitée de bien vouloir préfacer son livre de contes, toute chose que j’ai acceptée avec plaisir car en réalité cela me faisait honneur et en plus sa demande témoignait une marque de fierté à mon égard du fait qu’il ait porté son choix sur ma modeste personne. Après tout le conte est un excellent moyen de communication vivant où la morale côtoie les autres vertus telles que la bravoure, la tolérance, la sagesse, le partage et la générosité. Sa demande ne m’a pas laissé indifférente car la lecture des contes est un moyen efficace de divertissement et d’apprentissage pour les enfants. Ils les incitent à la lecture, à la concentration et à la compréhension. En un mot, cela favorise une meilleure assimilation du contenu du sujet abordé aux enfants. Ça c’est un premier point de vue.
L’autre aspect qui m’a motivée à préfacer ce livre demeure le conte qui porte le titre du livre : ” La Princesse du Khasso “. J’avoue que l’héroïne du nom de Coumba est une adorable fille qui est allée chercher son trône avec bravoure, détermination, courage et une bonne dose de sang-froid. Elle est devenue princesse parce que le roi l’a élevée à ce titre pour son mérite en l’adoptant du fait qu’elle ait pu tenir tête face à un géant crocodile impitoyable. La bête dévorait régulièrement les jeunes filles fraîchement mariées qui venaient prendre le bain à la rivière. Finalement c’est Coumba qui libera son peuple, les habitants du Khasso, en tuant cette bête et redonna la paix et la joie de vivre à ses compatriotes. Cette jeune fille est un exemple de courage et bravoure que nous les femmes devrions suivre si réellement nous aspirons à notre émancipation car jamais on a meilleur serviteur que soi-même et il faut agir au lieu de réagir. La victoire ne va pas ou ne doit pas venir à nous. C’est à nous d’aller la chercher où qu’elle soit avec la plus grande détermination et conviction. Sans cela la lutte est perdue d’avance. La vie est une somme de repères et de références et si on ne prête donc pas attention à ces deux aspects, on risque vite de se briser les ailes pour zéro. Je dis cela car l’auteur du livre, je veux dire Aboubacar Eros Sissoko tout comme moi partageons la même conviction en faveur de la lutte pour l’émancipation et l’autodétermination de la femme. Je crois que c’est d’ailleurs pourquoi il m’a tendu la main en vue de préfacier ce livre compte tenu de mes expériences auprès de la gente féminine.
Est-ce que des passages ont particulièrement attiré votre attention, lesquels ?
Là, je dois d’abord dire félicitations à Eros pour la qualité d’écriture de ce merveilleux ouvrage. Le contenu du livre me parait très intéressant. D’ailleurs j’ai fait part de mes sentiments entre les lignes de la préface, que je me suis assez marrée en lisant le conte dans lequel le lièvre avec ses espiègleries parvint à faire tirer pendant de longues heures sur les deux bouts d’une corde deux forces de la nature; à savoir Sama l’Eléphant et Mali l’Hippopotame. Même avec une mine maussade, là on finit toujours par avoir le sourire et une bonne humeur et voilà un autre bienfait du conte qui est en quelque sorte comme une thérapie. J’ai également beaucoup aimé le passage où Coumba libère son peuple. Oh mon Dieu quel engagement de sa part… Elle me fascine vraiment cette héroïne venue du Khasso qui m’a permis de jeter un regard sur ma culture traditionnelle. Lors du duel, sa réponse au crocodile fut sans appel ni hésitation en ces termes :
– Je suis venue t’anéantir
– Tes heures sont désormais comptées
– Je vengerai mes sœurs avec la dernière rigueur (Page 23)
Et plus loin elle ajoute ceci :
– Je libérerai mon peuple pour que plus jamais,
– le Khasso ne pleure ses filles
Après le duel, le crocodile se sachant vaincu aborde Coumba en ces termes :
– Jeune fille, j’apprécie ton courage.
– Je respecte ta bravoure démesurée.
– Plusieurs personnes se sont mesurées à moi sans succès (Page 24)
Finalement avec la bravoure, la rigueur et la ténacité, on finit toujours par mériter sa place sous le soleil et avoir par la même vaine le respect et l’estime de tous même ceux de vos propres détracteurs ou antagonistes.
Que conseillez-vous aux lecteurs, aux enfants, aux parents au sujet de ce livre ?
Je conseillerai aux lecteurs de chercher à comprendre l’esprit du livre. D’aucuns verront le livre juste comme un recueil de contes et rien d’autre. Là je dis non, car cet ouvrage est plein d’enseignements et d’interpellations pour qui sait l’utiliser à bon escient. D’abord les contes préparent l’enfant à la vie, et de nos jours rares sont les parents qui incitent les enfants à lire les livres surtout les contes africains. Et pourtant les contes véhiculent généralement des leçons de morale utiles et cela est universel. Actuellement les parents issus de notre continent ne se donnent pas le temps de conter des contes aux enfants si je peux me permettre. Sinon chez les Européens ou les Américains c’est une routine indéfectible car leurs enfants dorment rarement sans qu’ils leurs aient lu des contes. En plus de tout ça, ils en sont arrivés à transformer leurs contes de plus en plus en films ou en dessins animés que nos enfants consomment.
Tout ça c’est pour prouver leur attachement aux contes et à son rôle éducatif au point d’en faire un outil audiovisuel à la portée de tous et à des fins commerciales. Je voudrai dire aux parents d’inciter les enfants à lire les contes ainsi ils prendront goût à la lecture. Et qui dit lecture dit écriture, cela va beaucoup les aider à mieux et facilement comprendre les autres formes d’écriture et leur procurer de réelles capacités rédactionnelles, et cela constitue un regain d’estime capital pour nos futures générations. Sachons qu’aujourd’hui le niveau d’études est à la limite une honte pour notre enseignement national.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Pour le mot de la fin je vais d’abord interpeller les parents à veiller à encadrer les enfants à la lecture car la télé ou tout autre écran n’arrangent pas trop la situation surtout quand on sait que notre pays connait sa plus grande crise scolaire depuis les événements de Mars 1991. La recherche du savoir ne se limite pas qu’à l’école, les parents et les enseignants doivent redoubler d’effort en orientant les enfants vers les bibliothèques. Les centres culturels de bien de pays existent au Mali aussi bien que d’autres espaces où ils peuvent avoir accès aux livres, apprendre et approfondir leur connaissance car celle-ci demeure et restera toujours une propriété individuelle.
Le Ministère de l’Education Nationale doit nécessairement veiller à la perte d’envie de lire chez les enfants en approvisionnant les bibliothèques scolaires de livres pouvant capter leur attention et éveiller leur curiosité. J’invite aussi les mairies à créer des espaces culturels qui favorisent cette envie de lecture chez les enfants. Enfin un programme de sensibilisation doit être mis en place par le Ministère de l’Education Nationale en vue d’emmener les enfants vers le livre et cela doit être diffusé à la télé et sur les radios de la place en français et dans les langues nationales pour attirer l’attention des enfants sur l’importance de la lecture.
In finish, je voudrai dire merci à Eros et à votre journal le Zénith Balé pour votre attachement aux valeurs socioculturelles de notre pays et votre volonté d’informer et d’instruire les gens avec l’écriture en temps réel.
Propos recueillis par Mamadou DABO
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La préfacière à tout à fait raison. L’échec scolaire est une pandémie au Mali. Par ailleurs le pays manque cruellement de bibliothèque egalement. C’est une vraie catastrophe pour l’avenir de nos enfants et du pays lui même.
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