La véritable relance de l’industrie cinématographique passe impérativement par son financement. Le Centre national cinématographique du Mali (CNCM), après l’acquisition de nouveaux matériels, attend beaucoup du chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Kéita, notamment la décision d’alimenter le fonds de soutien à l’industrie cinématographique au Mali.
Ces dernières années, l’Etat, dans le cadre des missions assignées au CNCM, l’a doté de matériels de tournage de films de dernière génération. Des partenaires comme la Coopération française, la Coopération danoise n’ont pas été en marge dans la dotation en moyens matériels de la seule structure publique du cinéma malien.
Du matériel de tournage d’une valeur de 200 millions F CFA lui a été remis par le département de la Culture, ce qui fait qu’aujourd’hui, le CNCM est à même “de faire du cinéma sur place”, c’est-à-dire qu’il n’a plus besoin d’aller en Europe pour achever les films. Le geste du département de la Culture et de ses partenaires danois a été salué à sa juste valeur par le directeur général du CNCM, Moussa Ouane.
Ces moyens matériels que l’Etat et les partenaires ont mis à disposition de la structure dirigée par Moussa Ouane, directeur général du CNCM, vont permettre au CNCM de faire beaucoup de choses.
Mais les moyens matériels à la disposition du CNCM (le plus doté de la sous-région) permettent-ils à eux seuls de faire du cinéma de qualité au Mali ? Pas si sûr. Les matériels réceptionnés n’auront d’impact à hauteur de souhait que si de l’argent frais accompagne la production cinématographique.
Surtout que le CNCM, qui n’est pas la seule structure habilitée à faire des films, est accompagné par des privés. “Généralement ce que ces privés sollicitent, c’est de l’argent liquide”. En l’absence du fonds de soutien à l’industrie cinématographique, il est difficile pour le CNCM de venir en appui ou du moins financièrement aux privés. Ceux-ci se battent comme des “beaux diables” pour faire des films.
Cela paraît surprenant pour certains, le CNCM avec seulement 300 millions F CFA (avec un sacrifice des comédiens, techniciens, costumiers…) parvient à faire des films qui sont bien appréciés. Une somme qui est en deçà du coût de réalisation d’un film dans la sous-région évaluée au minimum à 600 millions F CFA.
Pour inverser la tendance et permettre à notre cinéma de retrouver ses lettres noblesses, seule la volonté politique est à même de changer la donne. Pour ça, il suffit pour l’Etat de comprendre que le cinéma est un acteur du développement, comme c’est le cas dans certains pays dont les présidents ont fini par satisfaire les revendications des cinéastes.
Au Sénégal, le président de la République, Macky Sall, au lendemain du triomphe des cinéastes sénégalais au Fespaco 2013, a mis en application le décret de loi sur l’industrie cinématographique signée en 2004. La suite est connue : 1 milliard de F CFA alimente désormais le fonds de soutien à l’industrie cinématographique par an au Sénégal. Au Nigeria, l’industrie du cinéma, “le Nigeria Export Import Bank” (Nexim) distribue l’enveloppe de 200 millions de dollars budgétisée et promise par le président Goodluck Jonathan
Au Maroc, l’Etat s’est engagé à verser 1,6 million d’euros par an au cinéma. Au Burkina, une ligne financière est également mise à disposition des producteurs cinématographiques. Aujourd’hui, le constat est que ses financements ont permis à ses pays d’être des nations de cinéma.
Ces pays sont arrivés à débloquer le fonds de soutien à l’industrie cinématographique, qu’est-ce qui empêche les autorités du pays à faire autant ? Surtout que la loi de création de ce fonds est déjà un acquis, c’est-à-dire qu’elle a été votée par l’Assemblée nationale. Il suffit pour le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, de signer le décret d’application. Pour ce fonds, le CNCM ne demande pas trop. Un montant de 3 milliards de F CFA suffirait aux talentueux cinéastes du CNCM pour faire au moins 20 films par an.
Présentement, le CNCM ne fait pas plus de quatre films par an y compris les documentaires et séries télévisées. Cela s’explique non pas par manque de compétence, mais de moyens financiers adéquats. Les financiers diront que l’Etat a la volonté, mais manque d’argent. Pourtant les créneaux sont multiples et variés pour alimenter ce fonds. “Il s’agit, entre autres, de prélever une partie des recettes de l’or, du coton, des téléphonies mobiles, des produits de luxe (les grosses voitures)…
“.
Les prélèvements, affirme une source, sont une des solutions surtout qu’au Mali, les opérateurs économiques n’apportent pas leur soutien à la production cinématographique. Pour le tournage des films : “Toiles d’araignées” et “Rap à Bamako”, le CNCM a envoyé des correspondances aux opérateurs économiques, aux opérateurs de téléphonie mobile, “mais, en retour, personne n’a réagi”.
L’autre triste réalité est que dans tous les pays, la télévision participe au financement de la production, mais seule la télévision malienne n’y participe pas, regrette notre interlocuteur. “Alors que c’est elle qui exploite le plus les films des cinéastes maliens”, martèle cet autre cinéaste.
Faute de ressources pour le soutien cinématographique, de nombreux films maliens sont réalisés grâce à l’appui financier des partenaires qui, parfois, les verrouillent de telle sorte qu’il est difficile pour le pays de se procurer des financements. Beaucoup de projets vieillissent sur les bureaux à cause du manque de fonds conséquents pour les appuyer.
Il faut rappeler qu’à la limite, le CNCM et les privés font des films pour seulement le prestige, c’est-à-dire pour juste participer aux festivals. En droite ligne du programme du président de la République, le cinéma peut être une source de recettes et d’emplois.
Le cas du Nigeria est évocateur. Dans ce pays, l’industrie du cinéma, plus connu sous le nom de Nollywood, a créé des milliers d’emplois et réalisé des recettes de 10,7 millions de dollars américains en 2013, occupant une place de choix dans le monde en termes de recettes et de qualité de films.
Pour les professionnels du 7e art, quand un film marche très fort, c’est des emplois qui se créent autour de certaines activités créatrices de revenues : costumiers, tailleurs, cordonniers, menuisiers, bijoutiers, vendeurs de cassettes ou de textile. Les cinéastes maliens à travers le CNCM demandent à IBK, la rénovation de la salle Al Hilal de Médine, ce, conformément aux directives de l’Uémoa. Pour être en phase avec les normes de l’Uémoa, le CNCM a travaillé sur le projet de la salle Al Hilal. Le montant de rénovation des travaux confondus s’élève à 265 millions F CFA.
Avec l’application de la loi de financement de l’industrie cinématographique, les cinéastes vont se tirer d’affaire. Elle mettra l’accent sur le volet formation, une priorité du CNCM, qui, malgré les difficultés, est en train de tout faire pour disposer des ressources humaines techniques compétentes sur toute la chaîne de production cinématographique soit une réalité pour le CNCM.
Rappelons qu’au début des années 1990 avec l’entrée de nos Etats dans les programmes d’ajustement structurel (Pas) la culture a été écartée du processus de développement économique. Les nombreuses salles de cinéma ont été soit fermées soit liquidées. Aujourd’hui, le constat est triste : seule une salle de cinéma digne de ce nom est fonctionnelle en plein temps à Bamako.
Amadou Sidibé pour Maliweb.net
tres bon article. la balle est ds le camp dibk.
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