“Hommage d’une fille à son père” : Le film de Fatou Cissé sur Souleymane Cissé

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«Hommage d’une file à son père» est le film documentaire (d’une durée de 1 h 13 minutes) produit par les films Cissé et réalisé par Fatou Cissé pour rendre hommage à son père, le cinéaste Souleymane Cissé, une figure majeure de l’histoire du cinéma malien.

 

Selon Jean-Michel Frodon (critique, historien du cinéma, enseignant à Sciences-Pô), «Hommage d’une fille à son père» est une histoire, celle de Souleymane Cissé, un homme qui est une figure majeure de l’histoire du cinéma, surtout du cinéma malien. Et Fatou Cissé, en voyant les difficultés que son père traverse depuis ses débuts jusqu’à ce jour, a voulu réaliser un documentaire retraçant la vie de Souleymane Cissé, en relatant son vécu depuis l’enfance ainsi que ses œuvres, afin de mettre en lumière sa personnalité de réalisateur.

«Le film de Fatou Cissé raconte une histoire, celle d’un homme qui est d’abord, pour elle, son père, et pour nous spectateurs, une figure majeure de l’histoire du cinéma. Merci de remarquer qu’il n’a pas été écrit ici « l’histoire du cinéma africain », encore moins « l’histoire du cinéma malien ». Toute la richesse du film, toute la difficulté maitrisée par ce travail documentaire résulte de ce qu’il s’agit à la fois d’une histoire d’un homme, de celle d’un artiste, et de multiples et vastes histoires, à l’échelle d’un art, à l’échelle d’une époque, et à l’échelle du monde entier. Il est important que si, tout naturellement, la majorité des images qui figurent dans le film viennent d’Afrique, un nombre significatif vient aussi d’Europe, d’URSS, des Etats-Unis, de Corée…Tout être humain et en particulier tout artiste appartient de quelque manière à son temps et s’inscrit dans une géographie. Mais, comme le montre bien le film, avec Souleymane Cissé, nous avons affaire à bien davantage. Nous avons affaire à un homme qui a représenté, au sens fort, certains des grands enjeux de son temps, les a éclairés, en a porté le poids sur ses épaules», a-t-il fait savoir.

(photo Gordon)

A entendre Jean-Michel Frodon, Souleymane Cissé n’est pas un inconnu. Il est l’auteur de grands films, qui appartiennent au patrimoine mondial de l’art du cinéma. Mais, il est aussi celui qui aura, davantage que quiconque, cristallisé ce moment unique où, avec lui, grâce à lui, un univers entier s’est installé, même de manière fragile et instable, au sein même de la grande maison mondiale du cinéma. « Souleymane Cissé n’est pas le premier, Ousmane Sembène et d’autres ont ouvert la voie, mais c’était une voie bordée par le statut de l’africanité et dessinée par un discours et un combat. Souleymane Cissé n’a renoncé ni à l’un, ni à l’autre, mais les a fait vivre dans un cadre plus vaste, à la fois plus quotidien et plus inscrit dans une culture au long cours. « Pas à pas », « Cinq jours », « Den Muso », « Baara », « Finye », « Yeelen » et « Waati » ont construit la mise en partage, pour des publics multiples et différents, de perspectives historiques et culturelles. Et, il n’y a pas que les films, mais aussi les formes de présence de leur auteur, au Mali, en Afrique et dans le reste du monde, ses initiatives, ses prises de paroles, ses choix stratégiques pour lui-même et pour les autres cinéastes, qui ont joué un rôle décisif dans la dynamique d’entrée de plain-pied des cinémas d’Afrique dans « le » cinéma tout court. Cette histoire, immensément difficile, est, on ne le sait que trop, en partie un échec : sans soutien public, sans infrastructures économiques, sans mobilisation culturelle de masse durable, ces artistes-combattants au premier rang desquels se tient Souleymane Cissé ont gagné d’éclatantes batailles, leurs films.

Malgré leur talent, leur énergie et leur courage, ils ont perdu une guerre: les cinémas d’Afrique n’occupent toujours pas, loin s’en faut, la place qui leur revient évidemment sur la fameuse « scène internationale ». Malgré ces multiples et immenses difficultés, Cissé n’a jamais renoncé, comme en témoignent aussi bien les films des années 2000 (Min Yé, O. Sembene, O Ka, Alerte à Bozola) que l’activité inlassable à la tête de l’Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma et de l’Audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest (UCECAO) et dans le cadre du Festival de Nyamina, sur le fleuve Niger, qu’il avait créé.

Entre le départ du jeune homme de Bamako pour Moscou étudier au VGIK en 1963 et le vieux sage d’aujourd’hui, toujours aussi rieur que prompt à se mettre en colère, ce n’est pas seulement que le monde a, évidemment, changé, c’est qu’il a contribué à ce changement, et qu’il lui a, plus et mieux que d’autres, donné chair et vie. C’est aussi de cette complexité au long cours que rend compte « Hommage d’une fille à son père Fatou Cissé», a-t-il dit de l’œuvre de Fatou Cissé.

 

Biographie de Fatou Cissé (Réalisatrice)

 

Après des études secondaires à Ouagadougou, Fatou Cissé dite Batou fréquente l’Université de Caen pour étudier la psychologie. Elle part ensuite au Canada pour se former au métier du tourisme et du voyage. Elle revient en 2003 au Mali pour ouvrir une société de communication DELI.

Deux ans après, elle se retourne vers le cinéma pour aider son père Souleymane Cissé à gérer l’Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma et de l’Audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest (UCECAO), au sein de laquelle elle travaille comme chargée de Mission. Elle est aussi directrice de production des Films Cissé et cogérante. «En voyant les difficultés que son père traverse depuis ses débuts jusqu’à ce jour, elle a voulu réaliser un documentaire retraçant la vie de Souleymane, en relatant son vécu depuis l’enfance ainsi que ses œuvres, afin de mettre en lumière sa personnalité de réalisateur» selon la réalisatrice.

En 2003, Fatou Cissé est désignée comme chargée de Mission dans l’organisation des Rencontres Cinématographiques de Bamako et du Festival international de Nyamina dont le but est de permettre aux réalisateurs des 15 pays de la sous-région de partager leurs difficultés et de trouver une solution aux problèmes.

A cause de l’insécurité au Mali, les activités ont dû être suspendues. «En ce qui concerne les productions de son père, elle a été Directrice de production dans : Min Yé… (Dis-moi qui tu es) en 2009 qui reflète les contradictions d’une bourgeoisie malienne en quête de sens ; en 2013 pour le documentaire O. Sembène que Souleymane réalise en hommage à son ami disparu ; et O Ka (Notre Maison) est présenté en sélection officielle au 68ème Festival de Cannes 2015. Ce film relate le combat de Souleymane pour la vérité qui pousse l’artiste à prendre la parole et à s’engager». Parole de Fatou. 

Siaka DOUMBIA

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