L’artiste se définit mieux comme un «Révolutionnaire» parce qu’il a un projet novateur basé sur la revalorisation du coton malien. Et ce n’est pas ce qu’on entend régulièrement dans les discours biaisés de politiciens en quête d’électeurs dans les régions de production, notamment dans le sud du Mali. Styliste-modéliste, Gaoussou Goïta est, depuis quelques années, à l’avant-garde d’un noble combat : la valorisation d’une des matières premières du Mali, le coton, communément appelé «l’Or blanc». Zoom sur un styliste atypique, un Révolutionnaire pas forcément compris.
Diplômé de la promotion de 2006 de l’Ecole syndicale de la couture parisienne (seul Africain sur une vingtaine de pensionnaires), ce styliste-modéliste est aussi un photographe professionnel de mode qui a décidé de revenir au bercail et mettre son immense talent au service d’une seule conviction, d’une seule ambition : créer une vraie valeur ajoutée aux créations en coton du Mali afin de faire cette culture le véritable or blanc tant souhaité !
Originaire de Niono dans la région de Ségou, région rizicole et cotonnière, Gaston (comme on l’aurait appelé dans nos Grins) est fils de tisserand. Il a commencé son apprentissage dans la couture à Bamako avant de prendre le chemin de l’aventure en 1990. Passé par le Burkina Faso, le Cameroun (quelques mois), il arrive au Gabon en début 1991 où il exerce son métier de tailleur. Quelques années plus tard, en 1998, «l’aventurier» se retrouve à Paris. Parallèlement à une activité professionnelle régulière, dans le prêt-à-porter puis dans la gravure sur métal, il confectionne sur mesure pour une petite clientèle dans un foyer de travailleurs immigrés baptisé «Foyer quai de la gare». Saisissant l’opportunité d’une formation continue, il entre à l’Ecole de la Chambre syndicale de la couture parisienne, ce lieu recherché où sont passés de grands noms de la Haute couture comme Yves St Laurent. Il y approfondit ses connaissances de base et la maîtrise des techniques du moulage, du patronage, du montage et de la réalisation de vêtements à volume.
Sa formation terminée, il se lance dans ce que l’on peut appeler «la bataille du coton malien» avec ses propres armes : l’originalité d’une création décomplexée et innovante exclusivement confectionnée à partir du coton biologique malien, dont il se veut un acharné défenseur. Très engagé, Gaoussou Goïta a délibérément opté pour une démarche militante au profit d’un projet ambitieux baptisé «Farafina Dambé» (Quintessence de l’Afrique») qui a pour objet la valorisation d’une des matières premières du Mali, le coton. Communément appelé «l’Or blanc» du pays, l’un des premiers producteurs en Afrique, cette culture d’exportation est la 2e source de revenus du Mali après l’or. Sa Griffe : Un Lion et une Lionne, pour symboliser une marque ouverte aussi bien à l’homme qu’à la femme avec le souci de l’Elégance utile. Il s’agit naturellement de l’élégance qui permet de redonner au coton son symbole culturel et économique avec de judicieuses valeurs ajoutées. Pour G.G, il s’agit aussi de «participer à la limitation des effets négatifs de la mondialisation en encourageant la transformation sur place qui permet à la fois de faire émerger les compétences et de créer des emplois».
Une brillante collection haut de gamme
Ce combat est soutenu de nos jours par des philosophies comme «Tout Fait au Mali» (TFM) ou, en anglais, «All Made in Mali» (AMM) visant à révolutionner l’approche de la couture par la formation. Et il suffit de se rendre dans son atelier de Niamana-ATTbougou pour se rendre compte que ce rêve patriotique n’est pas utopique. Des chemises, des tee-shirts, des robes, des écharpes et même des survêtements de sport… sont alignés comme pour défier les amateurs d’une certaine culture «haut de gamme». Passé le moment de l’admiration, on prend conscience que la démarche du créateur s’inscrit dans une tripe dimension : culturelle, économique et citoyenne. En effet, il s’agit avant tout de la valorisation du patrimoine vestimentaire en le mettant au goût de nos habitudes vestimentaires avec une ouverture sur le monde. L’initiative se destine aussi à donner aux créations en coton une véritable valeur ajoutée leur permettant de soutenir la concurrence avec n’importe quel produit similaire importé.
Pour ce faire, il est envisagé une production de grande consommation grâce à des relais comme le très répandu recours aux uniformes lors des fêtes socioculturelles ou religieuses (baptêmes, mariages, ziahara) ou des secteurs grands consommateurs d’habillement collectif comme les écoles, la santé, l’hôtellerie, les agences de communication, la police, la gendarmerie, le milieu sportif. La création d’emplois, à travers la fabrication sur place, est la valeur ajoutée sociale qui se greffe à une telle activité économique. À cheval sur ce combat, Gaoussou est déterminé à mettre son savoir, son talent et ses compétences au service d’un travail de fond sur la couture au Mali pour aboutir sur «la création d’un véritable centre de formation et d’apprentissage de couture». Il tient surtout à démontrer aux jeunes que l’immigration, au péril de sa vie, n’est pas préférable à l’effort consenti pour créer et développer à partir de ce qu’on a sur place ! Déjà, ils sont nombreux à être acquis à cette noble cause dans de nombreux milieux (médias, arts et culture…). Ceux qui ont côtoyé G. Goïta, disent qu’il est «un homme très déterminé qui mérite sincèrement d’être aidé». Et pour ce confrère, «il ne faut pas tout attendre de l’Etat… Les partenaires privés maliens doivent prendre l’initiative de parrainer des projets tels celui de Gaoussou». Déjà, l’une des meilleures façons d’aider le jeune et révolutionnaire modéliste, c’est de porter ses créations sans complexe et en toutes circonstances.
ALPHALY