Festival de Nyamina : Au bon souvenir des salles de cinéma

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Près d’une dizaine de films documentaires, courts et longs-métrages, projetés en cette journée du 22 décembre. La 9e édition du Festival de Nyamina et des Rencontres cinématographiques de Bamako ont éveillé les souvenirs des meilleurs moments du cinéma malien quand les salles obscures étaient l’une des meilleures attractions du public. Privatisées de manière sauvage par les pouvoirs publics, l’absence de ces salles a plongé le 7e art malien dans un marasme on ne peut plus profond.

 

Souleymane Cissé

En ce samedi 22 décembre, la salle des spectacles de l’Institut français de Bamako ressemblait  aux salles obscures d’Ouagadougou (Burkina Faso), bondées pendant les projections du Festival panafricain du film et de la télévision (Fespaco). Ce jour-là, à Bamako, il ne s’agissait pas du Fespaco, mais d’une série de projections à la faveur de la 9e édition du Festival international de Nyamina et des Rencontres cinématographiques de Bamako.

Près d’une dizaine de films ont été projetés gratuitement pour le plaisir d’un public nostalgique des vieux moments du cinéma malien au moment où les salles étaient l’objet de la ruée des amateurs de l’image. Aux Rencontres cinématographiques de Bamako, le public se souviendra de ce documentaire biographique sur la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba.

“Mama Africa” est une réalisation de Mika Kaurismäki, sortie sur les écrans en 2011. Dans ce film documentaire de 91 minutes, la réalisatrice finlandaise passe en revue le long parcours d’une militante de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud. Hommage à l’une des meilleures voix de la chanson africaine engagée, “Mama Africa” est un film à voir.

Dans les heures douloureuses de l’apartheid

Née en 1932 et décédée en 2008, Miriam Makeba est une artiste fidèle aux racines africaines de sa musique. Dès 1959, elle fut contrainte à l’exil, après avoir contribué  au documentaire critique envers l’apartheid, “Come back Africa”. Harry Belafonte l’aide à partir aux Etats-Unis, où en 1967 elle réalise son premier hit international “Pata-Pata”.

En 1968, elle épouse le militant des “Black Panthers”, Stokely Carmichael et se retrouve dans le collimateur du FBI. Après quoi, elle part s’installer à Conakry, en Guinée, d’où elle continuera à s’engager contre le régime blanc de l’apartheid dans son pays. “Mama Africa” présente l’itinéraire d’une artiste hors norme, qui fit fureur sur le plan musical pendant plus de 50 ans, à travers des images rares et de nombreuses interviews.

Mais le long-métrage “Waati” (le Temps) n’en est pas moins. En Afrique du Sud, une adolescente, Nadi, grandit, exploitée au milieu des brimades faites aux Noirs. Un jour, un policier tue son père. Terrorisée, elle s’enfuit. Elle parvient à traverser la frontière, et des nomades l’adoptent. Elle arrive dans un  pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire) où elle peut faire des études d’ethnologie. Elle recueille une petite orpheline et se décide à revenir en Afrique du Sud. Mais, elle y sera à nouveau confrontée au racisme.

Le long-métrage “Waati”, primé au Festival panafricain du film et de la télévision d’Ouagadougou, est un chef-d’œuvre de son réalisateur Souleymane Cissé. Il plonge dans les époques douloureuses de l’apartheid, où le Noir en Afrique du Sud était considéré comme “un sous-homme” et que la seule justice qui valait était celle du Blanc.

On comprend ainsi l’émotion qui a envahi la salle au cours de cette projection. Pour l’ancien ministre de l’Education de base, Adama Samassékou, son auteur est un combattant des libertés, et l’œuvre reste d’actualité pour l’éveil des consciences des peuples noirs, notamment la jeune génération.

Un Korafôla nommé Madina

“Korafola” (la joueuse de Kora) est un autre film (documentaire) projeté à la faveur de l’édition 2012 des Rencontres cinématographiques de Bamako. Il retrace l’histoire d’une chanteuse malienne du nom de Madina Ndiaye. Seule joueuse malienne de kora, cette artiste au parcours exceptionnel, est une devenue par sa persévérance une icône de la kora.

Ayant perdu la vue en 2002, elle est pourtant la seule joueuse de kora au Mali, un instrument traditionnel jusque-là réservé aux hommes, mais aussi et surtout aux familles griottes en Afrique. Célibataire, Madina travaille en compagnie de ses collègues musiciens au rythme des concerts.

Attachée à ses valeurs, dévouée et ambitieuse, la jeune chanteuse s’impose dans un milieu plutôt concurrentiel. Elle devient la vedette de grandes manifestations artistiques et culturelles comme le Festival sur le Niger. A travers “Korafola”, le réalisateur Mamadou Cissé envoie un message : la perte de la vue n’est pas une fatalité.

Les projections à la 9e édition du Festival de Nyamina et des Rencontres cinématographiques de Bamako ont eu le mérite de poser la réflexion autour de deux questions fondamentales : celle du rôle du cinéma dans l’éveil des consciences et le renforcement de la démocratie, mais également, la nécessité de réhabiliter nos salles de cinéma à travers la nationalisation de celles qui ont été privatisées et la construction de nouvelles infrastructures.

Issa Fakaba Sissoko

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