L’année 2015 aura sans nul doute, marqué incontestablement un renouveau des activités de l’AMSCID, (Association Malienne de Solidarité et de Coopération Internationale pour le Développement.) Et pour cause : cette année, l’association fête ses 20 ans d’existence, faites de gros, mais exaltants défis à relever dans le domaine du développement et de la coopération décentralisée.
C’est dans ce cadre que, fut tenu les 14 et 15 octobre 2015 avec un franc succès au CICB, le colloque international sur le thème de ” la Coopération Décentralisée au Mali en temps de Crise et post Crise. Quelle réponse ? ” Colloque ayant réuni des élus et autres participants venus de l’intérieur du pays, de la France et de l’Espagne. Après le colloque, vint le tour de la ” Semaine du Cinéma Malien en France”, qui s’est déroulée du 14 au 22 novembre 2015.
Aussi, l’année 2015 c’est deux ans déjà, que le Mali renaissait ou presque. En effet, faut-il rappeler, qu’en 2012, notre pays a vécu la tourmente la plus grave de sa jeune histoire de République indépendante. Suite à des rébellions armées, peu ou mal maitrisées par le pouvoir central dans les trois régions septentrionales du pays, le pire s’était produit.
Face aux errements du pouvoir, de jeunes officiers et sous officiers de l’Armée Nationale tentèrent et réussirent de transformer leur mouvement de mécontentements, en coup d’Etat militaire, dans la nuit du 21 au 22 mars 2012.
La rébellion touarègue, pour la énième fois resurgit avec le MNLA qui, le drame libyen aidant, avait pu joindre à sa cause funeste des groupes djihadistes d’Ançar-Dine, d’AQMI, de Mujao et des narcotrafiquants, sans foi ni loi. Malgré des objectifs aussi variés que divers, (de l’instauration de la charia à la création de la République de l’Azawad), ces groupes malfaisants ont réussi un moment, à créer une zone de non droit, privant le pays de près de 70% de sa surface.
Le Mali dit-on, un pays béni du bon Dieu, a pu avec l’aide de ses amis de la communauté internationale, recouvrer sa totale souveraineté sur l’intégralité de son territoire. Ainsi, fut organisées des élections présidentielles en 2013, couronnées par l’accession à la Magistrature Suprême du candidat Ibrahim Boubacar Kéita.
La boucle est-elle bouclée pour autant ? Que non. Bien sûr. L’image du Mali reste dégradée, et le pays entier est perçu comme une zone rouge à éviter, autant que faire se peut. Il présente de hauts risques, aussi bien pour les touristes, que pour les partenaires au développement. Devons-nous rester indifférents face à cette situation, porteuse de dangers réels pour le pays ? L’AMSCID a pour sa part, décidé d’organiser en partenariat avec le Ministère de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme, le Centre National de la Cinématographie du Mali (CNCM), l’Union Nationale des Cinéastes du Mali (UNCM) et l’UCCAO) une ” Semaine du Cinéma Malien en France “, du 14 au 22 novembre 2015. Dans ces moments difficiles que traverse notre pays, il nous a paru en tant qu’association, nécessaire d’encourager des actions, qui permettent d’aller contre les idées reçues et les amalgames pouvant ternir son image de marque et lutter contre la violence, le repli sur soi, et favoriser les échanges, les débats.
Le cinéma, appelé aussi 7ème art, tout comme son ” cousin ” le théâtre, est un acte social qui, s’il n’utilise pas la langue de bois, est un excellent moyen de communication pour prendre la parole, prendre partie, faire des choix. Sept villes françaises, partenaires de l’AMSCID : Gentilly, Allonnes, Morsang-sur-Orge, Vitry-sur-Seine, Aubervilliers, Choisy-le-Roi, Ivry-sur-Seine ont gracieusement ouvert leurs salles de spectacles, pour les projections de 07 célèbres films maliens dont, : ” Waati ” et ” Yéelen “, ” Guimba ” et ” La Génèse “, ” Faraw “, ” Faro “, ” Devoir de Mémoire ” respectivement, des réalisateurs de talent, Souleymane Cissé, Cheick Oumar Sissoko, Abdoulaye Ascofaré, Salif Traoré et Mamadou Cissé.
Compte tenu des horribles attentats terroristes perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris et le décret d’état d’urgence qui avait suivi, le lancement officiel de la semaine, prévu à Gentilly le 14 novembre a été annulé. On y attendait de hautes personnalités comme la Maire de la ville, Mme Patricia Tordjman, la Ministre malienne de la Culture, de l’Artisanat du Tourisme, l’Ambassadeur du Mali en France, la Secrétaire Générale de l’UNESCO, la Secrétaire Générale de l’OIF.
En baissant les rideaux le Dimanche 22 novembre 2015, la semaine prenait fin sur un franc succès et dévoilait une double originalité. La première résidant dans le fait que, pour la première fois en France, le 7ème art malien osait. L’autre particularité se manifestant dans les commentaires, analyses et débats qu’elle a suscités, tout de suite engagés après les projections, entre le public et les réalisateurs Salif Traoré et Mamadou Cissé. Vivement alors, la 2ème édition de la Semaine du Cinéma Malien en France, avec tout l’espoir que, la première aura donné sens et épaisseur au cinéma malien, à la solidarité et l’amitié entre les peuples.
Et que dire du septième art malien au Mali ? Peut-il résister à l’impact de cette mondialisation forcée que tous, nous subissons de plein fouet, ou va-t-il être simplement sacrifié sur l’autel du marché unique de la culture ?
Le cinéma malien, tel que conçu par les pères fondateurs de la République, est indéniablement, à l’origine de nombreux acquis qui, sont loin d’être négligeables dans le contexte des politiques nationales d’éducation du citoyen nouveau, d’intégration, de rassemblement et d’unité. Les nouvelles autorités du pays fraichement indépendant, lui assignaient, des objectifs allant dans le sens de l’édification nationale, du développement du progrès et du mieux être. En mars 1991, le peuple conquérant la liberté politique, la liberté d’association et d’expression, a du coup, émancipé le cinéma national de nombre de ses carcans.
La tâche essentielle aujourd’hui, est de mettre en valeur ces libertés si chèrement acquises, mais actuellement menacées de toutes parts. Au regard de ce qui se passe depuis quelques décennies : un développement sans précédent des moyens de communication, le choix de fermer les salles de cinéma et la redéfinition de l’organisation de la production/distribution des films, la pluralité des organisations et son corollaire de divisions, le cinéma national se trouve à la croisée des chemins.
Pointer cela n’a pas à ce stade, valeur de jugement, mais exprime plus la nécessité de donner au cinéma malien, toute sa place dans notre culture. Les menaces sur le pays, notamment sur sa jeunesse, que fait peser l’invasion de films étrangers ne doivent pas être prises à la légère, comme cela semble le cas aujourd’hui. La domination culturelle que cela engendre rime avec l’évanouissement des repères et laisse champ libre à la violence, à la déperdition sociale.
L’effet dévastateur de la domination culturelle, en uniformisant une ” culture mondiale ” sur les jeunes générations doit trouver une solution à travers un cinéma national dynamique et ambitieux. Plus encore économique, le défi est à nos yeux, aussi politique : l’Etat malien doit réaffirmer sa détermination à faire de la culture nationale, la garante des valeurs qui fondent la nation, pour que s’expriment et se développent en son sein la démocratie et les libertés individuelles et collectives.
Les secteurs public et privé ne doivent pas s’exclure. Il faudra élaborer une politique cohérente pour que, le cinéma malien n’ait pas pour fonction, que d’enrichir les promoteurs, mais aussi de répondre aux impératifs humains et sociaux.
L’issue de ce combat dépendra certes, de la place que les autorités donneront au 7ème art, mais aussi des réalisateurs maliens, de leur capacité à répondre aux défis modernes. Pour sa part et comme toujours, l’AMSCID répondra présente à toute initiative allant dans le sens de redonner à la culture malienne son aura d’antan. Ce faisant, pourquoi pas un forum national sur les états généraux du cinéma ?
Amidiata Ouattara
Directeur des Services de l’AMSCID