Dans le cadre des festivités de la 5ème édition du festival Ciné Droit Libre, une conférence débat sur la démocratie a été organisée le jeudi 11 mars 2021, dans la grande salle de conférence de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (Ucao-UUBA) à Hamdalaye. Placée sous le thème « pourquoi la démocratie ? », elle a enregistré la présence respective du président du parti Cnid-Faso Yiriwaton, Me MountagaTall, du président du parti FAD Me Nouhoum Sarr, du Doyen de l’Ucao-UUBA, Dr. Abbé Alexis Dembélé et de nombreux étudiants en journalisme et communication.
Cette 5ème édition du festival Ciné Droit Libre a enregistré plusieurs activités à travers la capitale malienne, notamment, des projections de film, des conférences débats, des jeux, des prestations d’artistes maliens et ceux des pays voisins.
A travers ce festival, l’université catholique de l’Afrique de l’ouest (Ucao-UUBA) a eu droit le jeudi 11 mars, à une conférence débat sur la démocratie, animée par les présidents des partis politiques Cnid et FAD, à l’attention de ces étudiants. Il s’agissait d’expliquer le sens de la démocratie dans le monde entier, particulièrement au Mali. A cette occasion, le président du parti FAD, au cours de son intervention, a expliqué que la démocratie est un système de gouvernance dans lequel la souveraineté appartient exclusivement au peuple qui la délègue aux Institutions. « La démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour peuple », -a-t-il rappelé avant de faire savoir qu’en tant que processus, elle comporte plusieurs étapes. De ce fait, chaque pays, notamment en Afrique, a son stade d’évolution.
Dans cette classification, Nouhoum Sarr dira qu’il y a des pays qui sont plus développés sur l’aspect électoral de la démocratie comme le Sénégal et d’autres sur les questions de la bonne gouvernance et de la transparence, comme le Ghana et la Mozambique. Il a aussi ajouté que des pays comme le nôtre ont développé l’apparence démocratique tout en criminalisant l’Etat à travers la corruption et le népotisme. De façon générale, dira le président du FAD, l’ancrage de la démocratie n’est pas le même dans les pays africains, où certains sont en avance et d’autres à la traine.
Au chapitre des avantages de la démocratie, il dira qu’elle a apporté dans notre pays la liberté d’expression et le multipartisme intégral. Mais qu’elle reste à la traine sous son aspect gouvernance transparente et vertueuse. Toujours d’après M. Sarr, il n’existe pas de meilleur modèle de démocratie, vu que c’est un processus. Ce qui s’est passé aux Etats-Unis, la plus vielle démocratie est bien révélateur où un président battu a refusé de reconnaitre sa défaite. Cela, dit-il, est inimaginable pour qui connait la solidité de la démocratie américaine.
Parlant de la refondation au Mali, il a précisé qu’il ne croit pas à la refondation, cela revient à dire que rien n’a été fait et sans aucune base. « Nous avons l’une des meilleures constitutions au monde. Il y a eu des efforts durant 61 ans d’existence de notre pays même si la gouvernance démocratique laisse à désirer. Je préfère plus le redressement à la refondation, cela nous permettra de consolider ce qui marche et reprendre ce qui ne marche pas », a-t-il fait savoir.
Quant au président du parti Cnid-Faso Yriwaton, Mountaga Tall, il affirmera que la démocratie a apporté la liberté d’expression dans tous les domaines. En rappel, il dira qu’avant, sous le régime de la dictature, les gens ne pouvaient pas se réunir pour exprimer leurs pensées, et ceux qui avaient dit non à la Constitution sont tous partis en prison. Selon Me Tall, la démocratie est fondamentalement juste, mais que ce sont ceux qui géraient le pouvoir qui n’étaient pas justes.
Par ailleurs, Me Mountaga Tall, a expliqué que la désobéissance civile est reconnue dans la Constitution malienne en son article 121 comme un recours du peuple lorsqu’il est porté atteinte à la forme républicaine de l’Etat. C’est un refus coordonné pour faire le changement, a-t-il fait savoir.
Cette séance qui avait l’allure d’un cours magistral a permis aux étudiants de l’Ucao à poser toutes les questions de compréhension et s’édifier sur le concept de la démocratie. Aux termes des discutions, tous les remerciements étaient aux organisateurs de Ciné Droit Libre et à la direction de l’Ucao pour la bonne initiative de cette conférence débats.
Zeïnabou Fofana
KAOUROU MAGASSA :
« Donner la parole aux femmes »
Kaourou Magassa est originaire du Kaarta, journaliste reporter d’images, correspondant de la chaîne TV5 Monde et de Radio France internationale. Pour nos lecteurs, il relate brièvement sa carrière de producteur mais nous parle également de son documentaire intitulé «Mounyou ni Sabali », qui a été le film d’ouverture du festival Ciné Droit Libre à l’Institut français le 9 mars.
Mali-Tribune : Depuis quand avez- vous commencé à écrire et à réaliser des films ?
K. M. : Mon premier film date de 2015-2016, un film écrit et réalisé avec deux amis. Son titre est « Taxi Photo Bamako », aujourd’hui disponible en libre accès sur les plateformes de vidéos sur internet. C’est un film sur les rencontres photographiques de Bamako qui se tiennent tous les deux ans au Mali. Il raconte toute l’effervescence artistique et intellectuelle qu’il y a autour de ce grand rendez-vous de l’art contemporain et que nous avons la chance d’accueillir dans le pays ! Ce film, nous l’avons fait en tant qu’amoureux de la culture et de la ville de Bamako où nous nous étions rencontrés quatre ans avant 2011.
Mali-Tribune : Combien de réalisations avez-vous à votre actif ? Parlez-nous un peu de vos réalisations et quels sont les thèmes abordés ?
K. M. : En plus de mon métier de journaliste, j’ai eu l’opportunité de réaliser trois films documentaires et trois grands reportages. Outre le film sur les rencontres de Bamako, mes projets traitent principalement des droits humains, l’immigration, l’esclavage, la crise sécuritaire qui secoue le pays, les adoptions internationales et enfin la question des violences sexuelles.
Mali-Tribune : Pourquoi le thème de la violence sexuelle pour votre film projeté à l’Institut français ? Est-ce pour honorer les dames à l’occasion du 8 mars ?
K M. : Le but n’était pas d’honorer les femmes à l’occasion du 8 mars, mais plutôt de me questionner et en même temps de questionner la société. Dans notre pays, les femmes sont éduquées et formatées à tout pardonner, à tout supporter. En bambara on appelle ce principe « Mounyou ni Sabali ». Au départ, je pense sincèrement que ce principe a été édicté pour inculquer une forme de résilience dans la société. Mais avec l’évolution, cela a amené de la résignation chez les femmes. La femme est contrainte au silence et au don de soi pour protéger « l’honneur de la famille » car toutes les dérives, toutes les violences sont tues et taboues. Même les plus horribles, même les violences sexuelles. Durant mes recherches et en rencontrant de nombreuses femmes, j’ai très vite compris la nécessité et le besoin pour elles d’en parler. Pas pour elles-mêmes, mais pour que les violences cessent. Ce qui est extrêmement courageux de leur part.
Mali-Tribune : Que relate ce film et pourquoi ce titre ?
K. M. : « Mounyou ni Sabali? » raconte le parcours de trois femmes, trois femmes puissantes et engagées qui se livrent sur leurs combats au quotidien. L’une vit au Mali, elle tente de lever les tabous face au reste de la société et réclame justice tout en essayant de retrouver une vie normale.
Une autre vit à New York, féministe engagée et militante ouverte sur sa ville et sur le monde, elle a fondé un site internet qui permet aux femmes de s’ouvrir et d’échanger entre elles.
La troisième vit en région parisienne et témoigne de l’importance de l’aspect psychologique pour se reconstruire.
Le titre « mounyou ni sabali » avec un point d’interrogation nous est venu très naturellement, la totalité des témoins et des intervenants du film parlait de ce principe dans leurs échanges. Il était donc important de le mettre en exergue et de le questionner.
Mali-Tribune : Quel est l’objectif derrière et quel message voulez-vous faire passer à travers cette production ?
M. M. : Il était important et nécessaire de faire ce film avec beaucoup d’humilité. Comment me placer ? Comment parler de la question des violences sexuelles en tant qu’homme ? Alors que la très grande majorité des victimes sont des femmes. Nous avons fait le choix de le faire par un film documentaire sans commentaire dans ce sens que ce sont les personnes qui interviennent, qui se racontent. Il était aussi très important pour nous de donner la parole aux femmes que l’on entend peu dans l’espace médiatique pour raconter leurs vécus alors qu’elles ont énormément de choses à dire, mais aussi énormément de solutions pour que la société s’améliore. L’objectif est peut-être celui-là, d’aider à favoriser l’échange et l’écoute de tout un chacun même sur les questions les plus graves et les plus sensibles.
Propos recueillis par
Aminata Agaly Yattara