C’est un véritable élan d’union que viennent d’impulser de nombreuses personnalités et quelques 500 Européens face aux nombreuses rumeurs d’insécurité qui ont entouré la 12ème édition du Festival d’Essakane. Une édition qui s’est tenue, les 12, 13 et 14 janvier 2012 sur les dunes de Tombouctou.
Au premier rang de ces hauts cadres de l’administration malienne qui n’ont pas voulu céder le terrain à AQMI & Co, les ministres de la Culture, Hamane Niang, de l’Artisanat et du Tourisme, Mohamed El Moctar et leur homologue de la Sécurité Intérieure et la Protection Civile, le Général Sadio Gassama. Sans oublier les fortes délégations qui les accompagnaient. Une présence fortement appréciée par le ministre Hamane Niang: «C’est un symbole fort et cela dénote de l’importance que les membres du gouvernement et les nombreuses personnalités de notre pays accordent à la culture».
Faisant un grand bond dans l’histoire, le ministre de la Culture a noté que «Tombouctou, la mystérieuse, est d’une renommée qui a traversé les âges et les frontières». Il citera, à cet effet, plusieurs symboles de la Cité des 333 Saints, tels que la Mosquée de Djingarèyber, celles de Sankoré et Sidi Yehia ainsi que des manuscrits «d’une valeur exceptionnelle».
Pour Hamane Niang, les liens complexes et étroits que Tombouctou entretient avec son voisinage, immédiat et lointain, tels qu’avec la Cité d’Essakane, Tacoubao, combinés avec la culture et la musique du terroir, suscitent chez le voyageur une curiosité diffuse. Curiosité qui, toujours selon lui, se transforme en attachement viscéral.
Restons encore dans cette histoire, qui nous apprend que le Festival au Désert est conçu dans la plus pure tradition des gens du désert, qui organisaient, après les fêtes de Ramadan et de Tabaski, des manifestations grandioses. On les appelait Takoubelt dans la région de Kidal ou encore Temakannit du côté de Tombouctou.Il faut retenir que dorénavant, le site historique de Tacoubao est inscrit dans au Patrimoine culturel national.
Bono, leader du groupe U2:
«La musique est plus forte que les armes»
Pendant 12 ans, le Festival au Désert a vu défiler une kyrielle de têtes d’affiches, comme feu Ali Farka Touré, Oumou Sangaré, Habib Koité, Tartit, Tinariwen, Aicha Mint Chingualy, Tidwat et Tabiat, Blackfire et Marcus… Cette année, c’est une mégastar du rock anglais qui est venue rehausser de sa présence cette manifestation culturelle. Mister Bono a encore séduit. Non pas par sa pointure, mais plutôt par sa simplicité et, surtout, sa bravoure. A l’aéroport de Tombouctou, où il a débarqué à bord de son jet privé, un membre de son staff n’a pas manqué de nous affirmer qu’il brûlait d’envie de s’exprimer sur les dunes de Tombouctou. Et le vendredi soir, comme la neige en été, il a fait son apparition aux côtés des Tinariwen et de Bassékou Kouyaté. Pendant une bonne dizaine de minutes, le trio a fait bouger la foule. Mais Bono a su rester toujours en retrait. Lançant, par moment, des éloges à la musique malienne et répétant, en français, une phrase qui restera certainement dans les annales du Festival: «le pouvoir de la musique est plus fort que les armes»
Pendant soixante-douze heures, la grande scène du Festival n’a pas chômé. Des artistes nationaux, comme Abdoulaye Diabaté, Bassékou Kouyaté, Oumar Konaté, Khaira Arby, Habib Koité, Afel Bocoum ont agrémenté la fête. Des groupes musicaux du Mali, comme Tinariwen, Amanar et Tribute to Ali Farka Touré étaient également présents. Atrin Assouf et Hasso, Noura Mint Seymali et Seddoum Ehl Eida, Mamar Kassey, Koudédé, Bibi, Goumou, Tartit et Imarhane, pour ne citer que ceux-ci, sont eux aussi venus du Niger, de France, de Mauritanie et d’Italie.
Nul doute que le message fort du gouvernement, qui a consisté à ne pas donner raison à ceux qui se livrent au banditisme transfrontalier et à toutes sortes de trafics, ne peut que continuer à passer. Car, juste au moment au nous mettions sous presse, la Cité de 333 Saints s’apprêtait à accueillir en grande pompe Mme le Premier ministre (Nous y reviendrons largement dans notre prochaine édition).
Paul Mben, envoyé spécial
Many Ansar, Directeur du Festival au Désert:
«En 12 ans, nous n’avons jamais reçu de menaces d’Al Quaida»
Face à la presse nationale et internationale, dans la matinée du vendredi 13 janvier dernier, Many Ansar, le Directeur du Festival au Désert, a écarté les soi-disant menaces qui pesaient sur la fête, relayées par certains médias occidentaux.
L’atmosphère était bon enfant et même, souvent, déconcertante. Mais certaines questions posées par des confrères occidentaux exigeaient du sérieux. Comme celles supposant que le festival allait à l’encontre des principes de l’Islam ou encore parlant de représailles éventuelles d’Al Quaida. «Nous sommes dans la première ville musulmane d’Afrique Occidentale. La tradition musulmane de Tombouctou est reconnue partout dans le monde. Si les érudits de la ville n’ont jamais vu d’un mauvais œil cette fête de la culture, je ne vois pas comment une personne extérieure pourrait donner un avis favorable ou défavorable sur cette manifestation», a-t-il indiqué. Avant de s’attaquer au sujet AQMI : «Depuis 12 ans que le festival se tient, nous n’avons jamais eu ni de contact ni un message, encore moins des menaces, d’Al Quaida. Nous savons, par contre, que l’organisation s’attaque aux Occidentaux. C’est pourquoi je voudrais souligner que ce festival est celui des Maliens et, surtout, celui de Tombouctou. Il est en harmonie avec les autres cultures, les autres religions et les accueille toutes volontiers».
Quelques semaines avant la ligne droite qui menait au Festival, la localité de Hombori et la ville de Tombouctou avaient connu des événements tragiques, notamment l’enlèvement d’Occidentaux, dont un est mort. Sur ce point, Many a affirmé «le Comité d’organisation était perplexe». A en croire ses propos, les plus hautes autorités du Mali a exhorté ce Comité à «continuer, car arrêter serait mettre fin aux espoirs des populations et, plus grave, donner raison à ceux qui se livrent à des actes ignobles». Quant au plan sécuritaire, Many a affirmé que le gouvernement «en avait fait son affaire».
D’autres aspects ont meublé cette conférence de presse, à savoir les difficultés liées à l’acheminement de la logistique sur le site et le nombre des participants occidentaux qui a baissé par rapport à la précédente édition. «Cela nous pousse à organiser la fête avec peu de moyens», a-t-il ajouté.
On retiendra aussi que, parmi les quatre groupes d’Occidentaux qui sont à Tombouctou, deux sont financés par leurs gouvernements. Les deux autres sont là à leurs propres frais.
Paul Mben