Sortante de la Faculté des lettres et sciences du langage (Flsl) section lettres modernes et de l’Ecole normale supérieure (ENsup), Djénéba Fotigui Traoré est Professeur de lettres à l’Institut de formation des maitres (IFM) de Koutiala. Elle est aujourd’hui une écrivaine connue pour avoir remporté le prix du “Premier roman” lors de la rentrée littéraire en 2017 avec son ouvrage intitulé “L’orgueil du désert” publié en 2016 chez La Sahélienne. Le roman “Les grands fromagers” est sa deuxième publication littéraire qui vient de paraitre chez le même éditeur. Nous l’avons rencontrée pour échanger autour de son dernier ouvrage, ainsi que de ses projets d’écriture.
Aujourd’hui-Mali : Bonjour, pouvez-vous nous présenter votre ouvrage “Les grands fromagers” ?
Djénéba Fotigui Traoré : “Les grands fromagers” est mon deuxième roman, après “l’orgueil du désert”. Il a été publié en 2020 par les éditions La Sahélienne. Ce roman relate l’histoire de Dabassia, qui, comme plusieurs femmes des zones rurales, est une victime muselée des us et coutumes, de l’analphabétisme et beaucoup d’autres facteurs.
Quelle explication donnez-vous à ce titre ” Les grands fromagers ” ?
Les fromagers sont des arbres typiques de la flore de l’Afrique subsaharienne. Dans notre société, le fromager est l’incarnation de la puissance, de la sagesse, de la serviabilité. Les grands fromagers désignent, par analogie, des personnes en qui on retrouve ces différentes qualités, ces différentes vertus. Dabassia l’héroïne du roman avait une amie au centre, une vieille femme rejetée par les autres qui l’a comparée à un grand fromager.
Dans votre ouvrage, vous vous êtes beaucoup attachée aux coutumes de notre terroir, pourquoi ?
Si “les grands fromagers” aborde de façon insistante les coutumes du terroir, c’est suivant l’idée d’en faire un exposé, de magnifier celles qui constituent l’un des socles de notre société et de pointer celles qui, souvent sur des bases erronées, font perdre le goût de vivre à plus d’une âme. Aussi, “Les grands fromagers” suit une héroïne née et grandie en milieu rural. Par souci de fidélité, il est impossible de parler avec justesse d’un tel personnage sans une description assez détaillée des us et coutumes. La vie au village est modelée par la tradition et ceci influence toute production sur cet univers. L’éducation, les relations sociales, les cérémonies, entre autres, sont toutes assujetties aux coutumes. C’est ainsi que ce roman traite avec minutie des us et coutumes et la tradition.
Dabassia, l’héroïne de votre livre, a quitté la campagne pour la ville. Quelles en sont les raisons ? Pouvez-vous nous parler un peu de son périple ?
Les raisons qui décident Dabassia à l’exode sont multiples. L’héroïne fuit le mépris des habitants du village, elle veut aussi échapper à la dépendance aux autres. Par ailleurs, elle perçoit la ville comme l’espoir d’une guérison, la guérison d’un mal incurable au village. Aussi s’enfuit-elle de chez elle pour le centre de prise en charge des traumatismes du post-partum, sis à la ville.
Quelle est la visée générale de votre ouvrage ?
La visée générale de ce roman est, d’une part, de décrier les milliers de condamnations arbitraires qui handicapent l’épanouissement de la femme dans notre société et d’autre part, de dénoncer l’indifférence des uns et des autres au sort des orphelins, des démunis, entre autres.
Peut-on savoir comment vous êtes devenue écrivaine ?
C’est par amour pour les lettres et par souci de militer pour les causes que je juge justes. Je ne voudrais pas reprendre mes aînés, mais il est certain qu’écrire libère l’écrivain. Je me sens moi-même lorsque je suis avec la plume. Imaginez une gorge nouée par un nœud invisible ! Eh bien, écrire m’a permis de défaire ce nœud. Je suis devenue écrivaine en voulant démêler les nœuds de ma vie de féministe convaincue.
Quel est votre genre littéraire de préférence et pourquoi ?
Je crois que la préférence d’un genre littéraire dépend de notre inspiration. Je m’intéresse pour le moment au roman. Ce genre peut-être la somme des autres genres de la littérature écrite : il est narration comme la nouvelle, il peut être aussi esthétique que la poésie, il peut argumenter à l’image de l’essai et mettre en scène autant que le théâtre.
Avez-vous des projets d’écriture ?
Oui, bien-sûr ! Je suis sur d’autres projets, mais je ne souhaite pas m’y prononcer davantage pour le moment. Je continuerai d’écrire car j’écris pour militer et écrire pour militer, c’est avoir continuellement des ambitions car les combats ne finissent jamais. Je suis de ceux qui croient fermement à la force persuasive des mots. La plume peut guider et sauver. Bien utilisée, elle est pour l’humanité ce qu’est le bâton pour le non voyant.
Réalisée par Youssouf KONE