Dédicace de «Les désillusions de Bouba» de Bréhima Touré : Quand la décadence des valeurs conduit le pays au chaos

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Ce samedi 12 mars 2016, les locaux de l’Ecole privée  Youchaou (EPY) de Kalabankoro-Nèrèkoro ont servi de cadre à la cérémonie de présentation-dédicace de «Les désillusions de Bouba». Un roman de notre confrère et ami Bréhima Touré, rédacteur en chef de l’Essor et lauréat du Prix Massa Makan Diabaté de la «Rentrée Littéraire 2016». La cérémonie a rassemblé autour de ce talentueux écrivain, des professeurs d’universités, des administrateurs, des amis et parents et surtout la grande famille de l’AMAP.

L’école est sans doute l’un des cadres appropriés pour dédicacer un livre. Et Bréhima Touré a eu le flair de choisir les locaux de l’Ecole privée  Youchaou (EPY) de Kalabankoro-Nèrèkoro pour la dédicace de son second roman, «Les désillusions de Bouba». Une œuvre d’actualité dans laquelle ce diplômé de l’Ecole normale supérieure (ENSUP) et du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) de Dakar (Sénégal) laisse s’exprimer «toute son imagination romanesque, sur fond d’actualité socio-politique».

 

La pertinence du choix du cadre a été soulignée par le promoteur de l’établissement, Youchaou Traoré, et tous les autres intervenants. L’événement a été marqué par un exposé du livre par des élèves de cette école, sous la direction de Modibo Tangara, professeur de lettres.

 

Bouba est un étudiant qui est pris, par le hasard d’un banal accident de la circulation, dans un engrenage qui le plonge dans «les méandres pervers de la société qu’il découvre au rythme des saisons de sa vie». À travers le «regard juvénile et faussement naïf» de l’étudiant, Bréhima nous fait découvrir «le portrait d’une société qui semble avoir tourné le dos aux valeurs d’honnêteté, au sens de l’intérêt général, au risque de sombrer dans ses propres turpitudes».

L’exposé des élèves met en évidence quatre thèmes. À commencer par le pouvoir qui est au cœur de toutes les convoitises et qui est rarement utilisé à bon escient. Corruption, injustice, vengeance… illustrent cette conquête dans ce roman.

Dans cette œuvre, l’infidélité est aussi un thème qui a retenu l’attention des élèves d’EPY. «L’infidélité est le quotidien de nos dirigeants», déplorent-ils. Rébellion, coup d’Etat, règlements de comptes… symbolisent la violence dans «Les Désillusions de Bouba». Un roman qui conjugue aussi avec la trahison. Le décor a été superbement planté par M. Tangara et ses élèves. Et chacun qui y reconnaîtra le Mali de ces deux dernières décennies.

Le mérité de B. Touré, c’est d’avoir réussi à nous rappeler, sans passion, les causes profondes de notre décadence actuelle. Ce roman nous interpelle tous à nos responsabilités, parce que la défaillance est collective.

L’exposé a été suivi des témoignages de M. Camara (professeur de philosophie au lycée de Markala), Souleymane Drabo, Salif Berthé, Mady Samaké, Tiémoko Sangaré… Pour les uns et les autres, le journaliste-écrivain est certes timide, mais c’est un bosseur.

Pour ses professeurs et confrères, tout prédestinait Bréhima Touré à l’écriture, à la littérature. Ce diplômé de lettres est aussi l’une des plus belles plumes du pays, voire du continent, comme l’a témoigné le Doyen Souleymane Drabo de L’Essor.

«Le savoir est dans le livre», a rappelé Pr. Salif Berthé en exhortant les élèves à lire et les intellectuels à écrire. «Le savoir est une richesse qui se fructifie quand on la partage avec les autres», a souligné l’universitaire qui est lié à l’auteur par une «complicité» de longue date. Salif, le «père spirituel», a été professeur et directeur de mémoire de son protégé, Bréhima. Et depuis, les deux intellectuels sont liés par une grande amitié et se vouent respect et estime mutuels. «Chaque fois que j’ai pris un virage, j’ai trouvé Salif Berthé au carrefour pour m’indiquer le chemin à suivre», a avoué Touré justifiant son attachement à celui qui l’a sans doute poussé vers le journalisme et qui lui a ouvert les portes de Les Echos dont il (Salif Berthé) fut directeur de publication.Brillant journaliste, écrivain talentueux et communicateur clairvoyant

C’est aussi sur les conseils de ce linguiste, qui a été Recteur de l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako, que le Pr. Tiémoko Sangaré a choisi le journaliste comme responsable de sa communication au ministère de l’Environnement et de l’Assainissement.

«C’est avec notre passage que l’environnement est sorti de l’ombre et a pris de l’importance aux yeux des Maliens… Il est devenu une préoccupation nationale. Cela grâce à la stratégie de communication élaborée par Bréhima Touré», a témoigné l’ancien ministre et aujourd’hui président du parti ADEMA.

Pour le professeur d’université, très ironique, «Les désillusions de Bouba» illustrent bien «cette société en perte de vitesse et de valeur. Une société où l’ignorance progresse car il faut être ignorant pour être respecté, écouté, adulé».

Le ministre Sangaré a exhorté les élèves à la persévérance et au travail pour mieux apprendre. «On peut tricher pour avoir un diplôme, mais pas pour avoir la connaissance», a-t-il conclu.

Les intervenants n’ont pas non plus caché leur «fierté de témoigner en faveur de Bréhima» et leur conviction que «le meilleur est à venir» pour ce jeune écrivain réputé non seulement pour ses qualités professionnelles, mais aussi pour «sa fidélité dans l’amitié, dans les relations socioprofessionnelles».

Votre serviteur est bien placé pour le savoir parce que B. Touré a été notre logeur quand nous sommes arrivés pour la première à Dakar (Sénégal) pour le CESTI. Avant de trouver des chambres en location, le regretté Youssouf Kéïta et moi avons été hébergés et nourris par l’auteur et Mahamadou Gnissama.

Mieux, Bréhima fait partie de ceux qui ont dirigé nos premiers pas de stagiaire au Les Echos avant d’être notre confrère quelques années plus tard dans le même journal. Avec le regretté Aboubacar Salif Diarra, il nous a introduits dans le journalisme sportif.

Avec B. Touré, nous avons aussi vécu la courte mais passionnante aventure du  bihebdomadaire Le Reflet ! Nos chemins se sont ensuite séparés, car l’enfant de Niono avait intégré la Fonction publique et l’AMAP. N’empêche que cet homme modeste et humble demeure toujours une référence et un conseiller pour votre serviteur qui espère aussi le trouver à tous les «carrefours» de sa vie pour le guider.

Répondant aux questions des élèves qui ont fait un brillant exposé de son œuvre, B. Touré a assuré avoir débuté l’écriture de ce roman en 2011. «Les prémices de la crise qui a débuté en 2012 étaient déjà perceptibles», assure-t-il.

«Après le coup d’État de 2012, tout s’est effondré. C’était la fin de nos illusions et de tout ce que nous croyions solides, nos institutions, nos valeurs», explique l’auteur pour justifier sa vision littéraire qui a abouti à cette œuvre déjà bien accueillie par la critique. En effet, le roman lui a valu le Prix «Massa Makan Diabaté» à la Rentrée littéraire 2016.

Comme beaucoup d’entre nous, le journaliste/écrivain ne comprend pas qu’après avoir frôlé le chaos entre janvier 2012 et septembre 2013, nous ayons repris avec les mêmes comportements, les mêmes attitudes qui nous y avaient conduits. Son espoir, c’est la jeunesse. Une jeunesse qui doit savoir que son avenir et son bonheur sont dans «le travail bien fait». À commencer par l’école, pour bien se former.

Ce roman est le second de Bréhima Touré, après «La Limite des grands maîtres», paru en 2010. C’est l’histoire de trois «Maîtres» (Samba, Moussa et Sériba) qui connaissent une fin peu enviable.

Avec «Les désillusions de Bouba», Bréhima prouve qu’il a l’étoffe d’un grand écrivain. Et le Ciwara offert par l’Ecole privée Youchaou est une exhortation à surprendre toujours le lectorat par des chefs-d’œuvres !

Moussa BOLLY

 

NB : «Les désillusions de Bouba» (Roman, Prix Massa Makan Diabaté de la Rentrée Littéraire 2016), Editions Harmattan/Mali.

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