Crise sociopolitique au Mali : Les artistes se mobilisent pour la paix

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La symbolique était forte ce samedi, et le coup a réussi.  D’une seule voix, ils ont été une dizaine d’artistes et de troupes à chanter pour le retour de la paix dans les régions du Nord et le renforcement de l’unité nationale.

 

« Les artistes du Mali exhortent tous les Maliens à une synergie d’actions citoyennes pour accompagner la phase de transition que nous attendons. Nous lançons un appel pressant à la classe politique malienne, à la société civile et à toutes les forces vives de la nation, à privilégier le dialogue, la concertation pour l’intérêt supérieur du Mali ». C’est en ces termes que la présidente malienne de l’organisation « Artistes du monde » nous exprime sa préoccupation face à la situation sécuritaire qui prévaut dans le Nord de notre pays depuis le 17 janvier dernier. Selon Amsétou Sanogo, la culture malienne et les artistes constituent l’une des  principales victimes de cette crise.

Conscients du rôle qu’ils jouent dans la stabilité et la cohésion sociale, les artistes ont lancé ce samedi 14 avril un appel à la paix au Centre international de conférence de Bamako. C’était à la faveur d’un concert organisé par « Artistes du monde » en partenariat avec l’Institut Français, la radio « Klédu », l’Office de radio télévision du Mali (ORTM), etc.

« Nous voulons la paix »

Pour le spectacle de ce samedi, plusieurs grosses pointures de la musique malienne étaient au rendez-vous. Il s’agit, entre autres, des troupes pluridisciplinaires Babemba, Soninké, Nahawa Doumbia, Michel Kaniba Traoré, Dio Dama du groupe Tata-Pound, Penzy, Habib Koïté, etc.

Face à leur public, ces ambassadeurs de la paix ont invité les différentes parties à déposer les armes et à se retrouver sur la table de négociations. Le décor aux couleurs nationales présenté par le podium et le jet de colombes par la troupe chorégraphique de « Artistes du monde » avaient toute leur symbolique.

Cette initiative des artistes du Mali nous rappelle ainsi la prestation de la chanteuse de Tombouctou Haïra Harby au dernier Festival sur le Niger, où l’artiste a chanté pour l’unité et la fraternité entre les régions du Mali.  Sans doute, les prestations d’autres artistes non moins écoutés chez les décideurs politiques (comme Hahawa Doumbia et Habib Koïté), seront d’un grand apport dans le processus de recherche de la paix dans le Nord de notre pays. En Côte d’Ivoire voisine, on se rappelle du rôle qu’ont joué les artistes comme Tiken Jah Fakoly, Alpha Blondy, Adama Dahico (comédien),  dans la réconciliation nationale. Et ce samedi au CICB, le message de Habib Koïté était clair : « le Mali ne mérite pas cette situation de guerre. Il faut que nous retrouvions la paix qu’on nous connait ». Nahawa Doumbia de prier, pour sa part, pour l’unité retrouvée entre les Maliens.

Ce concert pour la paix, initié par « Artistes du monde », intervient alors que le 7 avril dernier, la Fédération des artistes du Mali (Fedama), tenait un meeting d’appel à l’unité. C’est sous cette tribune que des artistes comme Oumou Sangaré, Thialaye Harby, Yoro Diallo, le réalisateur Salif Traoré, la comédienne Maïmouna Hélène Diarra, etc. ont exprimé toute leur compassion à la douleur des populations du Nord. « Nous chantons pour nos fans. Nous les faisons danser, et les faisons rire dans nos pièces de théâtre. S’il n’y pas d’entente et de paix, notre mission est de nous mobiliser », expliquait le secrétaire général de la Fedama, Modibo Konaté. Qui manifeste sa préoccupation face à la menace sur le patrimoine culturel du Nord, notamment à Tombouctou inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

Issa Fakaba Sissoko


‘”Artistes du monde “

La création artistique en débats

 Les conférenciers sont formels quant au rôle de la diversité artistique dans le renforcement de la cohésion et de l’unité nationale.

L’initiative des « Artistes du monde » d’organiser un concert en faveur de la paix intervient quelques heures après la conférence débats organisée ce jeudi 12 avril à l’Institut Français sur « Histoire du peuplement du Mali » et « Créations artistiques dans le contexte de la pluralité culturelle du Mali ». Elle était animée par le Pr. Dénis Dougnon de l’Université de Bamako, le chorégraphe Kardjiguè Laïco Traoré, le chanteur Seyba Lamine Sissoko et Mme Touré Fatou Sacko, attachée de recherche au Musée national de Bamako.

Dans son approche sur la thématique de « l’histoire du peuplement du Mali », Denis Dougnon a abordé le problème sous forme de questionnement. Selon lui, cette démarche permet à chacun de s’interroger sur le Mali, son peuplement et ses origines.

Pour sa part, Mme Touré Fatou Sacko, a invité l’auditoire à un voyage à travers le Mali, en surfant sur les différentes aires culturelles du pays. L’attachée de recherche au Musée national de Bamako a ainsi mis en exergue les genres musicaux traditionnels à l’aune des instruments usités. Selon elle, la musique reste un facteur de cohésion et d’unité entre les peuples. La diversité, dit-elle, du patrimoine musical de notre pays tient de la richesse de notre culture et pluralité des ethnies du nord au sud.

Abondant le même sens, le chanteur Seyba Lamine Sissoko a rappelé les fonctions d’un certain nombre d’instruments traditionnels qui sont aujourd’hui en voie de disparition. Pour l’artiste, les mutations et la modernisation à double vitesse en sont les principales causes.

En abordant le thème de la création artistique sous l’angle de la danse, Karidjigué Laïco Traoré  a dénoncé le fait que le Mali assiste pratiquement impuissant à la disparition d’un certain nombre de danses traditionnelles. Pour le chorégraphe, certains des instruments de musique sont des facteurs d’intégration, et les pas de danse des moyens de résolution de certains conflits. « Nous sommes riches de notre culture, et nous devons nous en servir même dans les questions politiques », a recommandé Kardjigué Lacïco Traoré.

I. F. Sissoko

 

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