Court métrage d’Assetou Koné sur l’albinisme au Mali : De la ségrégation à l’abandon

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C’est un fait de la société actuelle sur l’albinisme, des traitements ignobles, de la marginalisation et bien d’autres raisons qui ont inspiré la jeune réalisatrice et scénariste malienne Assétou KONE à signer, « La différence, une richesse ». Ce film documentaire est un court métrage d’une quinzaine de minutes. Il expose la souffrance des personnes atteintes d’albinisme, fait étalage des perceptions culturelles, cultuelles et à la foi scientifique de ce qu’on appellerait le « yéféké ».

Ils sont nombreux ceux d’entre ces albinos à perdre goût à la vie du fait de la marginalisation. Du mépris, au dégoût, passant par un traitement inhumain, certain ne reculent devant rien pour mettre une barrière entre eux et les albinos. Ont-ils choisi de l’être ? Ou est-ce une fatalité que d’être ce type d’être humain qui n’est que le choix de la nature ?

C’est pour trouver une réponse à ces questions que la jeune réalisatrice, touchée par les témoignages de ses jeunes cousins Albinos, tente de briser cette barrière à travers ce film « ce documentaire ambitionne d’établir un certain éclairci et de discernement. Notamment, établir une vérité scientifique aux problèmes des personnes atteintes d’albinisme », avance la réalisatrice.

Le film est bien agencé et la trame de l’histoire facilite sa compréhension, avec une variété de plans (gros plans, plans d’ensemble, traveling, panorama…) insistant le plus souvent sur les détails. Il est cohérent et, à le regarder on sent qu’il a fait l’objet d’une mûre réflexion pour sortir un produit purement artistique. Le choix des plans, de l’angle, du paysage et surtout la trame de l’histoire n’émanent pas d’un fait hasardeux.

En trois parties le film émeut

D’abord, une partie obscure qui fait le cumul de toutes les souffrances que ses personnes ont subies. Le début du film en noir, annonce l’entrée d’une jeune fille en larmes sous des gouttes de pluie au rythme d’une musique douce. Au-delà de sa souffrance se cache une annonce d’une vie meilleure qui viendrait à la même vitesse et au même rythme que les gouttes de pluie. La séquence au bord du fleuve vers le crépuscule annonce la nuit sous un arrière-plan montrant des mouvements incessants au large du pont. Autant de symboles qui laissent voir la touche artistique de la réalisatrice. Il y a en effet une grande richesse dans notre différence, c’est ce qui donne de l’éclat à la vie et est source de beauté. Ainsi disait Amadou Hampaté Ba « La beauté d’un tapis provient de la variété de ses couleurs ».

Ensuite, le film nous plonge dans une zone de confrontation entre les perceptions d’un point de vue culturel et d’un point de vue scientifique de l’albinisme.  Nous demandant par-là de choisir un camp.  De prime à bord, la réalisatrice cherche à être juste et n’omet aucune explication, qu’elle soit religieuse, profane ou scientifique dans le seul et unique souci de faire la lumière sur le sujet.

Enfin, les dernières séquences sortent du grand enclos de la résignation et des plaintes. Après le fait du repli sur soi, de la dénonciation des injustices, place à l’acceptation de soi et un sentiment de fierté du fait d’être un albinos. Ce handicap se traduit en une force et une chance qui a fait émerger certains et devient l’objet de reconnaissance de toute une nation acceptant cette élite au-delà du verbe mais dans les textes.

Une simplicité parlante, une touche artistique laissant des idées entre les lignes sont autant de points qui marquent ce film. Une vague de tristesse et de pitié frappera tout visage qui verra ce film. Ce documentaire met à nu des perceptions construites autour d’un imaginaire lié à la couleur rouge. L’albinos doit-il être associé à cet imaginaire ? Ou de voir en cela un fait naturel qui doit être accepté de tous et par tous si nous tenons à rester en harmonie ? L’un ou l’autre choix, ce film renferme dans le fond plus qu’il ne laisse percevoir par la forme.

Zakariahou ALHOUSSEINI

Notre Voie

 

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