Le message de Ségou sur la construction d’un Etat confédéral est clair : l’avenir de la Confédération des Etats du Sahel (AES) passe par la culture, l’éducation et l’adhésion populaire. Et au ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération internationale de promettre que le message sera entendu.
Les chefs d’Etat du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont pris la décision d’entamer un processus de construction d’une Confédération des Etats du Sahel (AES). Un tel projet ambitieux implique d’importantes réformes dans plusieurs secteurs, notamment l’économie, la gouvernance, la culture et l’éducation. Mais au-delà des aspects structurels, la réussite de cette initiative repose sur une transformation profonde des mentalités, passant par une véritable décolonisation des esprits au sein des populations concernées.
Conscients de cette nécessité, les organisateurs de la première édition de la Semaine de la Fraternité de l’AES qui a eu lieu à Ségou, en même temps que les activités de la 21ème édition de Ségou’Art/Festival sur le Niger, ont inscrit dans leur programme un colloque intitulé « Construction d’un Etat confédéral : Enjeux et perspectives ».
L’objectif de cette rencontre était de ramener le débat au plus près des citoyens afin d’encourager une appropriation collective du concept d’Etat confédéral et d’impliquer toutes les couches sociales dans la réflexion.
Le débat, organisé le 7 février 2025, s’est tenu au Centre Culturel Kôrè et a réuni plusieurs panélistes de renom : Maky Garba du Niger, Fodé Moussa Sidibé, Pr. Ismael Maiga (Mali), Pr. Amadou Mandé du Burkina, Dr Balla Coulibaly, Mama Ibrahim du Niger. Parmi les invités d’honneur figurait Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali.
Les échanges ont rapidement pris une tournure pragmatique, mettant en avant le rôle essentiel de la culture dans la prise de conscience collective et la consolidation d’une identité commune. Face aux enjeux multiples que soulève la construction d’un Etat confédéral, les panélistes ont adopté une approche orientée vers des solutions concrètes.
Appropriation du projet AES
Au fil des discussions, une multitude de propositions ont rapidement émergé afin de permettre aux populations de mieux comprendre et s’approprier le projet de l’AES. Ces propositions, touchant aux dimensions économique, sociale et culturelle, ont mis en lumière plusieurs recommandations essentielles. Il s’agit entre autres de : Placer la culture au centre des politiques publiques. Pour Amadou Mandé, la culture, souvent reléguée au second plan par les gouvernements successifs, doit être reconnue comme un levier stratégique du développement et de l’unité des peuples du Sahel.
Suit le renforcement de l’éducation et la sensibilisation. Sur ce plan, la mise en place de programmes éducatifs intégrant l’histoire et les valeurs des peuples sahéliens a été proposée. « Elle permettra de déconstruire les schémas hérités de la colonisation et de favoriser l’émergence d’une conscience collective ».
Autre proposition, d’une intervenante, c’est de soutenir les industries culturelles et créatives. Selon un paneliste, l’investissement dans la production artistique et culturelle contribuera à diffuser les idéaux de l’AES et à renforcer l’identité commune des populations.
L’implication des citoyens à la base est parmi les fortes recommandations. « Les réformes liées à la Confédération ne doivent pas être imposées d’en haut, mais doivent venir d’en bas avec la participation active des populations locales à travers des consultations publiques et des débats citoyens », a souligné le Pr, Ismael Maiga du Mali.
De nombreux intervenants à l’image de Balla Coulibaly ont déploré le fait que la culture a toujours été considérée comme l’enfant pauvre des politiques publiques, alors qu’elle constitue un facteur déterminant dans la réussite d’un projet d’intégration régionale. Construire un Etat confédéral sans intégrer la culture comme élément central reviendrait à bâtir sur du sable, ont insisté certains participants.
Les assurances du ministre Diop
Le ministre Diop, après avoir religieusement écouté les différentes interventions et propositions, a laissé entendre que l’ambition politique des chefs d’Etat devait être un combat porté par toute la population de l’AES.
Pour lui, le plus important, c’est la décolonisation des mentalités : « Notre révolution première, c’est la révolution mentale ». A ses dires, c’est la seule alternative pour que l’Afrique revienne à elle-même. Selon le ministre, « La colonisation mentale a créé des doutes en nous. C’est pourquoi nous n’avons pas confiance en nous-mêmes ».
Se prononçant sur les recommandations formulées, le ministre a promis de les transmettre aux chefs d’Etat de l’AES. Loin de rejeter ces propositions, le patron de la diplomatie malienne a révélé qu’un groupe de travail était déjà à l’œuvre, en parfaite adéquation avec les suggestions faites dans la salle. « Beaucoup de choses sont déjà été inscrites dans les feuilles de route ».
Et de conclure que seule la culture permet d’opérer une véritable rupture.
Ce débat a ainsi ouvert la voie à une réflexion plus approfondie sur les stratégies à adopter pour faire de l’AES un projet populaire et inclusif. En mettant en avant l’importance de la culture et de la sensibilisation des populations, cet échange a posé les bases d’une véritable dynamique de transformation au sein de l’espace sahélien.
Si la construction d’un Etat confédéral au Sahel représente un défi majeur, elle offre aussi une opportunité unique de réinventer un modèle de gouvernance fondé sur les réalités culturelles, historiques et sociales des peuples de la région. La Confédération ne pourra réussir que si elle est portée par ses citoyens et ancrée dans une identité commune forte.
Ainsi, le message de Ségou est clair : l’avenir de l’AES passe par la culture, l’éducation et l’adhésion populaire. Les décideurs politiques devront en tenir compte s’ils souhaitent bâtir un projet viable et durable.
A S.