Césaire au Panthéon : Sacre ou parjure ?

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Si le brillantissime poète avait travaillé sur la bible comme il sut ciseler ses vers, on aurait parlé de béatification, le Panthéon étant le salut suprême à un homme de lettres. Un martiniquais pour ce sacre ! Personne n’en aurait été plus heureux qu’André Breton, génial lui-même mais pour qui « Cahier d’un retour au pays natal était le plus grand monument lyrique de ce temps ».

Car Césaire est d’abord un Martiniquais, un insulaire. Peut-être même une île qui, au fil du mot et au creux de la colère, se détacha de la métropole. Celle qui au lieu des blessures infligées ne travailla qu’à la plus-value des champs de canne. C’est ce procureur des négriers qu’on transplante aujourd’hui du lieu du crime dont il a fini par tomber amoureux, syndrome de Stockholm avant la lettre, au caveau de la gratitude posthume, dans le sillage du discours de Dakar sur l’immobilisme de l’Afrique. Et entre les flammes de Tripoli et d’Abidjan pilonnée par l’aviation française, même au nom du devoir d’ingérence humanitaire.

Pire, le retour de Césaire ne se fait pas vers le pays natal mais dans l’autre sens, vers la mère infanticide. L’onction a forcément le goût de l’injure pour un poète en éruption permanente et en insurrection totale. Mais, Césaire n’en a jamais voulu à la France intégrale. Il n’a décrié que l’ordre du non droit et de la canonnière. Son avertissement « haïr c’est déjà dépendre » vaut déclaration universelle d’amour. Et souffrance solidaire partout où est le sanglot.

Au finish, le volcan est une offre de rire et de sereine plénitude ainsi que déclarées dans Moi laminaire au soir du long combat : la tache de beauté fait ici sa tâche/elle sonne somme exige l’obscur déjà/et que la fête soit refaite/et que rayonne justice/. Donc la violence de ses mots est un bluff et sa révolte celle du seul méprisé. Il est un certaine France qu’il vit et respecte : la France des idées généreuses et du grand élan. La France du carrefour et du pollen, saluée le chapeau bien pas à travers cet aveu : « l’Europe m’a apporté l’Afrique » et le rapport à l’Afrique lui a permis de faire ce qu’il nomme lui-même « le bilan de ma quête ». Césaire dépasse donc le procès, du moins l’instruction.

Le verdict une fois prononcée est un prétexte pour aller à l’Autre. D’où ce conseil : Si on crie pas : ” Mort ! ” à ce cri de ” Mort aux Blancs“, c’est d’une autre pauvreté qu’il s’agit/. Césaire au Panthéon, c’est donc rendre à Césaire ce qui lui appartient. Certes son combat était bien plus humble, bien plus simple et il l’a dit. Il voulait simplement : « prendre dans le creux du plaisir/ les assauts de vocables tous abords fumants/ pour fêter la naissance de l’héritier mâle/. Puisqu’on ne peut pas dire ça comme ça et puis être mort, alors ce que la France lui apporte aujourd’hui, ce n’est qu’un peu plus d’éternité.

Adam Thiam

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