Bògò ja à Siby : Un festival pour la décoration des cases

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Les festivals se suivent mais ne se ressemblent pas,  heureusement. Les 4, 5 et 6 avril derniers, Siby a abrité la première édition du festival Bògò ja. Outre le concours de décorations de cases avec 225 postulantes, les populations de la contrée se sont délectées des prestations de vedettes de la musique malienne et guinéenne.              

 

                                        

Voici que la promotion d’une pratique traditionnelle artistique contribue à l’assainissement de notre milieu. Siby, à une quarantaine de minutes de la capitale -sur la route bitumée menant en Guinée- est une destination touristique empreinte d’histoire et de charme. À sa renommée de productrice agricole et de site de revalorisation du cauris africain, la commune rurale ajoute un nouvel arc (pour ne pas parler du légendaire Arc de Kamadjan). C’est une expérience des plus originales vécue les 4, 5 et 6  avril derniers. Ainsi, il est revenu aux mères de familles de maintenir leurs habitudes de décoration des constructions en terre. Le franco-malien Germain Angeli dit Coulibaly maîtrise quelques phrases du dialecte local.  Originaire du sud ouest de la France, il s’est établi à Siby il y a quinze ans. Il y a ouvert «Bougou saba» (les trois cases), niché entre de grands manguiers et un terrain vague. C’est un centre d’échanges culturels recevant habituellement des artistes européens pour un court séjour. «Bougou saba» est un site dédié aux ateliers de composition ou de confection  et comprend au moins un espace d’exposition de tableaux et de produits de la transformation de fruits et légumes. Le promoteur est passionné d’art traditionnel en général et de terre cuite en particulier. Ici, un peu comme dans son pays d’origine, la terre est essentielle pour le logement de l’Homme et les femmes s’emploient particulièrement au maintien en l’état du logis («l’architecture vernaculaire» nous dit-il).

Mangue et karité

À Siby, Germain -comme tous l’appellent- découvre la détermination des paysannes qui, quand elles ne sont pas courbées dans les champs, sont occupées à la cueillette du karité ou des mangues ; sinon en guise de loisirs elles se consacrent à la décoration de la case («architecture populaire»). Pourquoi  donc ne pas encourager les braves dames, formaliser et perpétuer la pratique ? L’idée d’un festival germe. Germain  partage la trouvaille avec des amis dont son voisin Karl (le plasticien Senou Fofana dont le domicile  est distant de quelques arbres du ‘’Bougou saba’’) et plusieurs autres bonnes volontés. Pourquoi ne pas en faire une compétition d’embellissement de façades de maisonnées mais aussi des murs de clôture et des greniers qu’on appelle ici «boundown» («jiginè» en bambara) ?  Pourquoi ne pas baptiser l’événement «Bogo Ja» (décoration par terre cuite) ? On évalue sommairement ; rien que pour les récompenses. Il faudrait au moins 500 mille francs !? Les inquiétudes ne manquent pas. Mais la volonté est plus forte. En octobre 2014, on débute les préparatifs. Germain et ses copains vont à la recherche de mécènes. Les organisateurs n’ont pas grande expérience. Siby abrite déjà annuellement en décembre un festival international des cauris ; facteur défavorisant ou non ? Une fée va  peut-être apparaître

Arts plastiques et tradition

Grâce à l’ancienne ministre Sy Kadiatou Sow plusieurs portes vont s’ouvrirent  aux promoteurs. C’est heureux, dès que les promoteurs ont fait connaître l’idée par les principales ciblées, ils sont surpris par le nombre de candidatures au concours  (alors que les initiateurs s’attendaient à 20 ou un maximum de 50 postulantes), il y a eu 300 inscrites parmi lesquelles 225  ont effectivement réalisé des œuvres. Depuis le début de confection des œuvres en janvier, des photographes se sont mis à arpenter régulièrement les ruelles pour en saisir des images. Les alentours des «portraits» sont particulièrement assainis. Des photos qui vont s’avérer très utiles pour les membres du jury présidé par une jeune architecte malienne formée en France (faute de cela, il leur faudrait plusieurs jours pour voir les 225 ouvrages disséminés à travers les quatre quartiers). Les postulantes ont fait preuve de créativité ; les ouvrages sont tantôt des  fresques figuratives, des  motifs géométriques, des animaux ou des objets usuels ou encore des scènes de vie quotidienne. Là où cela est nécessaire des couleurs ont été ressorties soit avec de l’argile soit avec de la terre cuite. Des couleurs tellement attirantes qu’on se demande si elles sont toutes naturelles. Aucune crainte : le règlement du concours est formel. Senou Fofana, qui a plusieurs expositions d’arts plastiques à son actif, nous explique que la terre recèle des couches superposées et que de ses différents pigments, on obtient par exemple du jaune ocre (qui tire vers le brun), de l’argile blanche ou de l’argile verte. Par exemple «il y a plusieurs types de  blanc à Karan (village à quelques kilomètres) les orpailleurs y ont creusé de nombreux trous». Ce qui est incroyable, c’est que ce blanc découle en fait du gris.

Du matériel d’assainissement comme prix

Le jury a eu du pain sur la planche. Mais a finalement sélectionné les 22 meilleures propositions. Les auteures ne sont pas seulement douées, en plus elles sont élues par la providence (tirées au sort par des fillettes pour déterminer le classement. C’est la trouvaille du comité d’organisation pour ne pas démoraliser une quelconque participante). Dans la catégorie décorations de maison, c’est Alima Camara, une jeune fille de Djissoumana, qui sera récompensée ; le plus beau grenier est celui de Fatoumata Sidibé, souriante mère qui arrive de Djincoro avec un bébé au dos. Le premier prix pour la décoration de mur est enlevé par Founè Traoré de Sabacoro. Elles sont gratifiées de barriques de 200 litres, de pousse-pousse (diable), de savons etc. Quant à la jeunesse de Siby, le comité d’organisation lui fait don   de trois brouettes pour l’assainissement de la commune rurale.

Couleurs du Mandé Bogo

L’histoire de l’espace géoculturel Mandé est marquée par les rivalités du  grand chef guerrier Soumangourou Kanté, ennemi irréductible de Soundiata Keita, roi du mandé. À travers la mise en scène du ballet national du Mali, le griot Balla Fasséké Kouyaté rappelle que par force de patriotisme et d’orgueil, le jeune Soundiata, d’abord perclus, arrivera  ensuite à surmonter son handicap et à sauver son peuple. Ici, c’est un passé historique partagé par plusieurs générations. Cette représentation a précédé le second concert. Comme si les décorations de maisons ne suffisaient pas pour donner un aspect populaire aux journées, les promoteurs bien  inspirés ont-en fait-programmés  deux concerts tout aussi géants que gratuits. Les habitants de la contrée ont afflué pour apprécier

-pour ne citer qu’eux- le groupe Mandé Coulou encadré par «Bougou Saba», Tonton Idriss le chouchou des enfants, Naba qui a encore du chemin à faire pour se rapprocher de son aînée la guitariste chanteuse Rokia Traoré («nyèji sousa finini»), la compagnie de danse Gnagamix et After Dj Collectif Yeta. Grands moments de communion. Siby n’a pas encore dit son dernier mot.

Moïse TRAORE 

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