BLONBA : L’insubmersible

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blonba bamako
Le blonba bamako

La renaissance de BlonBa et du théâtre malien ? Cela peut paraitre utopique mais c’est loin d’être le cas car les choses bougent et ce grâce à l’obstination de deux hommes : Alioune Ifra N’diaye, grand opérateur culturel malien qui n’est plus à présenter et un Français, Jean Louis Sagot-Duvauroux, qui a mis les pieds dans notre pays il y a plus de quarante ans, parle le bamanankan et un peu le sonrai et qu’on peut qualifier de ‘’Malien de cœur’’.

En effet, l’aventure commence en 1998, avec la mise en place d’une compagnie théâtrale dont les créations bénéficient d’emblée de tournées internationales, puis avec l’installation en 2004 d’une salle de spectacle, le ‘’Blonba’’ qui en un laps de temps devient un lieu de culture et de divertissement incontournable dans la capitale malienne.

Cependant, plus qu’un lieu de divertissement, BlonBa est une entreprise culturelle polyvalente – audiovisuel, événementiels, théâtre, musique – qui fait la part belle à la création théâtrale. Après quinze années d’existence, le résultat est assez éloquent. Plus de dix-huit spectacles de théâtres ont été produits ou coproduits par BlonBa avec des bénéfices non négligeables pour le Mali. Quinze de ces productions ont en effet pu bénéficier d’une diffusion internationale et cinq d’entre elles disposent d’une captation audiovisuelle de qualité, ce qui a donné lieu à des diffusions multiples sur TV5 ou d’autres chaines francophones et africaines portant ainsi la voix du Mali auprès de millions de spectateurs et de téléspectateurs.

Par ailleurs, BlonBa a permis l’emploi d’une cinquantaine de comédiens et danseurs, d’une vingtaine de professionnels de la lumière, du son, de la vidéo ou de l’administration de spectacle, donnant ainsi à des jeunes Maliens leur chance de vivre honnêtement du fruit de leur travail et de se faire respecter.

Toutefois, ce bilan qui fait de BlonBa un cas unique dans la vie théâtrale de l’Afrique francophone ne doit pas nous faire oublier les difficultés auxquelles est confrontée cette structure culturelle incontournable. Difficultés qui ont d’ailleurs eu raison de la salle qui a fermé en 2012.

En effet, la culture malienne en général souffre d’un manque d’accompagnement des autorités et ce depuis belle lurette. Ainsi, pendant que les pays comme le Burkina Faso avec le FESPACO ou encore le Nigéria avec l’industrie du cinéma ‘’NOLLYWOOD’’ se sont dotés de politiques culturelles adéquates, rien de vraiment concret n’est entrepris au Mali qui pourtant regorge de nombreux atouts dans ce domaine à l’image des traditions du kotèba et du maana que BlonBa s’évertue à valoriser. Et plus dommageable, les créations qui ont pourtant un succès auprès des populations locales et mêmes dans plusieurs pays ne sont pas diffusées sur la chaine nationale.

Actuellement la compagnie BlonBa est en tournée avec le  spectacle Tanyinibougou (en bamanan), accompagné de débats citoyens, dans 160 villages des régions de Ségou, de Mopti et de Kayes. Des dizaines de milliers de personnes vont être touchées. Autre moment important, la tournée de Ala tè sunogo en France du 6 mars au 7 avril, dans le cadre de l’initiative “Les Afriques à Paris”, en duo avec Songo la rencontre, un spectacle centrafricain du centre Linga Tèrè (Bangui). BlonBa et Linga Tèrè ont perdu leur salle dans la tourmente qui a traversé les deux pays. En plus de ce mois de représentations parisiennes se tiendra au Théâtre de la Ville (une des plus prestigieuses salles de la capitale française) un concert de solidarité avec les deux structures pour la reconstruction de leurs salles respectives. On y attend des artistes de renom, comme Youssou Ndour, Ray Lema, Lokua Kanza et bien d’autres. La présidente de la République centrafricaine, Mme Samba-Panza a annoncé sa présence si son emploi du temps le lui permet et apporte son haut patronage à cette belle initiative de solidarité artistique. Ala tè sunogo devrait être présenté aux spectateurs maliens en avril, au palais de la Culture.

Plus fort que mon père, un spectacle théâtral et musical autour du personnage du rappeur Ramsès, a connu un vif succès en France en novembre et décembre dernier, puis a obtenu le prix du festival Casamance en scène, dans la même période. Enthousiaste, le directeur de l’Institut français de Dakar l’a programmé en avril dans la capitale sénégalaise et à Saint-Louis. Une tournée scolaire et universitaire est envisagée à Bamako entre octobre et décembre.

Même si les créations de BlonBa sont aujourd’hui celles qui circulent le plus, cette structure culturelle a choisi d’apporter son concours à des initiatives qui ne dépendent pas d’elle, afin de combattre la nyangoya et la jalousie qui font tant de mal à tous ceux qui entreprennent au Mali. BlonBa est très impliqué dans Tête d’or, une production de la Manufacture Cie de Jean Claude Fall. Ce spectacle a attiré près de mille spectateurs dans les jardins du palais de la Culture, en début février. L’originalité de la mise en scène, avec une déambulation en trois lieux différents, la qualité d’un texte écrit par un auteur français à la fin du XIXe siècle, mais incroyablement proche des réalités de la crise malienne, l’engagement époustouflant des comédiens a emporté l’adhésion du public.

BlonBa participe aussi au collectif Kotèso, qui réunit de nombreux acteurs de la vie artistique du Mali décidés à proposer un vrai projet de développement culturel. Coordonné par le Mouvement pour la culture et l’excellence, qui réunit de jeunes étudiants très engagés, le collectif Kotèso va se constituer autour d’un événement original, le Balaba-Bamada, un concours de danses urbaines auquel participeront les meilleurs groupes de la capitale et qui sera l’occasion de présenter à la jeunesse une vingtaine de prestations artistiques dans tous les domaines du spectacle vivant : théâtre, musique, rap, marionnettes, mode, danse contemporaine, humour… Le dernier samedi de février et les deux premiers samedis de mars sur les rives du fleuve Niger, au Palais de la culture.

Les artistes et les techniciens de BlonBa vont également se joindre au Kotèko, festival organisé en avril prochain par l’acteur et metteur en scène Adama Bagayoko. Depuis 1982,  Kotèko se tient dans le village de Gorogodji après les récoltes au  mois d’avril avec la participation de quatre autres villages (Point G, Tilékoumouni, Djanéguébougou et Sonytjéni). Le kotèko c’est  la fête de Kotèba à la quelle tous les villages apportent leur cultures de danses, masques et marionnettes traditionnelles. Et depuis l’année passée Blonba accompagne ce festival, assurant ainsi la jonction entre les artistes professionnels et les pratiques culturelles populaires.

C’est le lieu d’interpeller les nouvelles autorités sur l’importance de la culture dans la reconstruction du pays car elle présente beaucoup d’avantages. Comme l’explique Jean-Louis Sagot-Duvauroux, co-fondateur de BlonBa avec Alioune Ifra Ndiaye, la vie culturelle et artistique « peut permettre de lutter contre l’obscurantisme qui a voulu mettre le Mali à bas, car une vie culturelle libre et dense constitue un rempart pacifique contre la barbarie. » Il voit aussi la culture comme une pierre d’angle de la démocratie, car si l’Etat malien s’est vite effondré, « c’est parce qu’en dépit d’avancées démocratiques certaines, il était affaibli par son impuissance à représenter efficacement l’intérêt général ». Face à cette situation, « la  vie culturelle, le théâtre notamment ont été parmi les rares espaces de critique citoyenne fiables et reconnus ». De plus, selon M. Duvauroux, la culture permet de « reconstruire l’image de soi », de construire « un imaginaire commun pour se comprendre, pour se rassembler, pour agir ensemble, car aujourd’hui beaucoup de ce qui constituait cet imaginaire commun a perdu sa force. »  Et l’écrivain voit en la culture un facteur de développement économique et social. Pour preuve il faut noter que les biens culturels sont le deuxième poste d’exportations des Usa. La vie culturelle, ce sont aussi des salaires, des activités, des biens produits par l’activité humaine.

Beaucoup reste à faire pour que les autorités publiques prennent la mesure de ces enjeux et que le service public de la culture se mette réellement au service de ceux qui la font, plutôt que de chercher à en tirer profit. Mais les difficultés sont loin d’entamer la détermination de nos deux passionnés, Alioune Ifra N’diaye et Jean Louis Sagot-Duvauroux, qui croient dur comme fer au rayonnement de la culture malienne sur la scène mondiale.

D’ailleurs Alioune Ifra Ndiaye travaille depuis des mois à la mise en place d’une chaine de télévision qui entend révolutionner l’espace audiovisuel malien et qui n’est qu’un point de départ dans la mise en place d’une véritable industrie culturelle au Mali et même au-delà. Espérons que cette fois-ci, il bénéficie de l’accompagnement des autorités.

Malick KONATE

Journaliste – Animateur

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