Biennale : Les directeurs de troupes parlent au Républicain

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A la faveur de la biennale artistique et culturelle qui a demarré le samedi 20 décembre 2008 à Kayes, nous avons rencontré les directeurs artistiques des différentes troupes venues des régions et de la France. Les conditions d’hebergement, les difficultés de préparation, les ambitions et le résumé des différentes disciplines par régions, bref tous ce qui permet de vous faire une idée sur ce qui va se passer à Kayes pendant la dizaine de jours que va durer la biennale.







Bamako : Rémi Moussa Mariko : « Nous retournerons avec le trophée »

Déjà victorieux à l’édition de 2005 à Ségou, le district de Bamako est arrivé en force à Kayes. Dirigée par Rémi Moussa Mariko, la troupe de Bamako composée de 90 personnes, a placé la barre très haut lors de sa prestation à la cérémonie d’ouverture. Cette prestation traduit la volonté de Rémi Moussa Mariko qui ne cache pas l’ambition de Bamako : « nous allons retourner avec le trophée comme en 2005. Nous n’avons pas autre ambition que de nous hisser à la première place ».

Logée au lycée Dougoukolo Konaré de Kayes, la troupe de Bamako, par la voix de son directeur, estime que les conditions d’hébergement sont acceptables, même s’il regrette l’insuffisance de toilettes. Contrairement à plusieurs troupes de régions, celle de Bamako n’a eu que douze jours d’internat. Mais, le directeur est convaincu que la réduction du temps passé à l’internat n’aura aucune influence sur la qualité du spectacle et cela pour un certain nombre de raisons. Selon lui, contrairement à plusieurs autres régions, Bamako a l’avantage d’avoir une troupe permanente et un orchestre permanent qui font des répétitions deux fois par semaine.

Pour la réalisation de ses ambitions, Bamako est arrivée avec une pièce de théâtre intitulée « rêve brisé ». Elle traite du sempiternel problème de l’immigration. Le solo de chant de la troupe de la capitale malienne portera sur une chanson qui déplore le comportement actuel des uns et des autres dans nos sociétés. Le délitement des valeurs qui faisaient la fierté du malien est dénoncé. « Gueleya » ou la cherté de la vie est le titre qui a inspiré le chœur de Bamako. « Kélé » ou la guerre est le titre de l’interprétation que l’ensemble instrumental de Bamako compte proposer cette année à la biennale.

Pour la danse traditionnelle, Bamako fera appel à une danse de Bana et son ballet à thème, intitulé « Guedo, l’enfant terrible », met en exergue l’influence que le pouvoir peut avoir sur un individu. Dans ce ballet, un roi tentera de tuer son enfant par noyade parce que les devins ont prévu que ce dernier allait le tuer pour prendre le trône. L’orchestre de Bamako propose deux morceaux : le premier est relatif à l’exode et le deuxième à la paix : « Kélé Magni ».

Maliens de France : Mahamadou Cissé : « Pas dans la compétition, mais dans l’animation »

Pour la première fois dans l’histoire de la biennale, la manifestation reçoit une troupe de Maliens résidant à l’extérieur du pays. Le conseil des Maliens de France, n’a pas lésiné sur les moyens pour assurer la participation d’une troupe de Maliens de France à la biennale 2008. La délégation est logée à l’Institut de Formation Professionnelle (IFP), au quartier Liberté, non loin de la tribune de Kayes. Dirigée par Mahamadou Cissé, vice-président du conseil des Maliens de France et président de la commission d’organisation des Maliens de France à la biennale de Kayes, la troupe est arrivée avec trois disciplines. Une vingtaine de jeunes filles et jeunes garçons a été mobilisé pour la danse et les chants.

Sept personnes composent la troupe théâtrale que Mahamadou Cissé veut comme le groupe de « Gnongonlon ». Et la note franco-malienne des maliens venus de France sera le Slam, fait par trois jeunes conduits par Benamor Sissako. Mais, il faut dire que cette troupe artistique est accompagnée d’une forte délégation de dix membres du conseil des Maliens de France, conduite par son Président Gahourou Doukouré. C’est ube cinquantaine de nos compatriotes qui est venue du bord de la Seine pour participer à la biennale 2008 sur les bords du fleuve Sénégal à Kayes.

Kayes : Oumar Sow : «Nous sommes là cette année pour le premier prix»

Dirigée par Oumar Sow, la troupe de Kayes est logée au lycée Dougoukolo Konaré. Et son directeur ne cache pas ses ambitions qui semblent être celles de toute une région : « Cette année, la troupe de Kayes est venue à la biennale pour prendre le premier prix ». Il n’a pas encore digéré l’échec de sa troupe devant celle de Bamako en 2005 à Ségou. Mais, comme l’évènement se déroule cette année en terre malienne de Kayes, la troupe de la première région croit fermement en ses chances.

« La biennale 2008 se déroule chez nous et nous espérons remporter le trophée pour tous les sacrifices consentis par la population pour sa réussite », a-t-il déclaré. Kayes a bouclé les 45 jours prévus pour l’internat, comme pour dire que les moyens n’ont pas fait défaut. Région de forte immigration, les productions artistiques de Kayes sont influencées par le phénomène. On retrouve la thématique de l’immigration dans toutes les productions que Kayes a préparées en prévision des compétitions. A l’issu de ces 45 jours, la troupe de Kayes propose une pièce de théâtre et un solo de chant qui portent sur l’immigration clandestine. Son ballet à thème nous rappellera le rôle éminemment important que les griots jouent dans notre société.

La corruption, si elle n’est pas maîtrisée et contrôlée annulera tout effort de développement d’un pays. Ce sujet d’actualité a inspiré le chœur de la troupe de Kayes. L’ensemble instrumental de la première région ne s’éloigne pas trop de cette thématique, il porte sur le travail bien fait. Et pour montrer un pan de la diversité culturelle de la région, Kayes met en scène, dans la compétition danse traditionnelle, une danse maure de Aourou dans le Guidimakan. L’orchestre proposera deux morceaux : une chanson initiatique en milieu Bambara dans le Kaarta et un pot pourri qui revisitera pratiquement toutes les aires culturelles de la région.

Koulikoro : Sékou Sangaré : « Nous voulons faire mieux que les autres années »

Dirigée par Sékou Sangaré, la troupe de Koulikoro, logée au groupe scolaire Abdrahamane Gueye de Kayes Ndi, veut cette année sortir de la zone sombre de la dernière place. « Nous voulons cette année faire mieux que les années précédentes et si possible être sur le podium », a déclaré Sékou Sangaré, directeur artistique de la troupe de Koulikoro.

Pour concrétiser cette ambition, il a levé le voile sur la stratégie mise en place pour la préparation de la troupe. « Nous n’avions eu qu’un bon mois d’internat, alors qu’il nous fallait au moins 45 jours », a-t-il indiqué. Qu’à cela ne tienne, il pense que les difficultés financières et de ressources humaines ont été comblées par la technique de travail mise en place pour avoir une troupe de bon niveau. La pièce de théâtre de Koulikoro, « intitulé » le « temps », dénonce les harcèlements dont les aide-menagères sont victimes de la part de certains patrons mal intentionnés. Le ballet à thème de la 2ème région du Mali nous invitera dans l’univers des aides ménagères et le chœur dans la problématique de l’exode rurale et de l’immigration.

Pour la prestation de son ensemble instrumental, Koulikoro décrira une scène de mariage traditionnel avec toutes ses péripéties. « Diababé », danse traditionnelle maure, a été préférée à tous les autres pas de danse dont regorge la vaste région de Koulikoro. Dans un solo de chant pathétique, la région du Méguetan va rappeler à la jeunesse malienne que seule la conquête de son identité culturelle permet à un peuple de se hisser dans le concert des nations. L’orchestre de Koulikoro proposera deux titres, à l’instar de tous les autres orchestres en compétition : le premier est un hommage à Dioba Diarra et le deuxième dénonce l’excision.

Sikasso : Mando Nanta Goïta : « Nous sommes venus pour vaincre »

Dirigée par Mando Nanta Goïta, la troupe de Sikasso est logée au lycée Dougoukolo Konaré. Elle ne cache pas ses ambitions à travers les propos de son directeur : « Nous sommes venus pour vaincre ». Et mieux, le directeur rappelle à qui veut l’entendre que la devise de la troupe de Sikasso est : « Mieux vaut ne pas danser du tout que de mal danser ». Selon lui, cette devise traduit tout l’engagement de la région qui est venue pour réclamer le trophée.

A cet effet, il dira que la pièce de théâtre portera sur l’immigration irrégulière et le solo de chant invite à la conservation et à la protection de l’environnement. Le ballet à thème de Sikasso portera sur la bataille du « Korê ». Au moment où son chœur invitera à la solidarité, la danse traditionnelle sera celle du Gomba de Tiakala. L’orchestre le « Kénéstar » proposera un morceau « Jakarta » en relation avec l’insécurité routière et un autre intitulé « Yelema » ou changement.

Ségou : Molobaly Samaké : « Nous sommes venus pour occuper une bonne place »

Conduite par Molobaly Samaké, administrateur des arts et de la culture à Ségou, la troupe venue de la 4ème région est logée au lycée Dougoukolo Konaré. Le responsable de la troupe, à l’instar de plusieurs autres responsables de troupes, dénoncent l’insuffisance de salles de classe mises à leur disposition. Il a indiqué qu’ils ont usé de leurs relations pour avoir une salle de classe dans une autre école qui leur sert de salle de répétition. Mais, pour ce qui concerne la préparation de sa troupe, il est très optimiste.

« Nous sommes bien préparés et nous ne sommes pas venus pour faire de la figuration, mais pour occuper une bonne place au classement final », a-t-il déclaré. Et pour la réalisation de cette ambition, la pièce de théâtre de Sikasso ouvre le débat sur la lutte contre l’excision, au moment ou son ballet à thème s’intéresse au SIDA. Son solo de chant est relatif à la scolarisation des jeunes filles et son ensemble instrumental porte sur l’initiative riz. Pour sa danse traditionnelle, la 4ème région a fait appel au terroir Bobo de Mandiakuy et son orchestre de musique moderne proposera le « Tchibarani » et le « sodanso ».

Mopti : Moussa Z Maïga : «Nous ne sommes pas venus pour faire de la figuration»

Conduite par Moussa Z Maïga, administrateur des arts et de la culture, la troupe de Mopti est logée au groupe scolaire Abdrahamane Gueye de Kayes N’di. S’il n’a rien à reprocher aux conditions d’hébergement, il souhaite quand même que ses éléments soient parmi les meilleurs à Kayes. « Je n’ai pas la prétention de dire que ma troupe sera la meilleure, mais je souhaite être parmi les trois premiers », a-t-il déclaré. Avec un mois de répétition passé à l’internat, Mopti a mis sur pied une pièce de théâtre qui porte sur la situation scolaire.

Son solo de chant est relatif au SIDA, le mal du siècle et son ensemble instrumental nous rappelle les vertus du travail bien fait. Son chœur, en cette période trouble dans le septentrion malien, prône l’union des cœurs pour l’amorce du développement du pays. « Djémê Garan » ou danse des forgerons en milieu dogon est la danse traditionnelle que la région de Mopti a sélectionnée parmi la floraison des pas de danses de la 5ème pour la biennale 2008. L’orchestre est arrivé avec deux morceaux : l’immigration, une chanson en bobo et le « hogon nawayé » ou le salut du hogon.

Gao : Mohamed El Moctar Touré : « Nos chances sont intactes pour la victoire finale»

Mohamed El Moctar Touré, directeur de la troupe de Gao est technicien supérieur des arts de classe exceptionnelle. Lui et sa troupe sont logés au lycée Dougoukolo Konaré. Il se plaint de l’exiguïté des locaux qui leur ont été affectés. « Nous sommes obligés de nous entasser dans sept salles de classe », a-t-il dénoncé. Mais, les solutions ne font pas défaut. Avec l’imagination, la région de Gao s’est organisée pour surmonter les difficultés. Mais, avant ces quelques déboires de Kayes qui, selon lui, sont en train de rentrer dans l’ordre, ils n’ont eu qu’une vingtaine de jours pour l’internat sur une prévision de 45 jours, en raison de difficultés financières.

Mais, qu’à cela ne tienne, il a estimé que la région de Gao garde toutes ses chances pour remporter la compétition. Selon lui, techniquement, ce qui a été fait en vingt jours à l’internat est suffisant pour présenter des très beaux numéros. Ainsi, il dira que la pièce de théâtre porte sur une critique du laisser aller qui a tendance à s’installer dans le pays. « Nous dénonçons l’inconscience des uns et des autres, la mauvaise gestion, et en un mot ce qu’on a fait de nos Etats en Afrique », a-t-il déclaré. Le titre est révélateur du contenu de la pièce : « On est chef ou on ne l’est pas ». Dans son solo de chant, Gao compte dénoncer la déscolarisation des jeunes filles au profit du mariage.

Son chœur met en exergue l’esprit de démission des populations, alors que le pays a tous les atouts pour réussir son développement. « Nous avons un fleuve qui arrose le pays à 70%, des terres fertiles à perte de vue, des cadres intelligents, alors, il ne reste que le travail, car seul le travail paye », a-t-il estimé. La problématique du mariage des jeunes filles mineures a inspiré l’ensemble instrumental de la 7ème région. Et, pour sa danse traditionnelle, la troupe de Gao, a fait appel a une danse de réjouissances populaires.

Selon le directeur de la troupe, les jeunes, après les belles récoltes, au clair de lune se retrouvent autour des battements de mains et le son de guitares monocordes pour chanter leurs amoureux. Le ballet à thème de la 7ème région retrace une tradition. Dans un village imaginaire, il est de tradition qu’une jeune fille mariée vierge soit honorée par ses amies qui doivent conduire à mains nues un taureau furieux jusqu’à la demeure de la belle mère. « Notre ballet raconte les différentes péripéties de cette conduite à travers monts et vallées », indique Mohamed El Moctar Touré. Et pour finir, l’orchestre de Gao proposera deux morceaux : « Koukéa » et « Lahidou ».

Tombouctou : Mahamane Djitteye : «Nous voulons retourner, le blason bien doré»

Dirigée par Mahamane Djitteye, technicien des arts et de la culture et actuellement inscrit à la section art et archéologie de l’université de Bamako, la troupe de Tombouctou a eu 32 jours d’internat, sur les 45 jours prévus. Logée au Lycée Dougoukolo Konaré, dans des conditions passables, selon le directeur de troupe, la région de Tombouctou compte regagner la cité des 333 saints, le blason bien doré. « Nous sommes là pour croiser le fer dans le cadre artistique et culturel parce que nul n’a le monopole de l’art et de la culture », a-t-il déclaré.

Tombouctou, pour la réalisation de son ambition compte présenter sa pièce de théâtre intitulée : « Le matin des troublions » qui porte sur l’immigration. Selon le directeur de la troupe, des jeunes sortis de prison sont contraints de choisir entre rester dans leur pays où leur avenir est compromis et partir à l’aventure, vers des destinations incertaines. Tout comme la pièce de théâtre, le solo de chant de Tombouctou porte sur l’immigration et son chœur intitulé « les larmes de l’Afrique ». Nous rappellant les problèmes qui assaillent l’Afrique par la faute des colons noirs qui ont pris la place des colons blancs.

En cette période où l’éducation de la jeunesse malienne pose problème, Tombouctou, dans son ensemble instrumental, pose le problème de la responsabilité des parents devant l’éducation de leurs enfants. Le ballet à thème revient sur le fléau de l’excision et la danse traditionnelle intitulée « Fadda », invite à visiter le pays Tamasheck, à travers la fête organisée par une femme divorcée en vue d’informer de son divorce et inviter par la même occasion les nouveaux prétendants. L’orchestre propose deux morceaux : « Rien ne vaut la paix » et « Tous les prophètes convaincus ».

Kidal : Abdou Tomota : « Nous sommes venus pour gagner pour la jeunesse malienne »

Conduite par Abdou Tomota, chef de division des arts et de la culture à la direction régionale de la jeunesse, des sports, des arts et de la culture, la troupe de Kidal est logée au groupe scolaire Abdrahamane Gueye de Kayes Ndi. Elle a eu 45 jours d’internat pour se préparer. Arrivée à Kayes dans le cadre la biennale 2008, la région de Kidal par la voix de son directeur artistique, vise loin. « Nous sommes venus à Kayes pour gagner pour la jeunesse malienne », a-t-il déclaré. Et, pour la réalisation de cette ambition, il a levé le voile sur ce que Kidal compte proposer pour convaincre le jury. Intitulée

« Nous voulons la paix maintenant », la pièce de théâtre venue de l’Adrar des Iforghas, traduit sûrement l’état d’âme de tous les habitants du septentrion malien et de l’ensemble de la population malienne, en ces heures troubles de notre histoire commune. Le Solo de chant, « le chagrin », est une invite à la réconciliation des cœurs. « C’est un appel aux jeunes du Mali à ne pas s’entredéchirer et à faire le choix de s’unir pour le développement du pays », a-t-il déclaré. Kidal compte proposer un ballet à thème qui fait la promotion de la scolarisation de la jeune fille et sa danse traditionnelle est un numero du terroir Tamasheck « Iswat ».

L’ensemble instrumental reviendra sur le problème de la scolarisation de la jeune fille et le chœur portera sur le SIDA, notamment l’appel au dépistage volontaire. L’orchestre « Amannar » ou étoile polaire de Kidal proposera deux morceaux : « Akori », appel à l’unité nationale et un morceau qui prône les vertus de la paix.

Propos recueillir parAssane Koné

Envoyé spécial à Kayes

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