Arts et danse : La Troupe Benkadi endiable le parquet de Blonba

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Avec ‘’Don koro’’, un fresque chorégraphique de dix tableaux à remonter le temps, la troupe de Djikoroni fait revivre les villages de tous les terroirs du Mali sous le clair de lune où les anciens écoutent depuis leurs cases et se remémorent le temps où eux-mêmes chauffaient le ‘fèrè’, la place du village.

                Pour sauver la bibliothèque humaine que sont les vieillards de l’Afrique, Amadou Hambaté Ba a lancé son cri qui est resté légendaire. Mais pour préserver des sables de la modernité et de l’urbanisme d’ensevelir notre patrimoine culturel d’antan, il reste une sonnette d’alarme à tirer. Par anticipation, la troupe Benkadi du mæstro Djelimadi Sacko répond à cet appel non encore lancé. Elle se propose de fournir la matière vivante et la sève du passé révolu avec authenticité. De son coté, l’espace culturel Blonba de Alioune Ifra N’Diaye qui fait la fierté des Bamakois, voir des Maliens, veut jouer le rôle de fournisseur de ‘fèrè’, la place du village qui reçoit au clair de lune, les jeunes gens qui rivalisaient d’ardeurs pour danser et perpétuer le fond culturel du terroir. Les deux étaient donc faits pour se rencontrer un jour. Cela vient d’arriver le samedi dernier et ce, à l’heure même où les tam-tams déchiraient les tympans de la nuit et faisaient ainsi accourir les jeunes des deux sexes des villages environnants. Les nostalgiques du passé et les malheureux qui n’ont jamais eu la chance de vivre la ‘fête au village’, avaient là une belle opportunité de se rattraper.

               

Car, l’authenticité de l’offre de la troupe du chef  D. Sacko (six percussionnistes d’enfer, cinq danseurs virevoltants et cinq autres danseuses de grâce) ne fait pas de doute. Ils sont servis par une scène de rêve pour un amoureux du beau spectacle à vivre en direct. En effet, le parquet de Blonba est un Mozart de fusion entre l’artiste et son complice, le public. Il est pour les scènes classiques ce que les stades de foot anglais sont pour les autres arènes du monde : une pelouse sans pareil qui ne met aucune barrière entre les acteurs et leurs admirateurs. Ce soir là, les premières rangées de spectateurs étaient installées sur le parquet où les athlètes de l’expression artistiques se donnaient généreusement pour les contenter. Du reste, les téléphones portables n’ont pas arrêté de filmer et nous nous avons surpris le grand Soleymane Cissé, le réalisateur de ‘’Fignè’’ ou le ‘’vent’’, debout pour applaudir Moisé et ses collègues de scène.

 

 

LE VERDICT DU VRAI JUGE, LE ROI PUBLIC

                Mais la salle étant le juge de référence, nous avons intercepté, à la sortie, des gens qui avaient l’air heureux et qui n’ont eu aucun problème à répondre à nos questions concernant leur impressions. «Avez-vous aimé cette soirée ? », avons-nous demandé à une très belle dame. Sa réponse ? «Oui, bien sûr. Soirée bien sportive, moderne… parfaite ». Poussé un peu plus, elle enchaîne : «Je préférerais celle de l’année dernière, c’est tout à fait personnel, hein. ». Ceci dit, elle souligne encore le caractère dynamique de la prestation des artistes et les jolis costumes. Nous avons ensuite barré la route à Mme Dramé  Kadiatou Konaré, fille de Président, femme de culture et de communication. C’est avec beaucoup de gentillesse et de spontanéité qu’elle nous a confiée ceci : «Génial ! Plein d’énergies. Et le talent des danseurs ? Admirable ! ». Ce fut alors le tour de Souleymane Cissé, l’unique et l’incomparable réalisateur qui a mis la France sens dessus dessous durant les années 80. Professionnel et retrouvant le sens de la critique, celui qui applaudissait debout quelques instants plutôt assure : «Je trouve que c’est bien. C’est un nouveau ballet, hein…ils ont encore à faire des choses. Je crois que ça s’annonce bien ». Mais quelles choses doivent-ils encore faire ? « Non, mais, je crois qu’il y’a une petite relâche. Mais, c’est rien…c’est un début, hein,  ça ira très bien », fut sa réponse. Une autre personnalité, un peu pressée pour échapper estima que la prestation était d’une très bonne facture, mais un peu longue. A la question, vous reviendrez tout de même la prochaine fois ? La réponse fut nette : « bien sûr ! ».

               

Un autre baromètre est très certainement le nombre de spectateurs qui sont venus serrer les mains du maetro Djélimadi Sacko après le spectacle pour le remercier et féliciter. Pour la petite histoire, il y a eu cette petite coupure de courant, quelques petites minutes. Le public, comme un seul homme, s’est mis à éclairer la scène avec des téléphones portables et même un appareil photo.

               

Ceci dit, l’on ne peut pas se contenter de cette réussite, s’il est vrai que la culture de l’excellence dont on nous bassine les oreilles avec depuis très haut lieu n’est pas de la simple parole. L’excellence, elle était dans cette salle cette nuit là, mais nous avons été moins de deux cents personnes à la partager. L’excellence, elle était là au nom du noble but de préserver la culture des terroirs du Mali. S’il est vrai que l’on peut se développer en donnant un coup de pied à sa culture, alors où était-il le ministre en charge de la culture ? Et les autres Maliens, n’est-il pas important qu’ils encouragent ceux qui se proposent de conserver les formes culturelles du Mali ?

             

   La chargée de la production de la troupe, Maud Orain – dont l’arrivée a donné plus de latitude à la troupe et à son inspirateur pour se consacrer à la création, nous a assuré que d’autres dates étaient à retenir d’ici janvier prochain. Les propos de Sacko sont allés dans le même sens. Ce ne serait pas uniquement à Bamako ici, mais aussi à l’intérieur et mieux encore ans la sous région. Les Maliens et les Maliennes doivent profiter de ces occasions pour se replonger et découvrir davantage un pan de leur passé en voie de décomposition si nous continuons sur la même lancée.

               

Avec l’arrivée, depuis cinq mois d’une professionnelle qui a roulé sa bosse dans le célèbre Festival d Avignon, France, la troupe devra pouvoir faire un bond certain en avant et de monter encore en puissance. De source interne à la troupe, le travail qu’elle a entamé aurait déjà eu à produire des effets bénéfiques sur la vie de la troupe.

              

  Wait and see, donc ?

AT

 

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