Adama Dolo, affectueusement appelé Adama Dahico, est le Président du Parti du Rire ivoirien et l”initiateur du Festival international du rire d”Abidjan (FIRA), dont la cinquième édition vient de se dérouler du 4 au 9 septembre. Dans cet entretien exclusif que Adama Dahico nous a bien voulu nous accorder, au cours de notre séjour dans la capitale ivoirienne, il nous parle, entre autres, de sa carrière d”humoriste, du Fira ainsi que son point de vue sur la crise ivoirienne. Sans oublier sa candidature à la prochaine élection présidentielle en Côte d”Ivoire.
Bamako Hebdo : Monsieur Dahico, si on vous demandait de vous présenter à nos lecteurs, que diriez-vous?
Adama Dahico : Je suis Adama Dolo, plus connu sous le nom de Dahico. Je suis artiste comédien humoriste. J”ai 39 ans bien sonnés et je suis chef de famille, en tant que premier fils de mon père. Je suis marié depuis le 26 janvier 1992, un mariage religieux. Je ne suis pas encore passé devant Monsieur le Maire, parce qu”il m”a pas encore invité à me marier, mais ça ne saurait plus tarder.
Ma femme est d”origine malienne et née en Côte d”Ivoire, tout comme moi. C”est d”ailleurs ma cousine. Elle se nomme Ramatou Dolo. Je suis père de cinq enfants, trois filles et deux garçons.
Vous savez, je suis le président d”un parti politique dénommé Parti du Rire "Dolomikan". Je suis également Directeur du Festival international du rire d”Abidjan (FIRA) dont la cinquième édition vient de s”achever. Ajoutons que je suis aussi écrivain, puisque j”ai publié deux livres.
Dahico, c”est un surnom?
Je vais vous définir aujourd”hui le sens de Dahico. D représente mon nom de famille, Dolo. A c”est mon prénom, Adama. H veut dire humoriste. C veut dire communicateur et O signifie ouvert. C”est ce jeu de mot qui donne Dahico. En d”autres termes, cela signifie celui qui est sous l”effet de l”alcool, mais qui est utile à la société. Il dit des choses qui peuvent corriger ses maux. En fait, Dahico, c”est le personnage central du concept "Dolomikan" qui signifie l”art de la parole de l”ivrogne.
Comment votre art vous est-il venu?
Vous savez, c”est une passion que nous avons depuis notre enfance. Nous aimions bien raconter des histoires drôles pendant les récréations. On nous invitait à faire des sketchs à la fin de l”année scolaire. Ce qui nous a suivi jusqu”au Collège et en classe supérieure. Je voulais aller à l”Institut national des arts (INA) pour y suivre une formation, mais, malheureusement, cela n”a pas pu aboutir. Je ne me suis pas découragé. Je me suis formé sur le tas en fréquentant beaucoup de professionnels en la matière. J”avais pris l”engagement devant Dieu, mes parents et mes amis, de faire carrière dans ce métier de l”humour.
Pour ce faire, je me suis donné les moyens physiques, intellectuels et physiques pour pouvoir réaliser ce rêve, que je caressais depuis mon enfance. Je voulais devenir un artiste au sens propre du terme, qu”on pourrait respecter sur le plan national et international à travers son travail et son combat. Vous savez, un artiste est un soldat et sa vie est un combat. Nous sommes au front et notre ennemi est le découragement, la paresse ou le manque d”ambition. Je pense qu”il faut être ambitieux pour pouvoir réaliser ses rêves.
Aujourd”hui, moi Adama Dahico, je suis sur tous les fronts. Je le dis parce que je suis dans le spectacle, dans l”écriture, dans les émissions radiophoniques et télévisuelles. Je suis aussi dans la presse écrite, car je fais des chroniques dans un journal.
Parlons de vos livres?
J”ai publié deux livres. Le premier "Ne riez pas" a été tiré à 18 000 exemplaires. Il a été meilleure vente de livres en Côte d”Ivoire. Je n”en même plus dans ma bibliothèque, tout est parti. Le deuxième livre est intitulé "Donnez-moi le pouvoir et je vous rendrai le rire, qui est mon programme de gouvernement". Il a été tiré à 10 000 exemplaires.
Pourquoi le Festival international du rire d”Abidjan?
On dit souvent que c”est dans le malheur que naissent les grandes idées. Notre pays, la Côte d”Ivoire, a été attaqué par ses propres fils. Ceux qui ont décidé d”être à côté de leur maman doivent créer toutes les conditions pour leur permettre de retrouver le sourire, la joie, afin que tous ces voisins puissent bénéficier de cette paix. Chacun a réfléchi en se demandant ce qu”il pouvait apporter à son niveau à cette maman qui souffrait. Je n”ai pas fait de formation militaire, je ne peux pas combattre dans une armée. Je me suis donc dit que le rire pouvait combattre le stress et apporter un peu de soulagement. Il peut même désarmer les cœurs et les esprits. J”ai utilisé mon arme, le rire, pour organiser une Fête du rire avec quelques humoristes que j”ai choisis.
Chaque année, à la même date, c”est-à-dire pour l”anniversaire des événements douloureux du 19 septembre, je propose du rire à la place des comptes rendus et des rappels que des gens se feront avec des images. C”est dans ce contexte que nous avons initié le Festival international de rire d”Abidjan (FIRA). Nous avons organisé l”édition 2007 du 4 au 9 septembre dernier, à cause du Ramadan. Il faut respecter la religion.
C”est à partir de 2006 (la 4ème édition) que nous sommes passés au niveau international. Nous avons invité un humoriste camerounais, un pays où on pratique beaucoup l”humour. Nous voulions rendre hommage à Jean Miché Kankan à travers lui. Nous avons voulu simplement faire venir des humoristes africains en Côte d”Ivoire. Plusieurs artistes du Sénégal, du Gabon, du Bénin … étaient présents cette année à Abidjan. Nous allons inviter mon grand frère, Habib Dembélé dit Guimba national, pour l”édition 2008. Il faut dire que le Fira est en train de gagner du terrain. Il s”agit pour nous d”apaiser les esprits et les cœurs en Côte d”Ivoire, mais aussi de faire la promotion de l”humour en Afrique à partir d”Abidjan. C”est un engagement personnel, parce que je me suis senti investi d”une mission dans ce domaine. J”ai même été décoré par le Président de la République, très jeune, à 37 ans.
Avez-vous bénéficié de l”appui des autorités ivoiriennes pour l”organisation du Fira 2007?
Fira 2007 était placé sous le haut parrainage du Président de la République ivoirien, qui nous a donné une enveloppe symbolique d”un million de FCFA.
Nous avons bénéficié de l”appui du ministre de l”Economie et des Finances de Côte d”Ivoire pour le transport de certains participants et aussi financièrement. Nous avons également bénéficié de l”aide de partenaires. Ce qu”il faut préciser, c”est que nous avons fait notre festival sans l”appui du ministère chargé de la Culture, faute de moyens. Je suis moi-même mon ministre de la Culture.
Je dois me battre tout seul, parce que le ministre de la Culture est là pour des affaires administratives et politiques. Je suis chargé, pour ce qui me concerne, des affaires humoristiques.
Pouvez-vous dresser le bilan de la présente édition?
Je crois que l”édition 2007 du Fira a tenu toutes ces promesses. Tous ce que nous avons promis lors du lancement, nous l”avons réalisé par la grâce de Dieu. Les humoristes invités ont tous répondu à l”appel. Le thème, à savoir l”utilisation des humoristes dans les médias pour la consolidation de la paix et de la réconciliation, a été commenté par un grand journaliste-écrivain. Nous avons organisé des ateliers de formation à l”intention des jeunes humoristes.
Nous avons permis à des jeunes de se faire connaître du public. L”édition a été plus médiatique que celle de 2006. C”est vous dire que cela a été un véritable succès. Fira ne m”appartient plus. Ce festival appartient aujourd”hui à la Côte d”Ivoire, à l”Afrique. Peut-être que Dieu m”a confié une mission que je suis en train d”accomplir. Après moi, on dira un jour que je suis passé par là.
Il était prévu que la fille du Président Gbagbo allait célébrer son anniversaire au cours du festival. Comment cela s”est-il passé finalement?
C”est vrai. C”était le titre même du spectacle. Le maquis "Dolomikan" est un maquis qui m”appartient et dans lequel la fille du Président de la République ivoirien avait souhaité fêter son anniversaire. Quand cela vous arrive, tout de suite vous commencez à faire tous les calculs possibles, c”est-à-dire augmenter le prix des boissons. Vous vous endettez pour louer des chaises, de la sonorisation. Vous êtes même impoli, parce que vous êtes capable d”appeler certains de vos clients pour annuler leur dette. Vous savez, avant, quand on apprenait qu”une personnalité venait dans un village, les pauvres paysans utilisaient tout leur argent disponible pour accueillir dignement leur hôte. A la dernière minute, on vous dit que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l”autorité ne peut pas venir.
Qui va donc rembourser toutes les dépenses engegées ? Je voulais caricaturer cela. Comme tout le monde savait que la fille du Président ivoirien venait dans le maquis, il y a beaucoup de gens qui sont venus avec des courriers, dans le souci de la rencontrer afin qu”elle puisse transmettre leur message à son papa. Nous avons lu ces nombreux textes. Le Président devait aussi signer un décret pour régler mon problème et il fallait passer par sa fille. C”était une manière indirecte de souligner les problèmes que vivent les Ivoiriens et les Africains. Le spectacle était émouvant. Il y avait plus de trente comédiens sur scène.
Peut-on dire aujourd”hui que vous avez contribué à l”instauration de la paix en Côte d”Ivoire ?
Effectivement, nous avons utilisé l”humour pour sauver la Côte d”Ivoire. Je me souviens très bien que, le jour où les Eléphants de Côte d”Ivoire ont joué contre les Lions Indomptables du Cameroun, nous avions prévu de faire la fête en achetant des moutons, de la boisson. Mais les Eléphants ont perdu le match. Personne ne voulait plus fêter. Comme les Ivoiriens sont très intelligents, ils ont envoyé des SMS pour annoncer que Jacques Chirac, Président de la République Française à l”époque, était mort.
Comme il n”était pas très aimé en Côte d”Ivoire, finalement, tout le monde est sorti pour fêter sa mort, dans les rues et dans les maquis. C”est après que les gens se sont rendus compte que ce n”était pas vrai. C”est pour dire que l”humour est une arme qu”il faut souvent utiliser pour combattre certaines choses. C”est ce que nous faisons.
L”humour a sauvé la Côte d”Ivoire. Il faut rendre hommage aux humoristes ivoiriens. Sans moyens, ils ont utilisé leur talent pour permettre aux Ivoiriens de passer du bon temps. J”espère que le peuple ivoirien leur en sera reconnaissant un jour.
Est-ce que Adama Dahico vit de son art?
C”est dommage que vous n”ayez pas de temps, sinon, je vous ferais visiter mon appartement à la Rivera, là où résident ceux qui sont censés être des gens bien nantis. J”habite toujours à Abobo, dans une cour commune appartenant à mon père. Dieu merci, j”ai pu m”y construire un appartement.
L”appartement vous a coûté combien?
Je ne veux pas vous dire le montant, mais ce n”est pas moins de 50 millions de FCFA.
Il paraît que vous serez candidat à la prochaine élection présidentielle en Côte d”Ivoire?
Au Mali, il y a eu une élection présidentielle où mon grand frère Habib Dembélé dit Guimba était candidat. Sa candidature a été retenue par la Cour Constitutionnelle. C”est vrai qu”il avait une manière particulière de faire sa campagne. En Côte d”Ivoire, Adama Dahico sera bel et bien candidat à l”élection présidentielle.
Je vais déposer mon dossier en bonne et due forme. Il appartiendra à la Cour Constitutionnelle de l”apprécier. Je veux battre campagne à ma manière. J”ai commencé à faire mon programme de gouvernement, à travers un livre et un album. Dieu merci, je suis convaincu que beaucoup de jeunes ivoiriens se retrouvent dans mon combat. Je ne veux pas vous dévoiler toute ma stratégie, parce que je ne sais pas si vous êtes un opposant ou si vous avez été envoyé par l”un de mes adversaires. Ce qui est sûr, c”est que je m”arrangerai pour que les électeurs de mes adversaires oublient d”accomplir leur devoir civique.
Nous allons prier pour qu”il pleuve le jour des élections parce que les Ivoiriens n”aiment pas la pluie, surtout le matin. Nous allons aussi permettre aux enfants de voter. Deux enfants de 9 ans vont s”associer, ce qui vaudra 18 ans. Un enfant de 10 ans et un de 8 ans, cela fera 18 ans aussi, l”âge de voter. Vous savez, les enfants sont les premières victimes de la guerre. Il faut que les enfants aient le droit de voter. C”est ce que je veux demander à la Cour Constitutionnelle, parce que chacun défend ses intérêts.
Nous allons fêter notre victoire avant les élections parce que, si nous gagnons, nous n”aurons pas le temps de fêter parce que le pays est trop en retard. Les gens du FPI qui n”ont pas eu le temps de fêter leur sacre, à cause de la guerre.
Si vous êtes élu à la tête de la Côte d”Ivoire, que ferez-vous?
Les élections seront trop transparentes pour que je gagne. Si, je gagne, cela sera dû à une erreur dans le calcul des suffrages. Je demanderai que l”on reprenne les élections.
Pour quelle raison?
Parce que ça ne m”intéresse pas. Je veux qu”on retienne ma candidature, mais pas pour être Président de la République, parce que mon combat se trouve dans l”opposition. Si je viens au pouvoir, je vais oublier tout ce que j”aurais dis quand je battais campagne.
Si, par accident, vous êtes choisi?
Nous allons faire le constat.
Avez-vous les moyens nécessaires pour mener campagne?
Il y a des gens qui sont prêts à payer la caution de 20 millions de FCFA pour que je puisse me présenter. Ce n”est pas moi qui vais sortir cette somme de ma poche. Même si on me donne un morceau de savon, je vais le prendre. Il y aura un camion dans mon cortège pour distribuer gratuitement des vivres à des familles qui n”ont pas à manger.
Le plus important, c”est que les élections se déroulent dans les meilleures conditions. Il faut que chacun puisse faire librement campagne sans être agressé par d”autres.
Quel est votre point de vue par rapport à la crise en Côte d”Ivoire ?
Je pense que ce sont les Ivoiriens eux-mêmes qui ont mené leur pays dans ce stade. Quand Félix Houphouët Boigny vivait, les Ivoiriens se demandaient s”il était Ivoirien parce qu”on ne connaissait pas ses parents. Certains disaient qu”il était Ghanéen ou Malien. Après son décès, nous avons eu comme Président Bédié. Les mêmes Ivoiriens disaient que c”était son fils. Si Papa est Ghanéen, l”enfant aussi est Ghanéen. Après, Guëi Robert est venu, à la suite d”un coup d”Etat. On a dit qu”il était Guinéen. Après ce fut Laurent Gbagb. On a dit: celui là est Sarakolé, parce qu”il a voyagé avec un passeport Burkinabé où il était appelé Abdoulaye Soumaré, pour aller à Paris.
On dit qu”Alassane Ouattara est Burkinabé, tout comme l”autre ex-Premier ministre Seydou Diarra, qui viendrait du Mali, plus précisément de Koulikoro. Charles Konan Bany est venu, il n”y a pas longtemps. On a dit qu”il était Béninois. Si, moi, Adama Dahico, je deviens Président de la République, ils sont capables de dire un jour que je suis Libanais. Voilà, les genres de comportement qui ont jeté la Côte d”Ivoire dans la guerre. Nous, qui sommes nés à Abidjan, nous sommes Ivoiriens, même si nos origines viennent du Mali. La compréhension était difficile. On ne peut pas construire une nation avec ce genre de comportements et de réflexions.
Les Etats-Unis sont remplis de toutes les nationalités. La Côte d”Ivoire est un pays qui a eu la chance d”accueillir sur sa terre toutes les nationalités africaines. Nous déplorons la situation passée, mais il y a eu la Flamme de la paix. Nous devons désormais aller à la paix en respectant les pays voisins et leurs ressortissants.
Réalisé par Alou B HAIDARA
21 septembre 2007
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