L’édition 2013 du Festival panafricain du film et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) se tient au moment où le cinéma africain est à la croisée des chemins. Les professionnels du secteur décident d’interpeler les politiques face à la nécessité de leur engagement afin de donner au 7e art sa place de moteur de développement et d’intégration des peuples.
Le Gabon, qui est l’invité d’honneur de cette édition 2013 du Fespaco a effectué le déplacement avec une délégation forte de plus de 40 personnes. Avec cinq films en compétition, le pays nourrit des ambitions bien légitimes d’occuper le podium d’honneur à la clôture le 2 mars prochain.
Quand les politiques lâchent le cinéma africain
Evènement majeur de la culture africaine, le Fespaco s’est impose au fil des années pour de venir la rencontre africaine la plus importante autour du cinéma. Facteur de développement pour la ville de Ouagadougou, ce festival autour du 7e art draine des milliers de participants.
Ce qui fera dire au maire de la ville que le Fespaco est aussi le rendez-vous de l’amitié et de la fraternité vécue entre les peuples d’horizons divers. “En ces instants, le cinéma nous rapproche, des cinéastes et des cinéphiles, nous permet de vivre des moments à la fois sensationnels, fructueux, et inoubliables”, a déclaré Michel Compaoré dans son discours de bienvenue.
Pour cette 23e édition, le thème retenu est “Cinéma africain et politiques publiques en Afrique”. Pour le ministre burkinabé de la Culture et du Tourisme, le choix n’est nullement fortuit. Il vise, selon Baba Hama, à engager la réflexion afin de donner aux cinématographies africaines tous les espaces qu’elles revendiquent en toute légitimité.
C’est donc dans ce cadre que se tiendra le colloque international sur la question, et qui regroupera les partenaires et les professionnels du 7e art africain. L’objectif est en effet de favoriser les échanges culturels féconds sur l’évolution des cinématographies africaines des cinquante dernières années. Mieux, il s’agira d’engager les décideurs africains, les partenaires et les principaux acteurs du cinéma vers des pistes nouvelles et innovantes. Chose qui permettra de dégager des politiques publiques à même de propulser l’industrie cinématographique en Afrique.
Le Premier ministre du Faso, qui adhère parfaitement à ce chantier, l’a exprimé à la presse après avoir donné le premier coup de clap de ce 23e Fespaco. Promoteurs de valeurs culturelles et aussi créateurs de richesses, les cinémas africains sont entrés dans l’Histoire. Cependant, ils n’ont plus besoin que des pouvoirs publics pour qu’ils se l’approprient. Ce qui fera dire au Premier ministre du Faso que le cinéma demeure un véritable outil de développement.
Selon Luc Adolphe Tiao, au moment où les peuples africains font face à des tensions préjudiciables à leur développement, le cinéma se pose comme un puissant facteur d’intégration, de fraternité et de cohésion sociale.
Issa Fakaba Sissoko
Envoyé spécial à Ouaga
Une semaine de cinéma africain
Ouagadougou, la ville en fête
On connaît la capitale burkinabé d’ordinaire très mouvementée, avec ses “endroits branchés”, propre, en son centre, et où les secteurs de développement comme le transport, l’hôtellerie, la restauration, etc. se frottent les mains. Mais le Festival panafricain du film et de la télévision (Fespaco) constitue pour les habitants un moment privilégié de “vivre avec l’Afrique”. Notre reporter a fait un premier tour de ville. Voilà ce qu’il en a rapporté.
Vendredi 22 février 2013 à Ouagadougou. Nous sommes aux environs de minuit, le car de la délégation malienne franchit le poste de sécurité de la ville. A quelques minutes de courses d’ici, c’est l’image d’une ville en fête qui frappe au premier regard. On connaît les artères principales de Ouaga d’ordinaire propres, mais les activités d’assainissement ont été sérieusement renforcées ces derniers jours. Et ça se voit.
Les feux tricolores marchent à plein régime, à travers la ville les jeux de lumière contribuent à rendre le centre ville davantage moderne. Au “rond-point des Nations unies”, les drapeaux tricolores des pays retrouvent leur splendeur, tandis qu’à la “Place des cinéastes”, la mairie met les bouchées doubles pour accueillir ses hôtes.
Le samedi, dans les restaurants et maquis de la capitale burkinabé, un seul sujet domine les débats toute la journée : le cinéma. Dès 8 h du matin de ce samedi 23 février, le siège du Fespaco est pris d’assaut par les cinéastes et comédiens venus des quatre coins du monde. Les journalistes se grouillent dans les couloirs afin d’obtenir leur sésame précieux : le badge, qui donne droit à toutes les manifestations, notamment les projections de films.
Quand certains sont préoccupés à se fournir les documents du Fespaco (catalogues et programmes), d’autres sont à la recherche de puces des réseaux téléphones burkinabés. Ici, le basculement sur le système rooming a un coût intenable pour les festivaliers à faibles revenus.
Au dehors du siège du Fespaco, c’est un autre décor : celui moins tendu que dans les bureaux du secrétariat permanent. Les restaurants et autres exposants installent leurs quartiers dans la cours alors qu’un concert ambulant est organisé à travers la ville, grâce à un podium installé sur un camion. “C’est un camion musical…”, décrit un comédien malien, qui se croit sur un plateau de tournage.
Ce n’est point tous les jours que Ouaga revêt une telle image, mais ce jour l’enjeu en vaut vraiment la peine. Car la ville s’apprête à vivre la 23e édition du Festival panafricain du film et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). Les restaurants à travers la ville, notamment au centre, ont investi. Leur objectif : offrir un meilleur cadre à leurs clients. A Ouaga, la culture de manger au restaurant est certes dans les mœurs, mais l’arrivée des visiteurs pour le Fespaco en est la principale motivation.
Le Fespaco constitue un moment très prisé pour le tourisme burkinabé, notamment à travers son hôtellerie. Au deuxième jour du festival, les hôtels affichent déjà complets. C’est le cas par exemple à la “Résidence du voyageur”, où la délégation malienne a posé ses valises.
Situé dans le quartier de “Dasasko”, en face de “L’Echangeur de l’Est”, cet hôtel est devenu la résidence traditionnelle des Maliens pendant le Fespaco. Si certains l’estiment loin de la ville, d’autres y trouvent au contraire leur tranquillité et pensent que le cadre fait bon vivre. Chacun y va de son commentaire.
Ouaga est connu comme une ville qui vit, où la boisson coule à flot. Les sociétés de brasserie “Sobébra” et “Barkina” semblent déjà prendre les dispositions pour revoir la production à la hausse. Ce gérant de maquis est formel : si le Fespaco n’existait pas, il fallait le créer. Notre interlocuteur atteste que le festival lui permet de tripler sa recette. Comme pour dire que pendant le Fespaco, la fête n’est pas que seulement dans les salles de cinéma…
Issa Fakaba Sissoko