La 12ème édition de son Festival sur le Niger, dite Edition spéciale, s’est déroulée à Ségou du 3 au 7 février 2016, avec le célèbre musicien malien Cheick Tidiane Seck comme Parrain. En raison de l’état d’urgence, les grands concerts sur le fleuve au Quai des Arts, emblématiques de la plus importante manifestation culturelle du Mali, n’ont pas eu lieu, ce qui n’a toutefois pas empêché les festivaliers, venus en grand nombre, de prendre d’assaut la Cité des Balanzans.
L’édition 2016 avait pour thème «Jeunesse et Citoyenneté» et un programme riche et varié, comme à l’accoutumée. La Fondation Festival sur le Niger (FFSN) et le Centre Culturel Korè (CCK), les deux sites retenus, ont ainsi abrité les activités musicales, cinématographiques, artistiques et théâtrales de la Caravane Culturelle pour la paix, des jeunes talents en découverte, des Rappeurs du Mali et de la sous-région, la Nuit du Balafon avec Neba Solo en vedette et des jam sessions et Workshops animés par Cheick Tidiane Seck et ses invités.
Parmi les têtes d’affiche, Tartit, Chamra du Maroc, Amanar, Abdoulaye Diabaté, la Compagnie Blonba, Guimba et Michel, la troupe Acte 7 et Kari Coulibaly dit Madou Wôlô, entre autres artistes, ainsi que des plasticiens comme ceux du Collectif Bi Mali, les vidéastes du FAIVA organisé par le Centre Soleil d’Afrique, Abdoulaye Konaté, Amahiguere Dolo et Boubacar Doumbia (Ndomo), du Mali et Kofi Setordji du Ghana, et de grands spécialistes des arts et de la culture, comme les participants au Colloque de Ségou et aux Rencontres Artistiques Professionnelles.
«Comment vivre ensemble dans une perspective de paix durable au Mali?», tel fut le sujet de la causerie-débats qu’a abrité, le samedi 6 février 2016, la Mairie de Ségou, tandis que la Foire internationale, délocalisée cette année à la Fondation, a ouvert ses portes au public le 4 février, après le vernissage des expositions au Musée Koré et à la FFSN. Des projections de films ont aussi eu lieu, dont un hommage à Ali Farka Touré avec «Du Mali au Mississipi» et «Ngunu ngunu kan» de la jeune réalisatrice malienne Soussaba Cissé
Le Colloque de Ségou, précédemment nommé Forum Scientifique, qui a tenu sa première édition en 2005, est un espace international de discussions et d’échanges qui rassemble d’éminents chercheurs, créateurs et décideurs d’Afrique et d’ailleurs, qui formulent des propositions concrètes et pratiques sur les problèmes abordés et lancent des Appels de Ségou documentés.
Cette année, les penseurs et l’assistance ont traité du thème «Jeunesse et Citoyenneté», conscient du fait que «notre jeunesse est l’avenir de notre nation mais manque cruellement aujourd’hui de repères, avec un grand risque d’être instrumentalisée par les politiques, les narcotrafiquants et les extrémistes» ou, en désespoir de cause, de se lancer sur les océans en quête d’une vie meilleure.
Selon les animateurs du Colloque de Ségou, une solution à ce problème pourrait être «la formation de l’individu dans une dynamique de développement social par la culture accompagnée d’une éducation à la citoyenneté, pour permettre à la jeunesse de se positionner comme le dépositaire des divers acquis et le moteur des évolutions sociales».
Au chapitre des définitions, il a été rappelé par les organisateurs du Colloque que «pour l’ONU la jeunesse comprend les personnes dont l’âge est compris entre 15 et 24 ans inclus, tandis que le Commonwealth situe le jeune entre 15 et 29 ans et que l’UA et la CEDEAO entendent par jeune toute personne ayant entre 15 et 35 ans».
Quant à la citoyenneté, elle peut s’entendre dans deux sens. Dans le premier, l’idée de citoyenneté connote tout simplement l’appartenance à un pays, à un Etat, reconnue et attestée selon des critères qui varient selon les pays (naissance, ascendance, adoption, etc.) et matérialisée par la détention de pièces officielles d’identité délivrées par les autorités compétentes du pays. Elle confère des droits et des devoirs, et parfois des privilèges.
Mais cela suppose que l’on ne peut être citoyen que dans un Etat démocratique. Car en monarchie, il n’y a pas de citoyens, mais des «sujets», soumis à la volonté d’un pouvoir qui n’émane d’eux ni directement ni indirectement et qui peut leur être appliquée arbitrairement, sans avoir ni de justification à leur donner ni de compte à leur rendre.
D’où un second sens, plus exigeant, de la citoyenneté. Selon l’expert haïtien Mesguerre Saint-Pierre, la citoyenneté «s’entend dans le sens le plus large de la qualité du citoyen ou l’aptitude de ce dernier à s’impliquer pleinement dans la gestion ou la conduite des affaires de la cité». Elle comporte trois dimensions fondamentales: la participation, la cohésion sociale et la responsabilité.
Aujourd’hui, la question de la citoyenneté est un défi majeur et l’’éducation à la citoyenneté devrait être la solution adéquate aux différentes crises que vit notre planète, particulièrement le continent africain. Les participants au Colloque ont débattu de la question à travers différents sous-thèmes, comme «Crise socio-économique et éducation à la citoyenneté», «Jeunesse, liberté et démocratie» et «Discours artistique et conscience citoyenne».
Il s’agissait pour eux d’interroger les valeurs et les modèles que promeuvent la famille, l’école et les médias, de susciter la réflexion autour de la position des jeunes dans l’espace public (partis politiques, société civile, institutions de la république…) et d’aborder, en s’appuyant sur le paysage culturel malien et africain, l’art comme un cadre d’expression de la citoyenneté et un mode de transmission du patrimoine culturel, mais aussi comme un lieu de remise en cause de l’ordre établi et d’institution de nouveaux repères et références pour la jeunesse.
Les Rencontres Artistiques et Professionnelles se sont intéressées au thème «Arts et Développement social» et ont formulé à l’issue de leurs travaux des propositions pertinentes et pratiques pour aider à faire de l’art un secteur stratégique de développement social et de formation de l’individu en Afrique.
Signalons pour terminer que la participation au Festival sur le Niger 2016 était totalement gratuite et les accès à tous les sites, fortement sécurisés par les forces armées et de sécurité maliennes, des volontaires ségoviens et des sociétés privées, entièrement libres.
Aucun incident n’a été déploré, ce qui est devenu l’une des «marques de fabrique» de l’évènement créé par Mamou Daffé et ses partenaires ségoviens, du Mali et de l’étranger. Vivement l’édition «normale» 2017 du Festival sur le Niger, 13ème du genre!
Ramata Diaouré