Transition au Mali atrophié : Qui va ou doit présider ?

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Les médiateurs dans la crise institutionnelle et sécuritaire au Mali, la junte militaire organisée en Cnrdre, les autoritaires intérimaires, la classe politique et la société civile ne parviennent toujours pas se mettre d’accord, malgré les nombreux voyages des uns et des autres, sur cette question que tous croient essentielle : qui va présider la transition ?

 

Amadou Haya Sanogo et Djibrill Bassolé . © AFP

Le putsch et la gestion de ses conséquences ont eu pour mérite de définir le clivage des forces vives de la nation en droite, gauche et centre, sans oublier les extrêmes et les ultras. Selon les intérêts des uns et des autres, se pose la question de savoir qui sera le président de la transition. La question a été à l’ordre du jour durant toute la semaine écoulée entre le médiateur et les forces vives de la nation.
Depuis le 22 mars 2012, la classe politique et la société civile sont déchirées entre les différentes options à suivre pour sortir le Mali de la très grande crise institutionnelle et politique dans laquelle elle patauge lamentablement. D’une part, le FDR (Front uni pour la démocratie et la république), Front du refus du coup d’Etat militaire perpétré dans la nuit du 21 au 22 mars. Composé de plusieurs syndicats et associations, partis et mouvements politiques, dont le Pasj et l’Urd, les deux plus importantes formations de la place, le Fdr réclame le retour à l’ordre ancien, au processus démocratique enclenché depuis le 26 mars 1991. Face à lui, la Copam (Coordination des organisations patriotiques du Mali) qui exige une rupture totale d’avec l’ordre ancien et la reprise d’un processus démocratique vicié depuis son début par des intérêts personnels et particuliers.
Entre les deux se trouvent d’autres partis et mouvements politiques qui se veulent centristes ou modérés. Mais aussi le Cnrdre et la communauté internationale rangée derrière la cédéao.
Mais surtout depuis le 22 mars, le Mali est dans l’impasse. Notamment en ce qui concerne la transition politique qui doit suivre la période d’intérim.
Si le Fdr réclame le retour à l’ordre constitutionnel, ce n’est certes pas pour remettre le pouvoir au président déchu, d’ailleurs démissionnaire, Amadou Toumani Touré mais pour permettre à un chef de parti politique, Dioncounda Traoré, ancien occupant du perchoir de l’Assemblée nationale et actuel président de la République par intérim, d’assurer la présidence de la transition et d’organiser des élections générales qui permettront à ses composantes de revenir au pouvoir.
Quant à la Copam, adoubée par le Cnrdre, il estime que la junte ne doit pas être écartée de la gestion du pouvoir de la transition après le « rôle historique » qu’elle a joué en renversant un ordre « pourri ».
Si les uns sont unilatéralement d’accord pour une période de transition de douze mois avec Dioncounda Traoré comme président de la transition, les autres ne se prononcent pas pour une durée déterminée mais ne sont d’accord avec les « ordres » de la Cédéao d’Alassane Dramane Ouattara qui jurent avec l’Accord-cadre de la Cédéao de Blaise Compaoré. Ce document parle d’une disposition que réclame le Front favorable au putsch : la tenue d’assises populaires (conférence nationale, congrès du peuple, conférence souveraine, c’est selon) au cours desquelles seront tranchées les questions relatives à la durée et aux organes de la transition.
Au regard des positions tranchées des uns et des autres, et de considérations objectives, la question de savoir qui va diriger la transition est futile et mesquine. Car il s’agit plutôt de savoir qui « doit » être le président de la transition.
Il est vrai que la communauté internationale ne compte accorder son aide qu’à un « gouvernement démocratiquement constitué ». Or, dans un pays amputé de 66% de son territoire, séparé de plusieurs centaines de milliers de ses populations, doté d’un président décoratif, d’un gouvernement sans autorités, d’une junte sans statut officiel, d’institutions inopérantes, il est impossible d’asseoir un pouvoir démocratiquement élu. De même, la situation créée dans le nord du pays ne pourrait trouver une issue favorable (si jamais elle devait en trouver une) avant trois, quatre voire cinq années. D’où la nécessité d’une transition de même durée.
Les questions fondamentales que se posent les forces vives de la nation et le médiateur burkinabé tournent autour de deux points essentiels. Dans l’ordre logiquement et tragiquement prioritaire, il s’agit de la libération du nord (avec le retour de la paix, de la sécurité et des populations déplacées ou exilées) et l’organisation d’élections libres, transparentes, crédibles et démocratiques. Ces questions, avec la bonne foi et l’honnêteté intellectuelle de tous, ont leurs solutions dans cet autre questionnement : Après l’échec de la très probable éventualité, maintenant, de dialogue avec les forces armées hostiles occupant le nord, que reste-t-il ? Pour l’organisation d’élections libres et démocratiques ne faudrait-il pas une administration et des agents électoraux neutres ? Pour la première question, après le dialogue, il ne reste que la solution militaire apportée nécessairement par les forces armées et de sécurité avec l’aide de la communauté internationale. Concernant la seconde, il s’agit encore des militaires, la junte ayant déclaré que ses membres ne sont pas intéressés par l’exercice du pouvoir politique au terme de leur mission d’assainissement public.
En définitive, la logique choisit incontestablement le Cnrdre. Pour diriger la transition, quelque soit sa durée, pour appliquer une solution militaire dans le nord, quelque soit son efficacité, pour organiser des élections transparentes, quelqu’en soit le calendrier.
La junte (qu’on l’appelle ancienne ou nouvelle, ex ou néo) est donc incontournable. D’autant plus que depuis le 22 mars, le Cnrdre est la seule autorité reconnue par la communauté internationale, et son seul interlocuteur légitime et légal pour avoir été le cosignataire, avec la Cédéao, de l’Accord-cadre qui trace l’avenir du Mali.
Alors à quoi joue-t-on ?
Cheick Tandina

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