Soumeylou Boubeye Maïga à propos de la question sécuritaire : “Pas de possibilité de mise en œuvre de l’Accord si l’Etat ne parvient pas à exercer sa souveraineté sur l’ensemble du territoire…”

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Le samedi 9 août 2016 dans la matinée, Soumeylou Boubèye Maïga a animé à la Maison de la presse du Mali une conférence sur le thème : Situation sécuritaire : défis et enjeux”. Avec deux cartes à l’appui, pour mieux faire passer son message, Soumeylou a prouvé une fois de plus qu’il est l’un des grands experts en la matière. Naturellement, l’Accord pour la paix s’est invité aux débats et ses positions restent tranchées.

Après avoir présenté la situation actuelle, caractérisée par “un regain  d’activités de groupes terroristes que l’on croyait affaiblis et dotés de moyens importants” en plus de nouveaux groupes qui émergent, Soumeylou Boubèye Maïga a insisté sur la nécessité de revoir les différentes réponses apportées jusque-là et qui n’ont pas produit les résultats attendus. Après un exposé de près d’une heure pour présenter la situation sécuritaire, notamment avec les groupes présents sur le terrain et leur localisation, Soumeylou de préciser que malgré leur concurrence apparente, ces groupes ont de plus en plus tendance à mutualiser leurs capacités de nuisance. Ce qui explique la double revendication souvent notée, suite à un coup frappé par un de ces groupes. Mais il relèvera le parrainage exercé par Aqmi qui s’appuie sur ces groupes pour agir. Et le développement des activités terroristes au centre du pays complexifie la question. Mais il faut retenir, à le croire, que les groupes terroristes s’appuient sur les populations locales qui ont les mêmes récriminations que celles du nord du pays. “Il y a un brassage qui se fait de plus en plus entre les groupes armés et les populations dans leur entreprise d’occupation progressive du territoire”. Ce brassage est un des facteurs de l’extension du phénomène qui devient transfrontalier si l’on sait que les membres d’une même famille ou d’une même ethnie vivent de part et d’autre de nos frontières, laisse-t-il entendre.

Mais il faut retenir “la proximité entre les zones de recherche et de production et celles de conflit. Un espace privilégié par rapport à la criminalité transfrontalière”, précise Soumeylou, pour faire remarquer que cette zone d’intervention des groupes armés, bien qu’étant la sphère musulmane majoritaire de l’Afrique,  est la zone de tous les trafics : cigarettes, drogues, armes, etc. “Si le trafic de drogue et de cigarettes ne passait plus par là, les réseaux mafieux seraient affaiblis”, affirme le conférencier du jour.

Soumeylou a aussi révélé qu’en dessinant la carte de cet espace occupé par les groupes terroristes, on se rend compte que c’est la copie conforme de celle de l’Ocrs et du projet américain d’intervention dans cette zone appelée Initiative Bande Sahel. C’est la preuve que cette zone qui suscite beaucoup d’intérêt, fait l’objet d’études depuis les années 1960-70, a-t-il précisé. Ce qui laisse apparaître des enjeux géopolitiques importants. C’est pourquoi, il faut faire du Sahel un espace commun de développement où il faut articuler: sécurité-développement-gouvernance, préconise-t-il.

Il a reconnu que des efforts ont été entrepris en termes de réponses au terrorisme, mais elles demeurent insuffisantes parce que la plupart manquent de pertinence. Au plan international, les nombreuses initiatives souffrent d’un manque d’harmonisation. Au niveau national, il a cité des axes importants d’action pour donner un socle institutionnel à la diversité culturelle du pays : revoir la gouvernance territoriale et restaurer la puissance publique de l’Etat.

“L’Etat doit démontrer sa capacité à assurer la sécurité au plan militaire “

Pour la gouvernance territoriale, Soumeylou Boubèye Maïga précise qu’elle doit être revue pour permettre aux populations de prendre en charge leur développement sur la base des spécificités locales. Il s’agit de faire de la décentralisation une réalité, en passant par des organes intérimaires assurant une véritable transition vers des organes élus. Cela doit concerner toutes les régions du pays car elles ont toutes des attentes fortes en matière de développement et de démocratie, dit-il.

A ce niveau, il attire l’attention sur la nécessité de faire la différence entre les circonscriptions administratives et les circonscriptions électorales. Et il rappelle que “si on ne fait pas cette différence, on va vers un déni de démocratie car les minorités seront plus représentées que les populations”. Il explique à ce sujet que l’Assemblée nationale représente les populations et que le Haut conseil des collectivités territoriales (cela peut être aussi le Sénat) représente les territoires. En ce qui concerne la restauration de la puissance publique de l’Etat, “l’Etat doit démontrer sa capacité à assurer la sécurité au plan militaire “, dit-il. Non seulement garantir la sécurité des populations, mais aussi assurer la présence permanente des démembrements de l’Etat sur l’ensemble du territoire pour soustraire les populations de l’influence des groupes armés. “Si l’Etat a une victoire militaire mais n’est pas sur le terrain, ce vide administratif est exploité par les groupes qui alimentent les récriminations des populations et favorisent ainsi l’émergence de groupes armés”, s’exclame-t-il. Mais n’est-on pas dans cette dynamique avec l’Accord pour la paix? lui demande-t-on. Soumeylou Boubèye Maïga est très clair : “Pas de possibilité de mise en œuvre de cet Accord si l’Etat ne parvient pas à exercer sa souveraineté sur l’ensemble du territoire. Et dans la logique de tous les accords précédents, il y a trois principes non négociables, à savoir l’intégrité du territoire, l’unité nationale et la souveraineté nationale“. “Il y a lieu d’un débat national sur notre architecture institutionnelle pour répondre aux attentes des populations”, rappelle Soumeylou qui ajoute : “Il faut un consensus national sur les questions fondamentales et c’est pourquoi la conférence d’entente nationale est une priorité pour s’entendre sur l’essentiel, sans nuire en rien le pluralisme politique”. Mais en attendant, il préconise l’installation de collèges transitoires à la tête des collectivités et qui seront chargées de gérer la période transitoire. Mais, avertit-il, il faut faire attention à leur composition pour qu’ils ne soient pas une source de frustrations et de conflits.                            

 A.B. NIANG

 

 

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3 COMMENTAIRES

  1. Boubeya sa suffit la politique n’est pas un métier c une vocation il est temps de laissé la place de au autres

    • Rejoindre la discussion une fois qu’on regarde la situation a travers l’évolution de l’événement on voit l’évêque des paroles. Il faut que les politiques évites l’amateurisme. Il faut bien métriser la situation avant de parler surtout quand on es responsable politique. Souvent on se sent perdu a travers certains déclarations . C’est la vie de la Nation qui est en jeu. Je demande un peut de sérénité. Vive le Mali

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