Ce panel était le premier des trois prévus au programme de la première journée de l’atelier de Sélingué. Un atelier qui du 31 mai au 1er juin, a réuni autour de la stratégie de mobilisation sociale pour la paix et la réconciliation au Mali, certains des plus importants journalistes et directeurs de publications de la presse écrite, radio, TV et numérique, ainsi que les responsables du Réseau des Communicateurs Traditionnels (RECOTRAD). Appuyé financièrement, mais aussi et surtout techniquement par la MINUSMA, et sa section des Affaires Politiques, cet atelier a été initié par le Ministère de la Réconciliation Nationale et du Développement des Régions du Nord, en collaboration avec la Maison de la Presse et les associations de presse du Mali.
« Après les assises nationales sur le nord, les deux forums de Gao et Tombouctou, nous nous étions fixé comme objectif d’assurer une plus grande participation et surtout un meilleur accompagnement des différents médias dans le processus de paix et de réconciliation. Dès lors, nous avons convenu avec nos partenaires de la MINUSMA, en collaboration avec nos organisations respectives, de programmer cette rencontre qui va nous permettre d’échanger, de partager, de comprendre les enjeux et surtout de nous amener à nous entendre sur ce qu’il convient de faire en terme d’information, de sensibilisation, d’éducation des populations, de motivation des acteurs et des cibles, des impératifs de notre cheminement vers la paix, avec l’exigence de recoudre le tissu social affecté et de reconstruire un nouveau contrat social au Mali afin de réussir la refondation de l’état pour une gouvernance responsable qui intègre l’ensemble des forces vives de la nation au centre desquelles les jeunes et les femmes. Les communicateurs que vous êtes avez une place importante dans la dynamique de la restauration de la confiance entre les maliens. »
C’est en ces termes que le Secrétaire Général du Ministère de la Réconciliation Nationale et du Développement des Régions du Nord s’est exprimé lors de l’ouverture officielle des travaux.
Avant de déclarer ouvert cet atelier des médias, M. Athaer AG IKNANE, a tenu à remercier les partenaires de l’opération au premier rang desquels la MINUSMA, « dont l’appui inestimable nous a permis de tenir cette rencontre dans un cadre convivial et magnifique ».
Et ce cadre magnifique n’est autre que le village de Sélingué, sur les rives du Sankarani dans la commune de Baya. Un endroit calme, propice aux échanges et au partage de réflexions, idéal pour produire un travail de fond, comme celui attendu des participants à cet atelier.
Mettre en place le socle sur lequel bâtir « la stratégie de mobilisation sociale pour la paix et la réconciliation » telle était la mission des participants. Pour ce faire, la méthodologie était simple : la première journée était consacrée à l’exposé de trois thèmes, la seconde au travail des trois groupes sur chacun de ces trois thèmes et la journée de clôture consacrée à la synthèse des travaux. Concrètement, cette première rencontre avait pour objectifs d’identifier les différents groupes cibles, leurs préoccupations, leurs attentes, ainsi que les canaux pour les atteindre ; de dégager les approches de communication sociale plurielles ainsi que les supports adaptés aux différentes composantes et enfin, de développer une stratégie et un plan d’action pour la mise en œuvre des activités de promotion et mobilisation sociale pour la paix.
Au regard de ces objectifs, on comprend mieux le choix des thématiques et des panelistes. Ainsi, à la suite de Cheick T. SY et « la responsabilité sociale du communicateur », c’est le Dr Mamadou Fanta SIMAGA, homme de culture, pharmacien et ancien Député-Maire qui a tenu une discussion sur le thème : « les ancrages psychologiques, les formes de coopération et de solidarité entre les populations cibles à la base ». Le communicateur a essentiellement mis l’accent sur le consensus qui est la base de la culture malienne. Il rappelé quelques valeurs socioculturelles telles que : la solidarité, l’humilité, la connaissance de soi, la connaissance et la réhabilitation historique de certaines figures et valeurs morales.
Dans sa présentation, le Dr SIMAGA a également interpelé la salle : « On a ignoré le nord… depuis l’indépendance, on fête Soundiata, Damonzon etc… Qui fête la reine Tamasheq Lakaina ? C’est elle qui a fait l’unité des tamasheq et qui a dit que tant qu’elle sera vivante, aucun envahisseur ne pénétrera dans le Sahara… En 690 soit 5 siècles avant l’avènement de Soundiata. Qui parle d’elle ? Personne ? On aurait dû lui ériger un monument à Kidal et on ne l’a pas fait… ». Les débats qui ont fait suite à l’intervention du Dr SIMAGA étaient modérés par Ben Chérif Diabaté, communicateur traditionnel et membre fondateur du RECOTRADE.
Gaoussou DRABO, journaliste, ancien directeur de l’AMAP, ancien ministre et ancien ambassadeur du Mali a présenté le dernier module sur le thème : « Mode, outils et canaux utilisés par les medias pour contribuer à la paix et à la réconciliation nationale ».
Dans son intervention, M. Drabo a d’abord relevé les forces et les faiblesses de la communication gouvernementale en décrivant les différents rapports que peuvent avoir l’exécutif, les professionnels des médias et le grand public, face au traitement de l’information en temps de crise : « Les uns veulent maîtriser l’information, les autres la connaitre et la véhiculer vite et le grand public : la comprendre ». Dans le contexte actuel, il a fait quelques suggestions portant sur les erreurs dans le traitement de la question du Nord du Mali entre la chute du pouvoir de Mouammar KADHAFI et le putsch du 22 mars 2012, les conséquences de la longue occupation du septentrion malien par les groupes armés et terroristes, ainsi que les effets du lent retour à la normale après la libération du Nord du Mali. Pour contribuer efficacement au règlement de la crise et la reconstruction du pays et plus particulièrement de ces régions Nord, il faut selon lui, éviter la rétention abusive de l’information. « Aujourd’hui, avec les téléphones portables, internet, les technologies de la communication en générale, on ne peut plus rien cacher. Il y a 7 ou 8 ans en arrière, on pouvait encore essayer de « gérer » l’information à sa guise. Mais, à l’heure actuelle, si l’on fait de la rétention d’information et qu’on ne laisse pas le journaliste faire son travail et donner la vraie information, alors, c’est le témoignage empreint d’émotion et de partialité ou la rumeur, qui auront valeur de nouvelles et d’informations. » Pour M. DRABO, il faut prévenir la réédition des phénomènes négatifs en continuant à travailler sur une analyse exhaustive des raisons qui ont conduit le Mali dans la crise et trouver le moyen de maintenir cette analyse dans le fil de l’actualité. Le dialogue inter et intracommunautaire et la promotion des échanges entre le nord et le sud du pays sont également à encourager.
De façon plus technique, le spécialiste qu’est l’ancien Ministre de la Communication a préconisé un dispositif opérationnel qui consiste à la mise en place d’une cellule de coordination et de veille au niveau du Ministère de la Réconciliation Nationale; l’établissement d’un Code de bonne conduite auquel souscriraient toutes les organisations professionnelles de la presse et de la communication ; la désignation autant que possible au sein des rédactions d’un ou de plusieurs journalistes spécialisé dans le traitement des dossiers liés à la réconciliation nationale. Le Ministre DRABO recommande encore que soit organisés régulièrement, des ateliers d’information à l’intention des journalistes et des communicateurs sur les avancées obtenues en matière de réconciliation nationale et l’organisation d’un espace de débats bimensuels ou hebdomadaires sur les initiatives de réconciliation nationale sur les radios et télévisions, entre autres. Informer, Expliquer et Persuader, c’est ce vers quoi il convient de se diriger. Telle fut la dernière chose à retenir de l’intervention de M. DRABO. Ce module qui a fait cas de quelques-uns des défis majeurs qui se posent, non seulement à la presse et au monde de la communication du Mali, mais aussi à la société malienne dans son ensemble, a été modéré par Moussa OUANE, Cinéaste-Réalisateur et Directeur du Centre national de la Cinématographie du Mali CNCM.
Le lendemain matin, communicateurs traditionnels et journalistes, se sont regroupés, autour des thématiques développées la veille et ce, au sein de trois groupes différents. Chaque groupe était chargé de dégager des recommandations sur la base des savoirs précédemment reçus et partagés. En fin de journée, les rapporteurs des différents groupes se sont réunis pour restituer le travail effectué.
Ainsi, le premier groupe chargé de réfléchir sur la responsabilité du communicateur est arrivé à la conclusion qu’il fallait déterminer un certain nombre d’engagements auxquels doivent souscrire communicateurs et surtout journalistes. Au nombre d’une dizaine, ils vont de la formation des journalistes, à la mise en place d’un cadre de concertation des professionnels des médias dans le cadre du respect de l’éthique et de la déontologie à travers des rencontres mensuelles (Maison de la presse), en passant par la promotion de la paix et de la réconciliation. Lorsque les autorités invitent les journalistes à réfléchir sur leurs responsabilités, cela pourrait apparaître aux yeux de certains comme étant du dirigisme ou pire une entrave à la liberté d’expression. Dans le cas de l’atelier de Sélingué, les avis des journalistes sont loin de telles considérations, comme le prouve les propos de Maïmouna COULIBALY, journaliste à la radio BENKAN de Bamako : « Le journaliste est aussi un citoyen, nous avons ce pays en commun et les dérapages ne sont pas loin et proviennent la plus part du temps du non-respect des règles. Dans notre groupe, tout le monde a compris que nous devons nous rassembler et nous engager pour aider notre pays. »
Un plan d’action ! C’est ce à quoi ont abouti les travaux du deuxième groupe autour du rôle de l’histoire, la culture, les valeurs religieuses, les us et coutumes dans la promotion de la paix, de l’entente et de la réconciliation nationale ainsi que de l’organisation de la mobilisation sociale. « Dans nos traditions, il y a beaucoup de solutions aux problèmes que nous vivons. Le Mali ne s’est pas construit en un jour et tout le monde y a mis du sien. Il faut donc beaucoup de tolérance. « Ka ko to niogon ta la », autrement dit : faire des concessions ». Ainsi s’exprimait Alhassane Alousseini SAMAKE, griot Songhaï et représentant du RECOTRADE à Gao. Ainsi, les membres de ce groupe ont envisagé des activités de terrain à la base, avec les populations et les leaders coutumiers et religieux. Il s’agit entre autre de rencontres avec les chefs traditionnels sédentaires et nomades pour mettre en place le cadre logique de la réconciliation, des émissions Radio-Télé et conférence sur la valorisation des alliances intercommunautaires, ou encore des rencontres sportives.
La création d’une banque d’informations fiables et vérifiées ainsi que la mise en place d’un Bureau de Coordination et de Veille (BCV) avec ses démembrements dans les localités, sont quelques-uns des éléments phare du plan de communication produit par le troisième groupe sur le thème : « Mode, outils et canaux pour la contribution à la revitalisation des liens, la normalisation des rapports et la mobilisation des acteurs pour la paix et la réconciliation nationale ». Figurent également dans ce plan, l’organisation de débats ou encore la tenue de caravanes de presse et bien d’autres activités.
Voici donc l’impressionnant bilan, au terme des soixante-douze heures de conclaves du monde de la communication et de la presse malienne à Sélingué.
Mamadou COULIBALY, chargé de mission au Ministère de la Réconciliation Nationale et le Développement des Régions du Nord, considère que ces rencontres avec la presse et les communicateurs traditionnels ont été très satisfaisantes. « Nous trouvons là un atelier qui comble nos attentes, mais, le plus important c’est que les participants eux-mêmes, à l’issue de cet atelier, soient convaincus que le travail qui vient d’être fait était utile et à faire et je pense, qu’au sortir de cette journées cette appréciation positive est déjà là et cela nous réconforte. »
Effectivement, au regard des résultats de cet atelier, on peut sans se tromper, affirmer que les participants ont été convaincus du bienfondé de la démarche.
L’atelier de Sélingué fut donc une réussite. Une réussite dont se félicite aussi bien les participants et les organisateurs, que leurs partenaires, au premier rang desquels la MINUSMA qui envisage d’ores et déjà de continuer à soutenir les efforts de la presse et des communicateurs.
Source: Mission des Nations Unies au Mali – MINUSMA