Section syndicale des surveillants de prison : Le secrétaire général, Lieutenant Brahima Sogodogo : « Les conditions des surveillants de prison sont marginales et injustes au Mali ».

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« Au Mali, les conditions de vie des surveillants de prison sont horribles », considèrent ceux-là qui s’estiment les oubliés de l’administration alors que, paradoxalement, ils exercent pour la société   une mission de sécurité. Pour avoir d’amples informations sur les problèmes auxquelles les surveillants de prison sont confrontés et sur les conditions de vie des prisonniers, nous avons rencontré le contrôleur des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée, en même temps secrétaire général de la section syndicale des surveillants de prison, le Lieutenant Brahima Sogodogo. 

 

 

Le Guido : Parlez-vous un peu de la naissance du service pénitentiaire et de l’éducation surveillée. 

Lieutenant Brahima Sogodogo : Il est important de savoir que le corps du surveillant des prisons est un corps chargé de la gestion  de l’administration pénitentiaire. Cela veut dire que le  service pénitentiaire a été créé avant le corps. Il existait depuis les années 1990. Les événements de 1994, notamment la radiation des 800 élèves gendarmes, ont conduit l’Etat, suite a des enquêtes qui ont conclu que les jeunes devaient être recrutés et repris par l’Etat. Parce que les motifs de la radiation n’étaient pas suffisants ou qu’ils n’étaient pas les seuls fautifs. Le comité a suggéré qu’ils soient recrutés ailleurs, notamment dans le corps de l’administration pénitentiaire et de la protection civile. La majorité a été envoyée dans le corps des surveillants de prison et du coup a consacré la création de ce corps.

Depuis ce jour, notamment en 1997, il y a eu d’autres promotions qui ont suivi, la promotion du centre spécialisé pour femmes, entre autres.

 

 

 

Que reprochez-vous aux autorités maliennes ?

L B S : Je dirais que les circonstances que je viens d’évoquer, sont les raisons principales qui ont fait que ce corps a été mal structuré. La Direction de l’Administration Pénitentiaire étant créée depuis 1990, l’Etat devait entreprendre des démarches techniques, des études de faisabilité de création  d’un corps spécialisé en la matière. A l’époque, le gouvernement n’a pas jugé nécessaire de mettre en place de commission technique pour mener des études techniques. Ce corps existe dans beaucoup de pays dans le monde. En l’absence d’étude d’une commission technique, le corps a été créé avec des éléments de l’ossature d’un statut, en ignorant complètement les aspects  spécifiques  de ce corps qui est un corps paramilitaire, un corps intervenant dans le domaine de la sécurité publique, régi par un statut.

Parlant du problème de ce corps, je dirai qu’il n’y a même pas de solution. Tous les problèmes existent depuis le recrutement, le traitement salarial, aux dotations et à la structuration, pour ne citer que ceux-là.

 

 

 

Auriez-vous été déçu par les conditions de travail ?

L B S : Les surveillants de prison sont complètement déçus par leurs conditions de vie. Je suis bien placé pour le savoir, puisque je suis secrétaire général du syndicat de l’Administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée. Ces personnels sont oubliés de l’Administration, de la société, soumis à des traitements d’esclavagistes. Parce qu’on ignore tous nos droits et  chaque fois que nous les avons revendiqués, les différents gouvernements nous ont aussitôt rétorqué que nous ne sommes pas une force de sécurité, parce que n’exerçant aucune une mission de sécurité. Ce qui est complètement aberrant, car au contraire de l’administration pénitentiaire de la France,  du Sénégal, du Burkina Faso, de la Cote d’Ivoire, le Mali est le seul pays, aujourd’hui, où les surveillants de prison sont encore considérés comme une force  non sécuritaire. Ce qui est contraire aux principes fondamentaux mêmes de l’Etat. Parce que dans un Etat, en ce qui concerne la répression, « nul ne peut s’exercer dans ce domaine, si ce n’est qu’une force publique notamment une force exerçant au compte de l’Etat ».

 

 

 

Les  surveillants de prison sont complètement déçus, mais il y a lieu de signaler  qu’avec le nouveau ministre de la justice, Me Mohamed Aly Bathily, l’espoir renait. Il nous a promis, lors de la présentation de vœux, qu’il reconnait les insuffisances et il s’est engagé à nous mettre dans nos droits courant 2014. Nous espérons que ce ne sera pas un engagement comme par le passé. Nous sommes un corps victime de marginalisation dans l’administration de notre propre pays.

 

 

 

Quels traitements réservez-vous aux prisonniers ?

L B S : Concernant les détenus, il faut d’abord aller voir au fond, notamment la politique  nationale carcérale du Mali. Si au Mali, on veut aller à la politique d’amélioration de condition de vie des détenus, en ignorant le personnel chargé d’appliquer cette politique, je pense qu’on fait fausse route. Par rapport au traitement des détenus, je peux tout simplement dire qu’au delà des maigres moyens que l’Etat a mis à la disposition du service public pénitentiaire pour gérer les détenus, il  ya d’autres aspects qui rentrent en compte. C’est pour cette raison que nous demandons d’abord que cette politique soit mieux appliquée. Pour cela, il faut que les agents chargés de l’exécution de cette politique soit dotés d’un moral de fer et cela ne peut se faire si eux-mêmes sont victimes d’injustice et de marginalisation. On se débrouille avec le peu que l’Etat nous donne. La formation est nécessaire et impérative.

 

 

 

Quel appel avez-vous à lancer aux autorités maliennes ?

L B S : Je lance un appel aux nouvelles autorités du Mali, en premier lieu au ministre de la justice : Nous osons croire que ce gouvernement est un gouvernement de changement qui est chargé de rebâtir le Mali nouveau sur des bases de justice et d’équité. Le cas d’injustices que nous vivons doit trouver sa solution avec ce gouvernement, des hommes et femmes de parole, de changement.

Nous allons observer si les choses évoluent. Alors ce sera tant mieux, nous rendrons grâce à celui qui le méritera. Mais dans le cas contraire nous informerons l’opinion nationale sur l’évolution des conditions marginales  et injustes des surveillants de prison au Mali.

 

Interview réalisée par Lassana Coulibaly

 

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