Sanction de la communauté internationale contre le Mali : Les conséquences de l’embargo

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Depuis le lundi 2 avril,  le Mali est sous embargo total de la CEDEAO. Toutes les mesures diplomatiques, économiques, financières et autres sont dès lors applicables dans le pays et ne seront levées que lorsque l’ordre constitutionnel sera effectivement rétabli. Mais bien avant cela, quels impacts cet embargo va-t-il provoquer sur le pays et ses populations ?
Réunis à Abidjan, les ministres des Finances de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont en conséquence pris un certain nombre de mesures conservatoires. Les différents établissements financiers de UEMOA, notamment la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), ne doivent désormais entretenir des relations qu’avec les personnes disposant d’habilitations conférées par un gouvernement légitime de la République du Mali. Ce qui proscrit donc toute relation avec la junte. En conséquence, la BCEAO suspend tout mouvement de fonds sur les comptes ouverts dans ses livres au nom du Trésor public malien. La Banque centrale n’effectue donc plus d’opérations avec le Trésor malien, à l’exception de quelques règlements en cours. Concrètement, il s’agit d’assécher le Trésor malien qui, à terme, risque de ne plus être en état de payer les fonctionnaires ou les militaires. Les fonds alloués chaque année au budget malien par la BCEAO en bons du trésor sont de l’ordre de 90 à 120 milliards de FCFA, soit environ 10% du budget malien qui est d’environ 1 000 milliards de FCFA.
En revanche, la BCEAO continuera à effectuer des opérations avec les établissements de crédits maliens, autrement dit avec les banques privées. Selon un économiste, il ne s’agit pas d’un embargo aussi dur que celui qui avait frappé la Côte d’Ivoire. Du coup, le Mali est devenu le pays de tous les dangers et de toutes les attentions car à la demande de la France, le Conseil de sécurité s’est penché avant-hier sur le cas malien. Et hier, la junte militaire au pouvoir a rejeté la demande des pays de la CEDEAO de se retirer. Elle propose la réunion d’une convention nationale dès aujourd’hui. Actuellement, les prix flambent sur les marchés concernant les produits de première nécessité. Et si rien n’est fait d’ici là, plusieurs boutiques mettront la clef sous le paillasson,  en attendant…le déluge.
Inquiétudes à Bamako…
Dans la capitale malienne, les populations sont inquiètes et craignent des pénuries, notamment en ce qui concerne les hydrocarbures. Les stations d’essence ont été prises d’assaut par des automobilistes qui remplissent le réservoir de leur véhicule. D’après le président du Conseil malien des chargeurs, Ousmane Babalaye Dao, le pays aurait à peu près une semaine de réserve d’hydrocarbure. En tout cas, la société Energie du Mali (EDM-SA), qui assure la production et la distribution d’électricité, a commencé à procéder à des délestages par précaution. En effet, faute d’approvisionnement en provenance de l’étranger, les centrales thermiques maliennes risquent de se retrouver à cours de carburant.
Les exportateurs s’inquiètent également. Le Mali est le premier producteur de coton d’Afrique, après l’Egypte. Les producteurs risquent de se retrouver avec des stocks importants, d’autant plus que cette année, la CMDT (Compagnie malienne de développement textile) affichait l’ambition de doubler sa production par rapport à 2011 : 260 000 tonnes. Les producteurs de mangue, produits périssables essentiellement vendus en Europe, espèrent que l’embargo sera levé d’ici quelques jours, car la saison va commencer.
… Et dans la région du Nord
Les pénuries se font sans doute sentir plus durement dans les villes du Nord occupées par les rebelles touaregs, notamment Tombouctou et Gao. La circulation entre le Sud et le Nord est pratiquement interrompue dans le sens Sud-Nord. En revanche, des gens fuient les régions du Nord pour gagner Ségou ou Bamako. Les opérateurs économiques et les banques de Tombouctou et Gao ont été victimes de pillages. D’après les témoignages recueillis par Ousmane Babalaye Dao auprès de patrons dans les villes du Nord, c’est à Gao que la situation est la plus critique. L’essence est aussi devenue une denrée rare et chère : environ 1 000 FCFA le litre (1,52 euro, NDLR). De leur côté, les propriétaires de véhicules ont peur de se faire braquer. « Il y a les rebelles, il y a les milices, il y a aussi les voleurs ! Ils entrent dans la maison, ils braquent le propriétaire, ils prennent sa clé et ils partent avec la voiture ! Cela arrive dans toute la ville ! », expliquent-ils.  Les islamistes d’Ansar Dine promettent de restaurer la sécurité en faisant passer leur message. « Ansar Dine dit que tout ce que tu prends et qui ne t’appartient pas, c’est « haram », ce n’est pas bon. Ce sont eux qui récupèrent le bien des gens et ils le mettent dans la rue. Ils demandent aux gens de dire « Allah Akbar » et de reconnaître que Dieu est le seul et unique, et d’adhérer à leur mouvement », fustige un autre. De leur côté, les rebelles du MNLA appellent à rejoindre leur combat pour l’indépendance de l’Azawad. Ils diffusent leurs communiqués sur une radio locale, la seule qui continue de fonctionner à Gao. Impossible de regarder la télévision publique (ORTM) ou d’écouter RFI en FM : les émetteurs ont été endommagés.
La CEDEAO a mis en alerte une force de 3 000 hommes. Si la situation au Mali continue de se détériorer, le Conseil de sécurité pourrait donner un mandat de l’ONU à la CEDEAO  pour intervenir militairement au Nord. Dans cette avancée des rebelles touaregs et des islamistes, la Russie, l’Inde et l’Afrique du Sud voient les conséquences de la chute de Mouammar Kadhafi et du flot d’armes libyennes qui alimente les groupes armés de la région. Parmi les sanctions individuelles prises par l’Union africaine, il y a le gel des comptes et l’interdiction de circuler au sein des pays de l’Union pour tous les putschistes. Ces mesures s’appliquent également aux rebelles qui perturbent l’ordre au Nord-Mali.
Paul NGuessan

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