Rétrospection : Libération du nord Le jour d’après ? Pas pour demain

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Pour la libération des régions du nord et du centre, la France a lancé, à partir du 11 janvier dernier, l’opération Serval contre les occupants, c’est-à-dire Aqmi, Ansar Eddine, Mujao, Boko Haram, des groupes terroristes et jihadistes qui sévissent depuis des années. Si la France a dû intervenir pour arrêter l’avancée des terroristes vers le sud du pays, ce sont les pays africains, notamment ceux de la Cédéao, en principe, qui devaient mener la guerre de reconquête derrière ou aux côtés, c’est selon, des forces armées et de sécurité maliennes. Mais après plusieurs constats et évaluations d’experts et spécialistes des questions militaires, il s’est vite avéré que l’armée malienne n’est pas opérationnelle.

La Cédéao, qui s’est emparée du dossier malien, a alors envisagé la constitution de sa force d’intervention en attente. Les présidents et chefs d’état-major de la sous-région s’étaient réunis à plusieurs reprises sans pour autant produire un concept opérationnel convenant au Conseil de sécurité appelé à approuver ce plan. Avec l’implication active de la France, dont le nouveau président a fait un véritable plaidoyer pour le Mali, un plan d’intervention a fini par aboutir à la Résolution 2085 qui a permis la constitution de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma) sous l’égide de l’Union africaine. Si au début, la Cédéao avait annoncé un effectif de 3 300 soldats issus des pays membres, la réalité du terrain et l’état des armées des pays de l’organisation sous-régionale se sont vite imposés: il faut vite revoir ces chiffres à la hausse. Surtout que devant être menée sous le mandat de l’Union africaine, la Misma a enregistré la participation de pays hors Cédéao comme le Tchad, le Burundi, le Rwanda, l’Afrique du Sud, etc. Les effectifs annoncés passeront alors à 6 000 puis à 7 000. Avec l’implication effective de la France dont l’opération Serval nécessite la présence, aujourd’hui, de près de 4 000 militaires (armée régulière et forces spéciales), la participation de 1 800 soldats tchadiens, l’arrivée de plus 4 000 militaires issus d’autres pays africains, la Misma compte à ce jour plus de 10 000 soldats étrangers.

Tous sont chargés de participer à la reconquête et à la sécurisation des localités libérées. Une tâche assez ardue qui s’inscrira nécessairement dans la durée. Les armées africaines ayant montré leurs limites et lacunes, des sessions de formation et d’instruction militaire sont prévues à leur bénéfice. Autre tâche, également ardue, qui s’inscrira dans la durée.

Récemment, le 29 janvier dernier, à Addis-Abeba, les organisateurs d’une réunion ont fait un appel à contributions pour le financement des activités de la Misma et des forces armées maliennes. Cette rencontre a été suivie de celle du groupe international de soutien et de suivi de la situation au Mali. Là, à Bruxelles, de nombreux participants ont demandé à ce que les opérations au Mali se déroulent, désormais, sous mandat onusien, dans une opération de maintien de la paix. Du coup, la Cédéao et l’Union africaine pourraient être dessaisies du dossier malien au profit de l’organisation mondiale. Toutefois, les spécialistes de ce genre de questions n’excluent pas la possibilité que les soldats de la Misma soient transformés en «Casques bleus». Ils ne rejettent pas non plus l’éventualité que les troupes françaises soient maintenues au Mali sous mandat onusien, même si le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a annoncé le retrait de la France à partir de mars prochain. Une opération qui risque également de s’inscrire dans la durée.

Le gouvernement malien, sous la pression de la France et sans doute d’autres pays qui en font une exigence, a annoncé que les élections générales devraient se tenir avant le 31 juillet. Seulement, dans le même temps, ils exigent des élections propres, libres, transparentes et susceptibles de ne pas aboutir à des violences postélectorales. Calendrier assez difficile à respecter. En effet, l’insécurité relative à la rébellion et au jihadisme a lancé la majorité des populations du nord (habitants, administrations, opérateurs économiques, acteurs du développement, défense et sécurité, etc.) sur le chemin de l’exil et de l’exode. En l’état actuel des choses, elles ne pourraient revenir s’installer dans un champ de ruines: locaux administratifs saccagés, infrastructures socio-sanitaires détruites, tissu socioéconomique déchiré, habitats endommagés. Il va falloir reconstruire tout ce qui a été déconstruit. Toute chose qui s’inscrit dans la durée.

En outre, la sécurité suppose la traque et la neutralisation de toutes les poches de résistance qui ne manqueront pas de se développer dans le vaste Sahel suite à la débandade des groupes armés, constituant un danger résiduel permanent pour tous les pays de la sous-région.

Autant dire que le Mali et ses alliés doivent s’apprêter à mener une guerre de longue haleine. Qui fait le «jour d’après » n’est pas alors pour demain.

Cheick Tandina

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