Une convention nationale, conformément à l’Accord-cadre signé en toute illégalité, le 06 avril 2012, entre le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (Cnrdre) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), convoquée contre toute logique républicaine par le Premier ministre plein de pouvoirs, Cheikh Modibo Diarra, le chef du gouvernement nommé en violation de la Constitution, et simplement présidée par le président de la République par intérim sans pouvoir ni moyens. Voilà ce que propose le chef de la junte, Amadou Haya Sanogo, en guise de plan de sortie de la crise institutionnelle et politique qui bloque le fonctionnement du pays (en panne depuis janvier) depuis la fin mars.
Cette décision du putschiste est une riposte à la Cédéao de Alassane Dramane Ouattara et à la médiation de Blaise Compaoré lesquels, lors d’un récent sommet de l’organisation à Abidjan, avec l’onction de Dioncounda Traoré, s’étaient arrogés le droit de vouloir imposer le calendrier et les acteurs de la transition contrairement à l’esprit et à la lettre de l’Accord-cadre, ce seul mais précieux document qui donne toute sa légitimité (donc une certaine légalité) au Cnrdre en qualité de seul interlocuteur de la communauté internationale en ce qui concerne la gestion du Mali post-putsch.
Mais depuis que le capitaine Sanogo l’a proposée, sa demande de convention nationale divise, une fois de plus, la classe politique, les organisations de la société civile et les citoyens lambda. Entre pour et contre.
Les plus allergiques à cette décision sont les composantes du Front de sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR, Front du refus) qui n’ont jamais cautionné le coup d’Etat du 22 mars et ont toujours réclamé (sans l’obtenir vraiment) le retour à l’ordre constitutionnel. La raison est connue : le retour à la prééminence de seulement quelques partis politiques sur la scène nationale. Et cette raison n’est pas du goût de tout le monde, notamment de la Coordination des associations et partis (Copam) qui a pris fait et cause pour la junte. Grâce à laquelle ses membres espèrent être enfin vus sur le devant de la scène.
A ne pas pas occulter le fait aussi que le président du Cnrdre, quoiqu’il dise ou fasse croire, ne dédaignerait pas une désignation comme président de la transition.
En définitive, que la convention nationale se tienne ou non, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un jeu d’intérêts personnels et particuliers, égoîstes et exclusifs de part et d’autre. Aucun de ceux qui prétendent ou aspirent à jouer aujourd’hui les premiers rôles n’a à cœur les intérêts du peuple et de la nation.
Sinon et Dioncounda Traoré et Amadou Haya Sanogo derrière lesquels se retranchent les différentes positions peuvent à tout moment, s’ils le veulent réellement, dans l’intérêt du peuple et de la nation, se retirer de la course en déclarant publiquement leur renonciation à la présidence de la transition.
D’autre part, refuser la tenue d’une convention nationale, un moindre mal dans le contexte actuel, que des regroupements plus modérés et conciliants appellent « Congrès extraordinaire du peuple, conférence nationale ou concertations », c’est refuser le dialogue et la négociation dans un cadre qui pourrait servir à la refondation de la république.
En réalité, le capitaine Amadou Haya Sanogo, entré par accident sur la scène, manipulé par les uns et manipulant lui-même les autres, ne veut plus retourner dans ses casernes. Pourtant, c’est là-bas qu’il serait le plus utile ; le prof. Dioncounda Traoré, entré par défaut sur la scène, également manipulé par les uns et manipulant lui-même les autres, ne veut plus se contenter d’un intérim de quarante jours seulement. Mais il a l’avantage d’avoir le soutien de la communauté internationale, à travers la Cédéao dont certains chefs d’Etat sont loin d’être des saints, qui a décidé de lutte contre toute forme de coup d’Etat qui ne ferait pas son affaire.
Or, le putsch d’Amadou Haya Sanogo ne fait pas son affaire et beaucoup verrait d’un bon œil son retour dans les rangs. Là, le chef du Cnrdre a beaucoup plus à faire dans le cadre de la réforme des forces armées et de sécurité, qui lui permettrait de s’attaquer au problème de fond qu’est la situation sécuritaire dans le nord. Et pour l’heure, avec ses positions tranchées, ses tergiversations dilatoires et ses prétentions politiques, rien ne prouve que le nord soit pour lui une priorité. C’est du reste le sentiment de plus en plus partagé par les ressortissant de cette partie du pays, qui ne comprennent pas que le capitaine refuse, pour aller dans le nord, les moyens humains de la force en attente de la Cédéao, tout en sachant que son armée nationale n’a ni les hommes ni la chaine de commandement nécessaires pour gagner une guerre quelconque, même si la communauté internationale lui donnait tout le matériel et toute la logistique de l’Otan.
En attendant, le Mali, englué depuis le 17 janvier, est bloqué et n’est pas près de sortir de l’impasse dans laquelle il a été dirigé par des putschistes imprévoyants mais croyant avoir la chance de leur vie, et des politiciens frustrés d’une victoire à portée d’urne.
Cheick Tandina