Membre fondateur du G5 Sahel, le Mali ne fait désormais plus partie de cette organisation régionale des 5 pays de la zone. L’annonce officielle du retrait a été faite, le dimanche 15 mai, par le porte-parole du gouvernement de la Transition, le colonel Abdoulaye Maïga.
Composé du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad et de la Mauritanie au moment de sa création, le G5 Sahel ne compte plus 5 pays avec le retrait du Mali dont les autorités avancent plusieurs raisons pour justifier cette prise de distance dont les manœuvres d’une puissance occidentale. Sans être cité nommément, plusieurs observateurs avertis de la situation géopolitique malienne pensent directement à la France qui serait cette puissance extrarégionale.
Dans la déclaration du retrait, le ministre Maïga a dénoncé qu’une Conférence des chefs d’État du G5 Sahel prévue depuis février 2022 à Bamako devait consacrer le début de la présidence tournante malienne du G5 mais que près d’un trimestre après le terme indiqué cette réunion ne s’est toujours pas tenue. A cet effet, il a fustigé l’attitude et rejeté l’argument « d’un État membre du G5 Sahel qui avance la situation politique interne nationale pour s’opposer à l’exercice par le Mali de la présidence du G5 Sahel ».
En effet, créé en 2014, le G5 Sahel est un cadre de coopération entre 5 pays à la fois pour la sécurité et le développement. C’est ainsi qu’il a officiellement lancé en 2017 une force conjointe pour sécuriser les frontières. Conformément à ses missions, le journal Les Echos, rapportait que, sur le volet développement, le G5 Sahel encadrait 40 projets régionaux, destinés à améliorer les infrastructures et l’accès aux ressources, pour un coût total de 2,4 milliards d’euros. « A ces projets s’ajoutent ceux de l’Alliance Sahel, qui regroupe l’Union européenne et plusieurs Etats membres, dont la France et l’Allemagne, ainsi que des institutions comme la Banque africaine de développement et le Programme des Nations-Unies pour le développement. Au total, 12 bailleurs qui financent plus de 600 projets dans la zone, pour un montant total de 9 milliards d’euros », ajoute le journal français.
Avec autant d’investissements, difficile de ne pas voir les sceptiques soupçonner la France de mettre à contribution certains pays de l’organisation pour faire son jeu comme le laissent croire les autorités maliennes d’autant plus que l’Hexagone, sur le plan tactique fournissait véhicules, matériel, conseil et formation aux armées des cinq pays sahéliens en plus de l’appui des 4 500 soldats de l’opération Barkhane pour épauler les 5 00 soldats africains prévus.
Malgré tous ces efforts, l’impact du G5 Sahel semblait être invisible pour beaucoup d’analystes. « Le cadre offert par la force conjointe du G5 n’a jamais été d’une grande efficacité plombée par un concept opérationnel caduque et par des problèmes de financement réguliers », a indiqué Ornella Moderan. Mais pour le responsable du Programme Sahel du Think Tank africain l’Institut d’Etudes de Sécurité (ISS), l’organisation a le mérite d’exister car offrant un point de rencontre stratégique pour penser, entre États concernés, la réponse à donner à une insécurité galopante. Cette analyse contraste avec la vision du président nigérien qui affirme, en indexant les autorités du Mali, que le G5 Sahel est déjà mort. « Depuis le second coup d’État au Mali (en mai 2021, NDLR), Bamako est dans une fuite en avant qui l’isole en Afrique et nous prive d’une stratégie concertée et coordonnée pour lutter contre le terrorisme », a déclaré Mohamed Bazoum dans l’Obs.
En faisant cette déclaration, le Chef de l’Etat du Niger n’a fait que paraphraser le Secrétaire général de l’Onu qui étend la responsabilité des difficultés rencontrées par le G5 Sahel à la partie Burkinabé. « Les coups d’État militaires au Mali et au Burkina Faso, deux des 5 membres de la Force multilatérale antidjihadiste G5 Sahel, mettent à mal sa capacité opérationnelle », estimait Antonio Guterres.
Comme conséquences, l’on estime que le retrait du Mali rompt la continuité territoriale du G5 Sahel, en fonction de laquelle les stratégies et les structures de cette organisation ont été conçues. « La Mauritanie, pays du siège et seule hors zone CFA, se trouve isolée à l’Ouest, et les deux autres pays frontaliers du Mali et membres du G5 Sahel (Burkina Faso et Niger) se retrouvent dépouillés de la mutualisation des moyens et des forces prônées par la stratégie sécuritaire et développement transfrontalier définie par le G5 Sahel », analyse Enoch Djondang. Pour cet
ancien coordonnateur point focal du G5 Sahel pour le Tchad depuis sa création en 2014, cité par Info Matin, le Mali s’en tire bien en faisant porter toute la responsabilité de la disparition du G5 Sahel à la seule attitude incompréhensible du Tchad qui assure la présidence malgré la fin de son mandat. « Il aurait fallu tenir cette conférence des chefs d’État, par exemple au siège en Mauritanie, pour évaluer ensemble avec les autres pays membres, y compris le Mali, de la situation générale, ce qui aurait permis de trouver une solution provisoire de présidence intérimaire acceptée par le Mali et préserver la solidarité sahélienne exemplaire », a-t-il expliqué avant de conclure que le Tchad, qui avait deux entrées en force sur la scène sahélienne, à savoir la Minusma et la Force Conjointe du G5 Sahel, s’est tiré une balle dans le pied, en refusant sans raison valable de passer le relais de la présidence tournante au tour du Mali. « Les deux pays étant tous deux en transition, aucun ne pouvait donner des leçons à l’autre, en le boycottant ! ».
Alassane Cissouma
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RETRAIT DU G-5 SAHEL
Pourquoi pas une simple suspension ?
Le Mali s’est retiré de toues les instances et de la force conjointe du G-5 Sahel. Un acte apprécié par la plupart des Maliens et Maliennes. Beaucoup d’entre eux ont trouvé les manigances qui constituaient à refuser au colonel Assimi Goïta, la présidence du G-5, injustes et qui touchaient à l’orgueil et à la fierté du Mali. Si on allait un peu au-delà de l’orgueil et la fierté pour voir la politique d’intérêt à long terme, une décision prise à la hâte et l’extrême ?
Pour certains spécialistes de la Sécurité, la question avec le G-5 Sahel n’a pas été murement réfléchie. D’aucuns pensent que cette précipitation est plus due à l’apport des coopérants russes que le gouvernement soutient être présent au Mali. C’est cet appui qui a amené le gouvernement à ne prendre aucun temps de réflexion pour quitter G-5 Sahel.
Les conséquences ne sont directes sur aucun plan. Par contre, aller devant, ce genre de réactions jouerait beaucoup sur la crédibilité de l’Etat malien à gérer avec maturité les relations diplomatiques. On ne peut continuer à gérer notre diplomatie selon les humeurs et les émotions. Cela peut aujourd’hui plaire à l’égo de beaucoup d’entre nous, mais demain, quelle image, laisse-t-on, pour le Mali à l’international ?
Le Mali devrait juste suspendre et saisir qui de droit pour résoudre le problème. L’on ne pouvait en aucun cas refuser au Mali la présidence tournante qui lui revenait de droit. Il fallait juste fouiller les textes ou observer la coutume jurisprudentielle pour résoudre le problème. L’Afrique et la sous-région disposent de plusieurs instruments juridiques pour résoudre des problèmes pareils.
« Cette politique d’isolement du pays pour se maintenir au pouvoir ne serait pas sans conséquence et ne pourra s’éterniser en aucun cas. Les militaires au pouvoir seront obligés d’organiser les élections pour se conformer à l’ordre sous régional et continental. Il n’y a aucune issue possible. Même si on obtenait la sécurisation totale du pays, nous serons obligés d’aller à des élections. Donc il ne servira à rien d’isoler le Mali. Le fait de quitter G-5 Sahel, en est un autre exemple », pense un responsable politique qui ne se sent pas dans la même dynamique que les autorités de la transition.
Ce qui est déplorable malgré autres volets d’intégration entre les Etats membres du Sahel, le Mali en quittant le G-5 Sahel laisse peu de chance à cette structure de survivre. Ses jours sont définitivement comptés et le compte à rebours est lancé.
Koureichy Cissé
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G5-SAHEL
Le financement peine à se concrétiser
La force G5 Sahel malgré son opérationnalisation souffre d’un manque de financement pérenne pour lutter contre le terrorisme au Sahel. Après 8 ans, il souffre d’un manque de financement.
La création du G5 Sahel a suscité beaucoup enthousiasme au sein des populations des 5 pays concernés pour mener une lutte implacable contre le terrorisme. Mais très vite cette coalition a montré ses limites. Le principal facteur, c’est le manque de financement pérenne. Alors que lors de sa création, les dirigeants du G5 Sahel ont affirmé que pour que cette institution soit opérationnelle, il leur faudrait 400 millions d’euros en plus de la cotisation annuelle de chaque Etat membre du G5 Sahel. Selon Ecofin hebdo, sur les 400 millions nécessaires, 8 ans après sa création, ce financement n’a toujours pas été bouclé. Le G5 Sahel apparaît comme un colosse aux pieds d’argile.
Le retrait du Mali va davantage fragiliser cette coalition. Le Mali est le plus gros budget militaire du G5 Sahel devant le Tchad. Selon les statistiques, ces derniers 4 années, le Mali a injecté 1, 6 milliard de dollars soit environ 900 milliards de F CFA dans des dépenses militaires.
Depuis des années, les pays du G5 Sahel avec la France tentent d’intégrer le G5 Sahel dans le chapitre 7 des Nations-unies pour lui assurer un financement durable. Mais l’administration Trump et celui de Biden bottent en touche. Les États-Unis préfèrent une coopération bilatérale avec chacun des pays du G5 Sahel.
Ousmane Mahamane
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MALI ET G5-SAHEL
Retrait du Mali au regard du droit international
La Convention portant création du G5 Sahel le 19 décembre 2014 ne prévoit pas le retrait d’un État membre. Elle ne prévoit que la dissolution de l’organisation en son article 20.
Dans ce cas pareil, il est fait référence à la Convention internationale sur le droit des Traités (1980, année de son entrée en vigueur), pour juger de la validité d’un éventuel retrait.
Cette Convention de Vienne sur le droit des Traités dispose en son article 56, au cas où un Traité ne prévoit pas de disposition relative au retrait d’un État membre, qu’un tel retrait ne peut intervenir qu’après une notification d’au moins 12 mois à l’avance.
En vertu de cette disposition du droit international public, la décision de retrait du Mali ne peut être considérée que comme une notification de retrait. Sous ce rapport, ce retrait ne produira son effet définitif que dans 12 mois.
D’ici-là, le Mali est tenu de respecter ses engagements juridiques vis-à-vis de ses pairs.
Si le Mali éteint toutes ses activités au sein du G5 Sahel, sa décision de retrait immédiat pourra alors être attaquée devant la Cour internationale de Justice, qui le condamnera à coup sûr.
Je suggère donc à nos autorités de considérer cette décision de retrait comme une notification et de prendre ses dispositions pour sauvegarder pendant les mois à venir, ses intérêts au sein du G5 Sahel.
Dr. Mahamadou Konaté
Professeur/ Droit international et Relations internationales
MICRO-TROTTOIR
Que pensez-vous du retrait du Mali du G5 Sahel ?
Coumba Sylla, (étudiante à la Faculté des Sciences économiques et de Gestion)
« Je pense que c’est une bonne chose que le Mali se retire du G5 Sahel. Dans une organisation, il est primordial que les uns et les autres se respectent. Si le G5 Sahel ne considère pas les autorités maliennes comme légitimes, cela va de soi que le Mali quitte l’organisation ».
Abdoul Karim Togola, (étudiant à la Faculté du droit privé)
« Cette année, c’est le Mali qui devait être à la tête du G5 Sahel, mais l’organisation ne considérant pas nos autorités. Ils nous ont refusé la présidence de notre pays. Pour moi, nos autorités ont eu raison de quitter le G5 Sahel, car ce qu’ils ont fait est un manque de respect vis-à-vis de notre pays».
Hamaye Maïga, (étudiant à la Faculté des Sciences économique et de Gestion)
« J’approuve ce retrait du Mali du G5 Sahel. Depuis la création de cette organisation, il y a environ 10 ans, l’objectif c’était de nous faire sortir de la crise. Mais c’est regrettable de voir, depuis, que la crise ne fait que s’intensifier. En plus de cela, on perd de l’argent en étant membre de cette organisation ».
Mohamed Cissé, (journaliste)
« Je ne pense pas si c’est une bonne chose de quitter le G5 Sahel. Pour moi, le Mali est en train de s’isoler de plus en plus. Et c’est surement au profit de l’agence privé de la Russie, Wagner. On ne doit pas être fier de rompre avec des partenaires étatiques et responsables pour continuer à traiter avec des mercenaires. La décision de quitter est très extrémiste, on pouvait juste suspendre notre participation en attendant un dénouement heureux».
Diaby Ibrahima (Gestionnaire)
« Par rapport au retrait du Mali au G5 Sahel, je trouve que c’est une bonne chose parce qu’à mon avis on ne peut pas être dans une organisation et ne pas respecter les closes de l’organisation, les règles de l’organisation. Le fait que nos autorités se sont retirées est une bonne chose car c’est pour vraiment permettre aux autres de nous respecter ».
Docteur Ichaka Cissé, (Enseignant-chercheur à la Faculté de droit privé)
« De mon point de vue, je suis d’avis et je soutiens la décision prise par les autorités par rapport au retrait du Mali du G5 Sahel. Au départ de la création de ce pôle au sahel pour lutter contre le terrorisme, l’esprit qui le sous-entendait n’a pas été bien structuré comme on l’aurait souhaité. Depuis sa création, il y avait des difficultés en termes d’orientation, en termes de vision. Je pense que ce retrait-là se justifie au-delà des arguments avancés par le gouvernement. Je n’ai pas vu l’opportunité d’une telle structure d’autant plus que si l’idéal de la structure devenait sahélienne que les Etats partis puissent être en mesure de financer exclusivement cet organe, ce qui n’a jamais été le cas déjà les premières heures de sa mise en place, des Etats ont été invités à faire des investissements pour que les actions en terme d’opération puissent se dérouler et ça n’a jamais été le cas. Même les bailleurs de fonds qui avaient promis de financer cet organe-là ne l’ont pas accompagné, donc quelque par je dis lorsqu’on envisage une telle politique sécuritaire encore faudrait-il que les Etats soient engagés surtout dans le cadre de l’autofinancement. Si les Etats membres, les 5 Pays du G5 avaient pris l’initiative de financer exclusivement les actions militaires au sein de cet organe. Ça pouvait être un début de processus ou ça allait s’élargir à d’autres pays et qui allaient également l’accompagner. Mais cela n’a jamais été le cas, c’est pourquoi son échec aujourd’hui est constaté. Le G5 Sahel depuis sa mise en œuvre en nos jours n’a pas véritablement mené des actions de nature à minimiser les actions des terroristes dans le sahel et particulièrement au Mali».
Seydou Mamadou (Etudiant à la Faculté de droit privé)
« Je pense que les autorités ont pris une bonne décision vue que dans cette situation c’est Assimi qui doit être le Président du G5 Sahel. Si cette fonction ne lui a pas été attribuée à cause du coup d’Etat qu’il a fait. Nos autorités pensent qu’elles sont légitimes et légales, même si elles n’ont pas été élues démocratiquement, la population malienne les soutient. Environs 90 % de la population malienne les soutient. Même si nous passons à l’élection maintenant, je ne vois pas de candidats qui pourra battre le candidat présenté par la transition »
Aly Diabaté et Adam Traoré
(stagiaires)