Retour des porteurs de bidasses au Mali : La défaillance et la responsabilité de la classe politique

0

Odieux. Du moins aucun républicain ne saurait tolérer, qu’il soit de raison ou d’amour, le mariage entre démocratie et coup d’Etat militaire. La démocratie, c’est la force du droit, avec en son centre le peuple souverain, source légitime du pouvoir d’Etat. Le coup d’Etat militaire, c’est du vol par effraction. C’est un coup de poignard dans le dos de la démocratie. C’est une claque régentée au peuple souverain, dans la tentative de légitimer on ne sait quel droit de la force.

 

Le Mali, depuis mars 1991, poursuivait son petit bonhomme de chemin…démocratique. On peut l’affirmer, Amadou Toumani Touré n’est pas Yaya Jammeh, ni Blaise Compaoré. Le Mali de l’un a réalisé d’importantes avancées démocratiques que lui envieraient la Gambie, le Burkina. Les raisons intérieures invoquées par les putschistes de Bamako pour justifier leur coup de force, auraient pu être portées par divers candidats sur la ligne de départ de l’élection présidentielle toute proche. Dans un mois très exactement. Que n’aurait-on pas alors fait l’économie d’un coup d’Etat ?

Aujourd’hui, ceux qui nous géraient ont pris du coup les maquis ou se retrouvent dans les mains des maîtres du jour. Le président Amadou Toumani Touré ne s’est pas du tout détaché de la doctrine dont il a hérité depuis 2002. Les multiples crises au Mali ne sont que l’aboutissement de la mauvaise gouvernance, du galvaudage, du clientélisme et de la corruption à outrance érigée en un système de gérance, qui ont fini par gangrener toutes les institutions de la République et même celles militaires. L’homme du 26 mars 1991, qui a délivré le peuple malien de la tyrannie du général Moussa Traoré, ne pouvait jamais croire, qu’un jour, il serait face à la même réalité. Le Général a pris le large pour éviter des déboires face à ces jeunes qui ont la gâchette facile.  Le président ATT a été lâché par les siens, notamment les généraux qu’il a lui-même nommés.

Dans l’armée, depuis l’arrivée du président ATT aux affaires, c’est la fête des galonnés. Des commandants, des sous-lieutenants, des colonels et généraux en ont profité pour se taper  de grosses cylindrées et les châteaux qu’ils construisent poussent comme des champions. Ceux qui sont chargés de sécurisé le bas peuple sont devenus des «affairistes» de tout acabit. Les protecteurs des réseaux de drogue. Tout y passe pour réduire le pouvoir à néant. Le serment est relégué au second rang. La preuve, personne ne veut se rendre dans le Septentrion pour combattre les «rebelles». Instabilité sécuritaire, méfiance grandissante du bas peuple envers les dirigeants du pays. Le président ATT, de sa cachette, doit comprendre le laxisme dont lui-même a été l’auteur. Des recrutements bidon dans l’armée. Des  jeunes sont enrôlés sans vocation. Les personnalités arrêtées et qui se plaignent de leurs conditions de détention, doivent savoir que cela se passe comme tel avec le bas peuple.

Les facteurs qui ont longtemps favorisé le coup d’Etat, en Afrique, s’effritent à vue d’œil. Si bien que tout coup d’Etat, aujourd’hui, pose plus de problèmes qu’il n’aide à en résoudre. La saison d’abondance des coups d’Etat en Afrique, c’était à l’ère des partis uniques, marquée par une absence quasi totale de contre-pouvoirs. Avec un tel vide et en situation de crise majeure, l’armée apparaissait tout naturellement comme l’arbitre du jeu politique, la dernière frontière avant le chaos. Aujourd’hui, tout change. La scène publique s’anime de l’action de nombreuses structures de contre-pouvoir. Bien qu’ils en soient encore à chercher leurs marques entre transhumance et électoralisme, les partis politiques sont bien présents. Aujourd’hui, tout change. Il y a le mépris de toute hiérarchie. Ce qui porte un capitaine à en imposer à un général, des sacs au dos à tenir le haut du pavé, des sous-fifres à tenir en laisse des officiers supérieurs. Alors que, dans l’armée, la notion du chef, tout comme celle de la hiérarchie, ont un caractère quasi sacré. Par quel glissement des valeurs sommes-nous tombés si bas ? Par quel affaissement moral en sommes-nous arrivés là ? Des questions qui méritent des réponses.

Destin GNIMADI

Commentaires via Facebook :